Livre I
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soit qu’il ne réfléchisse pas au fait que cet opercule avait été appelé épi-glotte par les Grecs précisément parce qu’il se trouve au-dessus de la fente du larynx que nous comparons à une lingula [anche] dans les flûtes, soit qu’il ignore qu’outre cet opercule une autre partie du larynx pourrait être comparée à une petite langue ; de fait cet opercule ressemble assez bien à une langue humaine.Livre 3 des Parties des animaux, chapitre 3. Plus encore, cette erreur de Celse a trompé Théodore Gaza[596] qui a traduit le terme d’epiglottis chez Aristote par lingula, alors qu’en fait Aristote explique l’opercule du larynx et non la partie ou la surface que les anciens ont nommée lingula et qui est considérée avec raison comme le principal instrument de la voix[597].Principalement dans le livre 8 de l’ Utilité des parties . Sans parler de tous les passages chez Galien où glottis est lu à la place d’epiglottis à cause d’une faute tant des traducteurs que des copistes de l’exemplaire grec. Mais je poursuivrai cette discussion plus longuement en son lieu ; en effet ici il suffit d’avoir traité des cartilages du larynx dans la mesure où nous en aurons besoin dans la description des muscles dans le deuxième livre.Le reste des cartilages de la trachée, ressemblant à un C. J’expliquerai le reste des cartilagesmm L’ensemble des figures 14, 15. de la trachée, ressemblant en grande partie à la forme de notre C, dans le sixième livre, avec tout ce qui concerne la trachée. Mais à présent, il est utile d’ajouter ici la méthode et les moyens par lesquels les os et les cartilages sont préparés pour l’enseignement ou pour l’apprentissage de l’Anatomie, selon la manière suivante : je ferai toujours suivre la description des parties par la technique pour les disséquer (dans la mesure où ainsi, à mon avis, elle sera le mieux à sa place)[598].

Chapitre XXXIX. Méthode pour préparer les os et les cartilages en vue de leur examen.

Méthode de macération des os dans la chaux et ensuite de leur nettoyage dans l’eau courante. Les médecins qui se consacraient comme il convenait à l’art d’Hippocrate et qui n’étaient pas nés pour prescrire seulement des sirops et en imposer aux hommes, avaient l’habitude de rassembler, au prix de beaucoup d’efforts, les os qui seraient utiles à leur instruction, afin de les examiner soit joints les uns aux autres, soit chacun d’eux séparément[599]. En effet, on commençait par ôter du cadavre d’un pendu, ou de quelqu’un mort autrement, la plus grande partie des chairs, et par retirer les viscères, sans rompre une seule articulation. Puis, on mettait le corps ainsi préparé dans une boîte de forme allongée, qu’on remplissait entièrement de chaux et qu’on aspergeait ensuite d’eau. Puis, après avoir laissé le corps ainsi pendant seize jours, on mettait cette boite qu’on avait percée de petits trous sur toutes ses faces dans un cours d’eau rapide, en l’attachant, pour laisser la chaux s’écouler entraînant avec elle ce qui restait des chairs déjà macérées par le temps, en ne laissant que les os[600]. Après quelques jours, le corps était enlevé et complètement nettoyé avec des couteaux ; ce travail demandait une grande attention, pour éviter de rompre les jointures osseuses et pour maintenir intacts les ligaments qui réunissent les os (c’est par eux que les os sont attachés), et pour tout nettoyer, excepté les articulations des os. Le cadavre, une fois nettoyé, était exposé au soleil, assis, ou debout, ou dans toute autre position, selon ce qu’on voulait observer de telle sorte que les ligaments, desséchés par la chaleur, puissent maintenir les articulations osseuses dans la position désirée. Mais cette méthode de préparation, outre le fait qu’elle est pénible, sale et difficile, ne montre presque aucun processus osseux, aucun appendice, tête, sinus, aucune des choses de ce genre qui mérite d’être attentivement examiné dans les os. Car tout cela est complètement caché par les ligaments qui ont noirci ; aussi cette méthode pour nettoyer les os n’est pas adaptée à l’enseignement. Tout comme la méthode ridicule pour observer les muscles, les tendons, les ligaments, les nerfs, les veines et les artères (méthode que les professeurs de notre art ont jusqu’à aujourd’hui imposée aux étudiants) ne sert à rien, sinon à paralyser l’esprit des étudiants et à les empêcher de demander à leurs Maîtres[601] de leur montrer les organes que je viens de mentionner. Ces maîtres avaient l’habitude d’affirmer qu’il faut apprendre ces organes seulement sur des corps dépouillés de leurs chairs dans l’eau courante (que les dieux me pardonnent!), et pas sur des cadavres récents ; comme si on pouvait apprendre quoi que ce soit de valable à partir de corps préparés de cette façon, voire complètement abîmés, et comme si nous ne pouvions pas bien mieux montrer tous ces organes chez un homme qui vient de mourir alors que ces maîtres se contentaient de montrer aux étudiants la surface d’un foie, des intestins ou d’un cœur ; et encore ils le faisaient d’une manière inepte, en ne reliant pas ces organes aux autres parties du corps[602].Méthode de préparation des os par la cuisson. Nombreux passages [de Galien] mais surtout livre 3 des Procédures anatomiques. Nous expliquerons en détail et en temps opportun comment les autres parties du corps s’ajoutent aux os ; mais pour ne parler ici que des os, vous apprendrez facilement à les préparer, pour peu que vous soyez désireux d’apprendre, et que vous ayez les qualités que Galien requiert avant tout pour qui veut apprendre la dissection : la patience et la dextérité. Donc, une fois que vous serez en possession d’un cadavre, quel qu’il soit (mais vous serez d’avis qu’un cadavre décharné par la maladie convient bien mieux), vous veillerez à avoir sous la main un seau[603] où déposer les chairs, les viscères et la peau et où verser le sang, avec une grande et large marmite[604], du genre de celles que les femmes mettent sur le feu pour faire bouillir leur lessive. Cet ustensile convient parfaitement pour faire bouillir les os. Donc, on y jettera les os. Ensuite, étendez une grande feuille de papier sur une planche, afin de pouvoir y déposer dans l’ordre les cartilages qui ne doivent pas être bouillis.

×Théodore Gaza (v. 1400-v. 1478), philosophe et philologue grec, professeur de grec à Ferrare, traducteur de plusieurs ouvrages d’Aristote (Historia animalium, De partibus animalium, De generatione animalium) et de Théophraste (De historia plantarum, De causis plantarum). Cf. S. Amigues. Théophraste. Recherches sur les plantes, Paris, Les Belles Lettres, 5 tomes, 1988-2006. La grammaire de Gaza (Institutionis grammaticae libri quatuor) publiée chez J. Bade en 1521, puis chez C. Wechel en 1529 joua un rôle essentiel dans la renaissance philhellène en France et en Angleterre au XVIe siècle, voir par exemple, J. Irigoin, «  L’enseignement du grec à Paris (1476-1530) », in Les origines du Collège de France (1500-1560), sous la direction de M. Fumaroli, Paris, Collège de France-Kincksiek, 1998, p 391-404.
×Parce que les cordes vocales y sont logées. La démonstration montre comment l’erreur se propage de livre en livre, aussi longtemps qu’on ne vérifie pas le fait anatomique.
×Si le protocole de dissection est bien indiqué dans chacun des livres, son emplacement est variable.
×Cf. G. Lemoine, Limites et inconvénients des méthodes traditionnelles de préparation des squelettes / Limits and Disadvantages of Degreasing Traditional Methods for Skeletons, in La conservation des squelettes gras : méthodes de dégraissage. Table ronde du Muséum d’histoire naturelle de Nantes et Arc’Antique, 7 et 8 février 2012, p. 1-9.
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×La grande capitale C ornée au début de ce chapitre représente la manière ancienne de macération des os par le courant. Elle sera reprise dans l’édition de la Fabrica en 1555, mais les hommes seront remplacés par des putti. Dans l’Epitome, c’est la lettrine c minuscule qui reprend la même scène, alors que la grande lettrine O montre des putti amenant un crâne et un fémur pour les plonger dans le chaudron, attirant ainsi l’attention des étudiants sur la modernité du procédé que l’on continue à tort à attribuer à Malpighi (XVIIe s.), cf. J. Vons et S. Velut, A. Vésale. Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. lxxiv-lxxv. La complexité de l’iconographie des ouvrages d’anatomie de Vésale et les interpétations très nombreuses qui en ont été proposées seront examinées dans l’introduction générale.
×Le terme est utilisé dans la Préface adressée à Charles Quint (f° 2v, note 5). Rabinus est un calque de l’hébreu rabbi, «  maître, docteur ». L’expression Rabini medicorum se trouve déjà dans les Institutionum anatomicorum ...libri quatuor de Guinter von Andernach, un des maîtres parisiens de Vésale, publiés à Bâle, en 1536 (Præfatio, p. 7 ).
×Nous avons aéré la présentation de ces huit pages denses par des alineas en fonction des différentes étapes de la préparation. ...
×Le terme de uas désigne tout récipient. La traduction par «  seau » s’appuie sur des représentations de leçons d’anatomie (cf. frontispice de la Fabrica par exemple).
×Le terme technique français traduisant lebes (emprunt au grec) est «  chaudière », «  marmite », grand récipient sans pieds déposé sur les flammes (à l’origine bassin pour eau lustrale), à côté de cacabo au sens de «  chaudron », «  marmite », récipient à fond plus ou moins pointu, posé sur un trépied sur un feu.