Livre I
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et cela assurément parce que le fémur devait davantage fléchir en angle quand nous sommes assis, mais qu’il ne devait pas s’étendre ou être porté vers l’arrière quand nous sommes debout ou occupés à faire quelque chose. En outre, il faut également remarquer que sur la surface inférieure des sourcils de l’acetabulum ou de la cavité de l’os de la hanche [ischium]c,c h dans les figures 1, 2. ces sourcils ne font pas un cercle continu, mais qu’ils s’arrêtent et s’interrompent comme pour fournir un passage à une petite veinedd ει dans la figure au début du chapitre 6 du livre III. qui traverse cette région en direction de la surface rugueuse de l’ acetabulum non recouverte de cartilage et qui apporte leur nourriture aux articulations ; de là provient une humeur visqueuse (dont cette articulation a besoin en très grande quantité) au moyen de laquelle l’articulation est très mobile[488]. Mais pour éviter que cette interruption dans les sourcils n’expose l’articulation aux luxations, la Nature a attaché à leurs deux extrémités un ligament cartilagineux tres solide, qui n’est à aucun endroit discontinu, et qui augmente la cavité encore plus que les sourcils ; il offre une voie à une petite veine, s’avançant entre l’os et la surface postérieure de ce ligament ; ainsi la veine est portée en toute sécurité sans que la présence de cette cavité puisse accroître la possibilité de luxation du fémur, même si nous constatons que c’est à cet endroit que le fémur se luxe le plus souvent. Mais nous traiterons des ligaments et des veines à leur place respective. Pour le moment, il faut examiner les petits foramina aveugles, disposés sur la surface externe des sourcils de l’ acetabulum de l’os de la hanche [ischium], qui ont pour fonction de fournir l’origine au ligament** P, P dans la figure du chapitre 1 du livre II. très robuste qui entoure le fémur et l’attache à l’os de la hanche.Dépression par laquelle chemine le nerf le plus épais de tout le corps. Il faut également remarquer sur cet os la surface [grande échancrure sciatique]ee c dans les figures 2 et 3. visible entre la partie antérieure de l’ilium, qui est jointe au sacrum, et la région postérieure de l’ilium, surface creusée pour fournir un chemin au nerf [nerf sciatique]ff Chiffre 71 dans les figures 2 et 3 du chapitre 11 du livre IV. qui est le quatrième nerf gagnant la jambe et qui est le plus composite et le plus grand de tous les nerfs du corps.Processus effilé de l’os de la hanche [ischium]. Il faut encore observer ici le processus effilé [épine sciatique]gg d dans les figures 2, 3. de l’os de la hanche [ischium] qui produit le ligamenthh o dans la 13eplanche des muscles.
i R dans les figures 1 et 2 du chapitre 18.
k x dans la 13eplanche des muscles ouβ dans la 12eplanche, où le 10emuscle est marqué d’un α.
s’étendant vers le processus transversei de la cinquième vertèbre sacrée et qui fournit le début au muscle [muscle jumeau supérieur]k que nous attribuerons au dixième muscle moteur de la cuisse [muscle obturateur interne] ou que nous compterons séparément comme le onzième muscle moteur de la cuisse.Dépression autour laquelle le dixième muscle moteur de la cuisse s’enroule. Et il ne faut pas non plus négliger la dépression [petite échancrure sciatique]ll Voyez ici r, s, t, u, x, y, z dans la 13eplanche des muscles. dans la région postérieure et interne de l’ilium sous le processus susdit, autour duquel, grâce à l’admirable talent de la Nature, le dixième muscle moteur de la cuisse s’enroule comme autour d’une poulie.Appendice de l’os de la hanche [ischium]. Ensuite, il faudra scruter très attentivement l’appendice [tubérosité ischiatique]mm Dans les figures 1 et 2, l indique la partie postérieure de l’appendice et q la partie antérieure. attaché à toute la surface inférieure de l’ischium et sur lequel nous nous appuyons quand nous sommes assis. Cet appendice est utile à toute la grande surface à laquelle il est attaché : c’est la raison pour laquelle il est robuste, volumineux et remarquablement épais, et aussi parce qu’il donne l’insertion d’origine à des muscles, comme on peut le voir. De cet appendice se détachent au minimum quatre grands muscles, dont les têtesnn Dans la figure 2, la première impression est indiquée par m, la deuxième par o, la troisième par n et la quatrième de p à q.
o Φ dans la 10eplanche des muscles.
ont chacune leur propre surface et impression sur l’appendice, comme on peut bien le voir quand l’os a été nettoyé. Le premier muscleo sera le troisième muscle moteur de la jambe [muscle semi-tendineux], il est originaire de la surface supérieure de l’appendice. Le deuxième muscle [muscle biceps crural]pp Ψ dans la même planche, et μ et ϖ dans la 11eplanche. sera considéré comme le quatrième muscle moteur de la jambe, son début est moins ample que celui du premier muscle, il est plus antérieur et plus à l’extérieur du premier muscle. Je considèrerai le troisième muscle [muscle semi-membraneux]qq Ψ dans la 11eplanche. comme le cinquième muscle de la jambe. Le quatrièmerr Ξ dans la 11eplanche. [muscle grand adducteur] est la plus grande partie du muscle que GalienLivre II des Procédures anatomiques. compte pour le cinquième muscle moteur de la jambe, mais qui pour moi constituera le cinquième muscle moteur de la cuisse ; occupant par son commencement la plus grande partie de l’appendice, il est facilement le plus grand muscle de tout le corps. Donc la partie moyenne de cet os que nous décrivons est appelée l’os de la hanche [ischium].Description de l’os du pubis. La partie antérieure qui est appelée l’os du pubis est fine sur toute sa superficie et l’os du côté droit est joint à celui du côté gauche à la façon d’une union par un cartilage intermédiaires;s ʃ dans les figures intégrales. plus l’homme est avancé en âge, moins cette articulation est cartilagineuse et moins on trouve de cartilage. Et cela est également commun aux hommes et aux femmes.Les os du pubis s’articulent au sacrum différemment chez les hommes et les femmes. Il ne faut absolument pas considérer, selon l’opinion du vulgaire, que chez l’homme les os du pubis sont continus, mais que chez les femmes, ils sont réunis par ce cartilage intermédiaire de telle sorte qu’au moment de l’accouchement ils puissent se disjoindre et s’écarter l’un de l’autre[489]. Chez les femmes (comme chez les quadrupèdes) parturientes, ces os ne se séparent absolument pas ; mais les femmes ont cette particularité que leurs os du pubis ne se rejoignent pas mutuellement sur une aussi longue ligne que chez les hommes. Ensuite, les parties inférieures des os de la hanche, je veux dire celui de droite et celui de gauche, sont plus écartées l’une de l’autre chez les femmes que chez les hommes. En outre, à l’endroit où les parties inférieures des os du pubis sont séparées l’une de l’autre sous leur point d’attache, la distance entre les os est beaucoup plus grande chez la femme que chez l’homme. Dans le squelette de la femme, l’espace vide entre le coccyx et les régions internes des parties inférieures des os de la hanche [ischia] est beaucoup plus grand que chez l’homme, et cette différence est si grande que cela suffit pour nous apprendre que les os du pubis ne s’écartent pas, même si un simple toucher au cours de l’accouchement prouverait la même chose, bien que ce ne soit pas facile[490]. Combien grande est la part jouée par le coccyxtt G, H, I, K dans les figures 1, 3 du chapitre 18, et N dans les figures intégrales 2, 3. pour élargir encore davantage cette ample surface au moment de l’accouchement, ce sont les animaux pourvus d’une queue qui nous le montrent clairement quand ils mettent bas, mais on peut également observer cela chez les femmes, chez qui le coccyx pointe en dehors comme une queue, à tel point que dans toutes les nations que j’ai vues, on a adapté des sièges [pour parturientes] avec une ouverture circulaire[491]. Et c’est pour cela aussi que la plupart des femmes accouchent plus facilement en étant appuyées sur les genoux et penchées en avant, et plus difficilement debout ou inclinées en arrière[492]. Voilà ce que la Nature a prévu pour les femmes pour expulser l’enfant.

×Description fine de l’acetabulum. Vésale note successivement la déficience semi-lunaire de l’acetabulum et l’interruption du limbe (ou sourcil cotyloïdien) inférieurement par l’incisure de l’acetabulum, ce qui justifie en quelque sorte le nom donné à la cavité (acetabulum en latin désigne un vase à vinaigre ou un bol peu profond) dont le bord serait ici un peu «  ébréché », enfin la nécessité fonctionnelle de la synovie. La description est accompagnée d’un éloge de la Nature, qui respecte la vision finaliste de Galien.
×Hippocrate avait considéré que les os des lombes et des hanches s’écartaient au moment de l’accouchement (δίσταται γἁρ σφέων τὰ ὶσχία, cf. Hippocrate, De la nature de l’enfant (éd. consultée : Œuvres complètes, éd Littré, Paris, J.-B. Baillière, 1851, tome VII, p. 538). La littérature sur la question est abondante et l’erreur subsista longtemps, avec des variantes de localisation des écartements, auprès de médecins et de chirurgiens ; A. Paré écrit qu’il a entendu le «  bruit de crepitation ou de croquement des os » peu avant l’accouchement, et qu’il a vu des femmes rester boiteuses car leurs os pubis ne s’étaient pas ressoudés, cf. Deux livres de chirurgie, I. De la generation de l’homme, et maniere d’extraire les enfans hors du ventre de la mere, Paris, André Wechel, 1573. p. 75-76. Séverin Pineau, chirurgien français à L’Hôtel-Dieu, publiera en 1597, une synthèse sur le sujet, De partu naturali mulierum in quo ossa pubis et ilium distrahi dilucide tractatur, à Paris, chez S. Prévosteau.
×Vésale intervient dans ce débat en anatomiste, en notant que le dimorphisme sexuel des os du bassin suffit à expliquer les conditions normales d’un accouchement, sans devoir recourir aux erreurs populaires. Il est intéressant de noter ici l’intérêt pour la palpation, geste traditionnellement réservé aux sages-femmes.
×Le siège pour parturiente creusé en demi-lune est connu depuis l’antiquité. Cf. D. Gourevitch et M.-Th. Raepsaet-Charlier, La femme dans la Rome antique, Paris, 2001 (plaque funéraire de la sage femme romaine Scribonia Attice à Ostie). Une version moderne en a été donnée par Eucharius Rősslin, Der swangern Frauwen und Hebammen Rosegarten, chez Martin Flach à Strasbourg, en 1513, puis dans la traduction publiée en 1532 à Francfort, chez Christian Egenholff, sous le titre De partu hominis et quæ circa ipsum accidunt (cf. V. Worth-Stylianou, Les traités d’obstétrique en langue française au seuil de la modernité, Genève, Droz, 2007, p. 89-117).
×La position décrite par Vésale au cours de l’accouchement permet la rotation du bassin et réduit le poids sur le rachis. Ambroise Paré sera un des premiers chirurgiens à prescrire et à représenter la position en décubitus dorsal, devenue classique en médecine obstétricale occidentale, cf. A. Paré, Deux livres de chirurgie, I. De la generation de l’homme, et maniere d’extraire les enfans hors du ventre de la mere, Paris, André Wechel, 1573. p. 134-137.