Livre I
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b 12, 13Apex ou région de l’opercule du larynx qui s’étend le plus en arrière et en dedans en direction du rachis. En plus de ces quinze figures qui viennent d’être expliquées, celles qui seront placées au début du chapitre 21 du livre II et où seront expliqués les muscles du larynx, seront d’une très grande utilité[581]. Vous regarderez plus particulièrement les trois dernières qui seraient également à leur place ici : on y a représenté la petite langue ou la fente du larynx, dessinée le plus soigneusement possible[582].

Où y-a-t-il une description complète de la nature de la trachée? Bien que le sixième livre consacré aux organes du coeur et de la respiration contienne une descriptionaa L’ensemble des figures 1 et 2, et H, I, K, L, M, M dans la figure du chapitre 9 du livre IV. détaillée de la trachée[583], il est nécessaire néanmoins d’expliquer ici ses cartilages, afin que nous menions à terme dans ce livre la description de toutes les parties qui soutiennent le corps, et qu’ainsi notre exposé sur les muscles dans le livre suivant ne subisse pas de retard dû à une omission de quelque os ou cartilage ici. Nous enseignerons donc dans le sixième livre que la trachée se dirige depuis la gorge [pharynx][584] jusque dans la cavité thoracique et qu’elle disperse un nombre élevé de branches dans les poumons, de telle sorte qu’elle leur donne de l’air puis le retire. Et nous n’allons pas seulement montrer qu’elle est l’instrument de la respiration, mais aussi qu’elle est l’organe principal et primordial de la voix, lorsque nous expliquerons alors avec précision dans notre exposé la nature de sa substance. En effet, elle consiste en partie de cartilages, en partie de liens membraneux, de simples membranes ou tuniques, et enfin de muscles intrinsèques à son extrémité supérieure.PREMIER cartilage du larynx [cartilage thyroïde]. D’abord, l’extrémité supérieure de la trachée (que j’ai décidé d’appeler larynx plutôt que gorge [pharynx]) est constituée de trois cartilages. Le premierbb L’ensemble des figures 3, 4, 5 et g et h dans les figures du chapitre 40 du livre II. est le plus grand et le plus volumineux ; sur sa face antérieure il est convexe en dehors, sur la face interne il forme un creux, ressemblant à une sorte de bouclier, non pas rond mais de forme allongée, tel celui que nous avons vu utilisé par les Anciens dans les combats et par quelques Turcs encore aujourd’hui, surtout sur les navires. Pour cette raison, ceux qui ont l’expérience des dissections l’ont appelé thyroïde, le vulgaire scutalis [en forme d’écuelle] et peltalis [en forme de pelte][585]. Et nous -mêmes, dans notre description, nous l’appellerons régulièrement cartilage scutiforme ou cartilage ressemblant à un bouclier, sauf s’il nous a paru bon de l’appeler aussi le premier cartilage. Chez l’homme, ce cartilage est visiblement plus volumineux dans sa partie supérieure que dans la partie inférieure ; au contraire, chez les boeufs et les porcs, il est plus volumineux dans sa partie inférieure, mais beaucoup plus étroit dans la partie supérieure, et il avance moins en angle que le larynx chez l’homme. Mais en ce qui concerne l’aspect morphologique, le cartilage humain a la même forme en haut et en bas. En hautcc A, B dans les figures 3, 4, 5.
d C, D dans la même figure.
comme en basd, il produit sur chaque côté deux processus [cornes], un de chaque côté. Les deux processus supérieurs [grandes cornes] sont plus proéminents que les processus inférieurs [petites cornes] et ils sont attachés aux deux côtés inférieursee E, F dans les figures 1, 2 du chapitre 13.
f C dans les figures 2, 3 du chapitre 21 du livre II.
de l’os hyoïde par des liens membraneuxf. Les processus inférieurs du cartilage thyroïde sont attachés et étroitement joints aux côtésgg E, F dans la figure 8 et E dans la fig. 7. du deuxième cartilage [cartilage cricoïde] vers la surface arrière. Chez les hommes ce cartilage thyroïde est beaucoup plus saillant en avant que chez les femmes et peut être plus facilement palpé[586]. On observe souvent qu’il est double, surtout chez les hommes. En effet au milieuh,h G, H dans les figures 1, 2, 3. là où le cartilage chez les hommes est le plus court et le plus saillant en avant, une ligne apparaît fréquemment sur toute sa longueur, et quand on l’a soigneusement nettoyée de ses petites membranes, on voit, avant même de disséquer, que ce cartilage a été composé de deux moitiés cartilagineuses jointes ensemble[587]. Et assurément seul l’être humain présente cette particularité. En effet le cartilage des bovins est simple [d’une seule pièce] et sa forme est très différente de celle du cartilage humain. Je souhaiterais que cette forme fût soigneusement examinée par des architectes ; car c’est chose étonnante de voir combien le cartilage thyroïde des bovins peut ressembler à l’image d’un rempart fait avec art et adapté à la présence de guetteurs à son sommet (à cause des parties en creux séparées les unes des autres)[588], et combien cette forme convient pour faire dévier les coups des bombardes[589] ; on peut la comparer avec la forme d’une machine mobile qui serait fixée au sol par ses deux processus inférieurs comme par deux pieux, et qui pourrait ainsi être placée à l’avant d’une armée.LE DEUXIÈME cartilage du larynx [cricoïde]. Le deuxième cartilageii L’ensemble des figures 6, 7, 8 ; i et k dans les figures du chapitre 21 du livre II.
k H dans les figures 2, 3, 5 du chapitre 21 du livre II ; et A, B, C, D dans les figures 14 et 15 du livre V.
est plus petit que le premier, et plus grand que le troisième ; sa plus grande portion est placée sur la partie postérieure du larynx là où la voiek pour la nourriture (que nous appelons stomachos [œsophage][590] avec les Grecs) commence à descendre à partir de la gorge [pharynx]. Ce qui manque au cartilage thyroïde pour être un cercle parfait est pallié par la partie supérieure et postérieure de ce deuxième cartilage. Il forme lui-même un cercle parfait sur sa partie inférieure,ll K, L dans les figures 6 et 7. dont nous pouvons palper la partie antérieure sous la base du cartilage thyroïde, dans la première partie du larynx. La surface internemm I dans la figure 6. de ce cartilage est parfaitement lisse, mais sur sa partie postérieure, en regard de l’œsophage, une longue lignenn L, M dans la figure 8 ; M dans la figure 7. en relief s’étend sur toute la longueur du cartilage, comme une épine. Elle sépare deux surfaces concavesoo N, O dans la fig. 8.
p P dans les figures 6, 7 du chapitre 21 du livre II.
de ce cartilage, dans lesquelles se fixent deux musclesp descendant tout droit du deuxième cartilage pour s’insérer sur le troisième[591]. La partie supérieure de ce cartilage qui forme la région postérieure du larynx se termine en deux tubercules allongés [facettes articulaires aryténoïdiennes]q,q P, Q dans les figures 6, 7, 8. un de chaque côté, articulés avec les surfaces concaves [facettes articulaires cricoïdiennes]rr V, X dans la fig. 10. du troisième cartilage, comme vous l’entendrez dans peu de temps. Ce deuxième cartilage se joint au premier de la manière que j’ai exposée précédemment, quand j’ai dit que les processus inférieurs du premier cartilage étaient attachés à celui-ci. Mais pour renforcer l’articulation [crico-thyroïdienne] avec ces processus [petites cornes], le deuxième cartilage est légèrement saillantss E, F dans la fig. 8. et devient plus épais à l’endroit où les processus se joignent à lui ; sur cette partie saillante, on voit une surface concave [surface articulaire thyroïdienne]

×Archaïsme dans le texte latin pour cumprimis.
×Vésale considère comme un tout le larynx interposé entre la partie buccale du pharynx en haut et la trachée en bas, et la trachée elle-même continuée par l’arbre bronchique. Les fonctions respiratoire et phonatoire du larynx sont indiquées ici mais seront davantage expliquées dans les livres II et VI.
×L’expression latine aspera arteria ou dura arteria (l’artère âpre c’est-à-dire rugueuse, dure) est une traduction littérale du grec τραχύς ἀρτήρια. La langue française a fixé l’adjectif grec dans la nomenclature anatomique moderne.
×Cf. note 582.
×Le pelte était un petit bouclier en forme de croissant, primitivement de cuir, porté par les Thraces et les Amazones, cf. par exemple Virgile, Énéide I, 490.
×Cette saillie médiane sous-hyoïdienne soulevée par l’angle saillant du cartilage thyroïde est connue vulgairement sous le nom de pomme d’Adam. A. Paré utilise l’expression «  un morceau d’Adam », Œuvres complètes, livre VI, chapitre XV, Paris, G. Buon, 1585, p. 202.
×La forme «  double » décrite par Vésale correspond à l’image du cartilage thyroïde en forme de papillon, avec deux lames obliques en arrière et jointes en avant par une charnière.
×Il s’agit des créneaux. On notera dans ce passage l’emploi métaphorique du lexique anatomique dans le contexte d’une architecture et d’une machinerie de guerre.
×La bombarde qui lançait des boulets de pierre ou de fer sur les champs de bataille ou pour abattre les fortifications ennemies, était déjà obsolète à l’époque de L. de Vinci, mais continuait à être utilisée. La muraille crénelée décrite par Vésale n’est pas sans rappeler celle des tours du Castello Sforzesco de Milan. Cf. P. Brioist, Léonard de Vinci, homme de guerre, Paris, éd. Alma, 2013.
×L’œsophage (οἰσόφαγος) a la forme d’un étroit canal (στόμαχος) ; le nom a été latinisé en stomachus. Le nom grec pour l’estomac est γαστήρ (d’où vient l’adjectif gastrique, le nom latin est ventriculus).
×Les douze muscles intrinsèques du larynx seront étudiés dans le livre II, chapitre 21. Pour une présentation synthétique, cf. J. Vons et S. Velut, A. Vésale. Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 30-31.