Livre I
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puissent facilement absorber - à la manière d’un cartilage - un coup violent venu de l’extérieur sans être endommagés à la moindre occasion.Comment les ongles sont attachés. Pour la même raison, leur surface est bombée, parce qu’en ayant cette forme ils sont mieux préparés à résister aux coups. Mais pour éviter qu’ils ne bougent s’ils n’étaient pas fixés, un ligament les attache à l’extrémité des doigts, à la racine [base] de la dernière phalange. Comme ils devaient nécessairement être attachés à la chair et à la peau, cette dernière entoure toute leur racine sur la face externe alors que la chair les attache par-dessous sur toute la face interne.Livre II des Procédures anatomiques. Galien affirme que cette racine même est parcourue non seulement par une veine et une artère, mais également par un nerf, et il écrit que les ongles en tirent sensation, vie et nourriture, comme les autres organes. Je sais que deux petits nerfsaa La main dans la figure 2 du chapitre 11 du livre IV. ne se portent pas seulement à la racine de l’ongle, mais qu’en compagnie de veinesbb La main dans la figure du chapitre 6 du livre III. , ils s’étendent jusqu’à l’extrémité des doigts, mais je pense que les ongles sont néanmoins dépourvus de toute sensation. Je me range volontiers à l’avis de ceux qui considèrent que les ongles sont produits par une concrétion d’os, de nerf, de peau (certains y ajoutent la concrétion de la chair). Que les veines, les artères et les nerfs ne se dispersent pas dans les ongles comme des canaux d’irrigation dans les jardins, est prouvé par le fait que les ongles poussent en progressant depuis leur racine, comme les cheveux. Et puisque les ongles s’usent quotidiennement, il vaut mieux qu’ils se renouvellent constamment et qu’ils se développent plutôt en longueur qu’en largeur et en épaisseur.

Chapitre XXXV. Les cartilages des paupières.

[Illustration]

Sur cette figure[566], nous avons dessiné le cartilage de la paupière supérieure et celui de la paupière inférieure, sans aucune autre partie, mais puisque ces cartilages sont annotés ailleurs[567], nous ne leur avons apposé aucun caractère.

Chaque paupière, aussi bien l’inférieure que la supérieure, a un cartilage unique, mou et de forme allongée, placé à l’extrémité des paupières à l’endroit où toutes deux se joignent, entre la peau et la petite membrane qui garnit l’intérieur des paupières. Les poils des paupières (qu’on appelle cils) sont fichés dans ce cartilage, et se dressent sur lui comme s’ils étaient insérés dans un sol assez dur. Aussi, ces cartilages (que nous appelons tarses[568] par analogie avec une raie de cheveux ou une rangée de rames sur les longs bateaux ou sur les galères, comme on les appelle) ont pour fonction principale de maintenir les cils érigés et de les empêcher de retomber de manière flaccide comme tous les autres poils ; ensuite, ils servent à l’implantation de muscles moteurs des paupières, comme nous l’enseignerons opportunément, dans le deuxième livre, en expliquant la nature de ces muscles.

Chapitre XXXVI. Le cartilage de l’oreille.

Lorsque le cartilage de l’oreille a été soigneusement séparé de la peau qui le recouvre, il a la même forme que l’oreille elle-même, sans le lobe[569]. Il aurait donc été inutile de dessiner une oreille ici, car elle est connue de tous.

Celui qui voudrait connaître la fonction de l’oreille dans la réception des mouvements circulaires et des tourbillons de l’air ou les noms donnés à ses parties, devra le rechercher dans l’exposé sur la structure de l’organe de l’audition dans le septième livre[570]. Mais ici, il faut examiner rapidement le cartilage de l’oreille : il a la forme de l’oreille au point que lorsqu’il est recouvert par la peau, il constitue le corps de l’oreille à l’image d’un van, qu’il soutient bien et qu’il maintient aisément en hauteur[571]. Mais c’est un cartilage mou et fin, devenant plus mou au fur et à mesure qu’il progresse depuis l’os de la tête [os temporal] jusqu’à l’extrémité de l’oreille et qu’il approche de sa partie arrondie[572], et qu’il a moins à soutenir. Aucune portion de ce cartilage ne s’étend dans le lobe de l’oreille, car cette partie pendante ne doit être ni dressée ni soutenue. On comprend que ce cartilage est plus dur et plus épais près de l’os temporal, parce qu’il doit être fixé sur une base plus ferme. Il prend son origine en effet à partir d’une petite surface circulaire autour du foramenaa a dans la figure 2 du chapitre 12. creusé dans l’os temporal en vue du conduit auditif ; la circonférence de ce foramen est rugueuse afin de donner une origine plus sûre au cartilage de l’oreille. La raison pour laquelle la Nature a formé l’oreille avec un cartilage de ce genre et non pas avec un cartilage plus dur et en quelque sorte osseux, voire même avec un os, je l’ai expliquée dans le deuxième chapitre de ce livre, quand j’ai dit que la Nature avait fabriqué la nature du cartilage avec une telle prévoyance qu’il était un aussi bon soutien que l’os, et qu’il était suffisamment mou pour ne pas se rompre lors d’un coup venu du dehors, mais pour l’absorber en cédant doucement, et qu’il rendait ainsi les extrémités plus résistantes aux coups, comme si elles étaient des os.

×Voir le schéma juxtaposé.
×Cf. Fabrica II, chapitre 10.
×Cf. Fabrica I, chapitre 2, p. 4, note 16.
×Le terme latin de pinnula renvoie à l’image d’une petite aile ou d’une nageoire.
×Cf. Fabrica VII, chapitre 15.
×De l’antiquité au XIXe siècle, le geste par lequel le vanneur imprime une secousse au van, sorte de panier très plat et large, muni de deux anses, pour séparer le son et les brins de paille du grain a fait l’objet de maintes représentations, cf. A. Rich, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, Paris, H. Veyrier, 1987 (rééd.), p. 694-695.
×Il s’agit de l’hélix, ourlet prenant naissance dans la cavité de la conque, qui se continue en s’effaçant (queue de l’hélix) jusqu’à la naissance du lobule.