Livre I
126

Dans la main.Donc, tout d’abord, il y a deux osseletsbb T dans les figures 1, 2 du chapitre 25. placés dans la partie interne de la deuxième articulation [première articulation ou articulation proximale] du pouce, là où la première phalange s’articule avec la deuxième ; ils sont arrondis et compacts, et ne diffèrent guère de la forme d’un grain de riz ; en effet, ils sont un peu plus courts qu’un vrai grain, mais de même que le grain de riz présente une partie déprimée, de même une partie de ces osselets est déprimée, modérément concave et encroûtée de cartilage à l’endroit où tous deux sont joints à la première phalange du pouce. Ils reposent sur le côté interne de cette phalange près du début de sa tête, là où un cartilage lisse commence à la recouvrir. Un des osselets occupe le côté externe de la face antérieure de la tête et le second le côté interne de la même face ; ils permettent au tendon fléchisseur de la troisième phalange [deuxième phalange ou distale][472] de passer par l’intervallecc η, θ dans la 6eplanche des muscles. qui les sépare. Comme ces ces osselets sont fermement attachés à cette phalange du pouce, ils sont convexes sur leur surface extérieure et ressemblent à ces surfaces osseuses d’où des ligaments se détachent et où des tendons s’insèrent. Deux osselets similairesdd V, V dans la figure 1 du chapitre 25. se trouvent dans la première articulation des autres doigts, ils sont placés au même endroit, ils sont plus petits que ceux du pouce et leur taille diminue au fur et mesure qu’on approche du petit doigt. À la première articulation de ce dernier, ou plutôt à la tête de l’os métacarpien soutenant le petit doigt, sont joints deux osselets très fins et recouverts de cartilage, les osselets des autres doigts ayant une dimension intermédaire. En outre chez les vieillards et chez les hommes tout en os (pour ainsi dire), j’ai quelquefois observé un osselet uniqueee Il correspond à celui marqué * dans la figure 2 du chapitre 33.
f L dans la figure 2 du chapitre 27.
placé sur la face interne de la troisième articulation du pouce, au-dessus de la surface interne de la cavitéf qui sépare les têtes de la deuxième phalange. J’ai aussi fréquemment trouvé un osselet de ce genregg X, X dans la figure 1 du chapitre 25. sur la deuxième ou sur la troisième phalange de chacun des doigts, mais si petit qu’il égalait à peine la taille d’un grain de millet. Aussi, si vous n’y faites pas très attention en nettoyant les os, cet osselet (comme celui des premières articulations) pourrait tomber avec les ligaments et ne jamais se présenter à la vue. On peut souvent voir un osselethh N dans les figures 1, 2 du chapitre 25. de ce genre et de dimension notable à l’endroit où le métacarpien soutenant le petit doigt s’articule avec le huitième os [hamatum] du carpe. Voilà pour les osselets dans la main.Les osselets dans le pied. Dans le pied nous trouvons de même un osseleti,i μ dans les figures 1, 2 du chapitre 33. là où l’os du métatarse soutenant le petit orteil est joint à l’os en forme de dé [os cuboïde], il correspond au dernier os décrit précédemment dans la main. Mais il est difficile de trouver un os de ce genre dans les premières articulations des orteilskk ψ, ω dans la figure 2 du chapitre 33. ailleurs que dans l’hallux ; cependant chez les vieillards, on les voit plus aisément parce qu’ils sont plus grands. Dans les deuxième et troisième articulations, je n’en ai jamais trouvé, sauf dans la seconde articulation de l’hallux, en-dessous de laquelle se trouve un assez grand osseletl.l * dans la même figure. Ceux en-dessous de la première articulation de l’hallux sont beaucoup plus grands, et celui du côté interne est à son tour beaucoup plus grand que celui sur le côté externe. Là où ils joignent la tête de l’os du métatarse (qui entre dans la cavité de la première phalange de l’hallux, comme nous le dirons), ils sont légèrement concaves, encroûtés de cartilage, et s’adaptent parfaitement à la convexité de la tête. Sur leur surface inférieure [face plantaire], face à la terre, ils sont sphériques et ressemblent à une moitié de pois mondé. Ils sont de loin les plus solides, et outre le fait qu’ils se trouvent sur la première articulation de l’hallux, ils protègent le tendonmm On peut voir les osselets sous M dans la quinzième planche des muscles, et le tendon sous δ dans la quatorzième planche. fléchisseur de la deuxième phalange de l’hallux[473], et comme ils sont en relief de chaque côté du tendon, ils empêchent parfaitement le tendon d’être comprimé lorsque le pied est en contact avec la terre.L’osselet plus connu par les magiciens et les familiers de la philosophie occulte. Le second osselet est celui que magiciens et sectateurs de philosophie occulte mentionnent avec prolixité, en racontant qu’il y a chez l’homme un os ressemblant à un pois chiche, incorruptible, et en affirmant que de cet os enfoui dans la terre comme une graine après la mort, un homme ressurgira le jour du jugement dernier. Cela concerne assurément ces deux os, mais de préférence l’os externe, tout à fait semblable à un pois chiche, du moins si on le compare avec la moitié d’un pois chiche, de telle sorte qu’en réunissant les deux moitiés de l’os on obtienne la figure d’un pois chiche entier, dans la mesure où il en a l’apparence. Ensuite, chez les hommes de haute taille, l’osselet interne est si grand qu’on pourrait facilement en faire un dé. Mais ces os diffèrent cependant des commentaires des Arabes sur un point, car ils se brisent à l’instar des autres os et ils brûlent, bien qu’ils soient certainement résistants à la corruption et très solides, comme cela a été dit auparavant. Quant au dogme selon lequel on prétend que l’homme, dont nous décrivons maintenant l’admirable fabrique, puisse renaître d’un petit os de ce genre, nous laisserons le soin d’en débattre aux théologiens, qui revendiquent pour eux seuls la liberté de dispute et d’opinion au sujet de la résurrection et de l’immortalité des âmes. Aussi, à cause d’eux, nous n’allons rien ajouter au sujet du pouvoir merveilleux et occulte de l’osselet interne de l’hallux droit[474], bien que nous ayons à notre disposition de tels os, provenant des dissections publiques de voleurs et quelquefois aussi d’adultères qui ont été pendus, en plus grande quantité que ne les ont ces trois courtisanes débauchées à Venise, qui récemment, dans le but de se procurer cet os et le cœur d’un petit garçon puceau, ont tué un petit enfant et lui ont arraché le cœur alors qu’il vivait encore ; et (comme elles le méritaient assurément) elles ont subi la peine capitale pour leur crime.Albadaran En outre, que cet os connu des Arabes, de la philosophie occulte et de la magie noire, ait été appelé albadaran, est plus connu des gens superstitieux que de ceux qui étudient l’anatomie et qui pourraient aussi comparer le quatrième os du carpe à un pois chiche[475].

×Il sera compté comme le troisième muscle moteur des doigts (long fléchisseur du pouce), cf. Fabrica II, 43.
×Aujourd’hui, long fléchisseur de l’hallux.
×La gradation de l’ironie à l’indignation est manifeste. Vésale dénonce à maintes reprises des pratiques ou des théories fondées sur le secret, l’occulte, y compris en médecine. Boerhaave et Albinus retiendront cet aspect moderne et critique pour présenter Vésale comme un précurseur des Lumières dans l’édition des œuvres complètes de l’anatomiste (Opera omnia anatomica et chirurgica cura H. Boerhaave et S. S. Albini in duos tomos, Leyde, 1725, Præfatio).
×Les études à ce sujet sont déjà anciennes, mais n’ont pas été renouvelées, cf. J. P. McMurrich, «  The legend of the Resurrection bone », Transactions of the Canadian Institute, 1910, IX, p. 45-51 ; E. Reichman et F. Rosner, «  The bone called luz », Journal of the History of Medicine, 1996, 51, p. 53-65.