Livre I
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si peu déprimée qu’elle est presque aussi proéminente à cet endroit (comme sur les côtés) qu’au centre. Avec quel art et pour quelles raisons, la Nature a construit cela, rien ne nous l’apprend plus aisément que les fonctions du pouce, qui, une fois que l’assemblage des os est connu, suggèrent d’emblée à l’esprit des spectateurs beaucoup plus de choses que ce que l’on pourrait écrire à ce sujet en beaucoup de mots et en usant beaucoup de papier.Explication de l’articulation de la troisième phalange du pouce avec la deuxième[466]. La jonction de la deuxième phalange du pouce avec la troisièmell Dans la figure 2, insérez G et H dans I et K, et M dans L. est différente de celle unissant la première phalange au carpe, et la deuxième à la première. En effet l’extrémité inférieure [distale] de la deuxième phalange se divise en deux petites têtes, plus ou moins sphériques, et séparées au milieu par une cavité oblongue, enduite de cartilage comme aussi les têtes elles-mêmes. La base de la troisième phalange a deux cavités, séparées par une sorte de tubercule ovale. Ces cavités reçoivent les deux petites têtes de la deuxième phalange, et le tubercule de la troisième phalange entre dans la cavité creusée au milieu des deux petites têtes de la deuxième phalange ; et par ce moyen, la deuxième phalange entre dans la troisième et en retour la reçoit ; et par cette entrée mutuelle, les deux os sont articulés avec un tel art que la troisième phalange peut seulement avoir un mouvement de flexion et d’extension, mais qu'elle ne peut avoir aucun mouvement latéral, si petit soit-il. Quant au fait que la troisième phalange fléchit en angle et qu’elle ne s’étend pas au delà d’une ligne droite, mais qu’elle peut seulement aller tout droit à partir de la flexion, ce sont les petites têtes et les cavités de la jointure qui en sont la cause. En effet, ces têtes, auxquelles les cavités s’adaptent parfaitement, portent davantage vers l’intérieur que vers l’extérieur, et sont très légèrement concaves ; et elles sont si peu saillantes à l’extérieur que c’est à peine si elles montrent à cet endroit la forme d’une tête ; elles empêchent donc la troisième phalange de s’incliner en arrière. Lorsque nous examinons la fonction de cette articulation dans la flexion, nous comprenons combien cette articulation est bien adaptée à sa fonction, et en même temps, grâce à la grande prévoyance de la Nature, nous en concluons combien l’articulation serait affaiblie si elle avait un mouvement d’extension et de latéralité égal à celui de flexion.Forme des première, deuxième et troisième articulations des quatre doigts. La deuxième et la troisième articulations des autres doigts montrent la même forme*.* Les figures placées en tête de ce chapitre montrent cet enchainement. Leur première articulation est en grande partie semblable à la deuxième articulation du pouce, comme nous l’avons indiqué précédemment ; elle a un mouvement latéral plus prononcé, mais ne fléchit pas autant. En effet, les têtes des os métacarpiens s’étirent beaucoup vers l’avant et sont déprimées ; elles ne sont pas beaucoup plus larges latéralement, et sont même légèrement déprimées à cet endroit, ceci pour que la flexion soit plus aisée que l’extension ou que le mouvement latéral. Par ailleurs, l’index et le petit doigt ont la particularité d’avoir un mouvement latéral plus grand sur la première articulation que le médius et l’annulaire ; cela est surtout dû au fait que l’os métacarpien est plus déprimé latéralement. Quant au fait que les premières articulations des quatre doigts fléchissent avec plus de difficulté que les deuxième et troisième articulations, ce n’est pas dû aux têtes des os métacarpiens, qui seraient moins déprimées sur la face interne, mais cela est dû à la présence de petits osselets, que l’on compare à des grains de sésamem,m V, V dans la figure 1 du chapitre 25. qui affermissent l’articulation et l’empêchent de fléchir plus lâchement que nécessaire. Ensuite, les premières articulations des doigts s’étirent ou fléchissent en arrière plus loin que les autres, parce que les têtes du carpe[467] sont visiblement plus concaves sur la face externe [dorsale] que celles des phalanges ; certaines personnes peuvent donc avoir un mouvement d’extension plus grand dans la mesure où leurs articulations sont plus concaves sur la face externe [dorsale]. Nous en voyons certains qui peuvent fléchir en arrière de manière extraordinaire non seulement la première phalange des doigts, mais aussi toutes les autres, et surtout la troisième.Les doigts flexibles et élégants de Johan Centurio de Gênes. Un très bel exemple en est donné par un jeune homme de grand avenir, au jugement très juste, qui, outre la noblesse de sa naissance et ses bonnes mœurs, s’est illustré par une érudition toute particulière dans les belles lettres et dans différentes disciplines : Johan Centurio de Gênes retourne les doigts en arrière d’une manière si prodigieuse qu’il peut puiser de l’eau avec les doigts (qu’il a remarquablement longs, cylindriques, aptes à tous les arts possibles, et très élégants), comme nous le faisons avec la paume. Ce ne sont pas seulement les articulations de ses doigts, mais celles de tout le corps, et surtout celles de ses côtes avec les vertèbres thoraciques, montrent une admirable souplesse jointe à une force peu commune. Telle est habituellement l’articulation des doigts, qui confirme aisément le fait que les doigts sont avec raison plus larges et plus épais près des articulations que sur le reste de leur longueur.Petits processus de la troisième phalange des doigts. L’extrémité inférieure [distale] de la troisième phalange n’est articulée avec aucun autre os, mais elle est cependant convexe en bas et a une petite tête rugueuse dotée pour ainsi dire de deux petits crochets*;* Voyez les terminaisons sur les figures 1, 2 du chapitre 25.
n Tendons des muscles annotés par Ξ et ηdans la 6eplanche des muscles et c, b dans la 7eplanche.
cela pour que le tendonn qui la fléchit puisse s’attacher à toute la surface interne de cette phalange et s’insérer très solidement à sa terminaison à la pointe de l’os. En effet, c’est de loin le plus grand des tendons moteurs des os des doigts, et il a la plus robuste insertion.C’est avec raison que nous avons cinq doigts. Il n’est pas difficile de découvrir qu’il fallait cinq doigts, si nous examinons pour quelles fonctions ils peuvent nous être utiles. En effet, s’ils étaient moins nombreux, ils accompliraient plus imparfaitement un très grand nombre d’actions, mais par ailleurs, nous ne saurions pour quel usage utiliser un nombre de doigts plus élevé. Quant au fait que s’ils étaient moins nombreux, beaucoup d’actions seraient mal faites, nous l’expliquerons facilement dans notre exposé, en traitant de chaque doigt en particulier.Du mérite des doigts. En effet si le pouce manquait (car sa position en opposition aux quatre autres doigts est utile, c’est pourquoi les Grecs l’ont appelé anticheir, comme si l’on disait «  face à la main »), tous les autres doigts perdraient de leur pouvoir, puisque sans l’aide du pouce, les autres doigts n’aboutissent généralement à rien, comme les juges eux-mêmes nous l’enseignent, en faisant habituellement couper non seulement l'oreille des voleurs mais aussi le pouce avec lequel ils ont déchiré les bourses et les sacs[468].

×Il s’agit de l’unique articulation interphalangienne du pouce, entre phalange proximale et phalange distale.
×Erreur dans le texte latin pour métacarpe.
×Je n’ai pas trouvé de référence précise à l’amputation du pouce, mais la peine de l’amputation de la main est attestée au Moyen Âge en Angleterre (cf. D. Hume, Histoire de la maison des Plantagenets, t. 1, Amsterdam, 1765, p. 439) et dans l’Empire (cf. J. Fuhrmann, «  Punition de la violence par la violence : cruauté des sanctions dans le droit médiéval en Allemagne », in Violence dans le monde médiéval, n° 36 de Sénéfiance, CUERMA, Aix-en-Provence, 1994, p. 219-233.