Livre III
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Le troisième livre de la Fabrique du corps humain, d'André Vésale de Bruxelles, qui décrit la disposition des veines et des artères à travers tout le corps, avec les figures spécifiques placées au début des chapitres auxquels elles conviennent
Chapitre I. La nature de la veine, sa substance et ses fonctions

Ce qu'enseignera le troisième livre J'ai fait une description complète des os et des muscles dans les livres précédents, et j'aborde à présent la disposition des veines et des artères à travers tout le corps, puisque Galien a recommandé à juste titre dans le premier livre des Procédures anatomiques d'observer cet ordre dans l'étude de l'Anatomie. On pourrait considérer non sans raison qu'une description des partiesaa Les figures des livres 5,6,7 montrent ces parties situées sous le péritoine, ou sous la membrane recouvrant les côtes et le crâne, devrait nécessairement précéder non seulement celle des veines et des artères mais aussi celle des nerfs, puisque si on ne connaît pas ces parties, tout le discours sur les veines, les artères et les nerfs sera très difficile à comprendre ; aussi je me serais volontiers résolu à faire précéder ce livre et le quatrième qui est consacré aux nerfs par les cinquième, sixième et septième livres, d'autant plus qu'un débutant en anatomie pourrait d'abord tomber sur ces livres sans avoir lu notre Epitome, et sans avoir de pratique préalable. Mais pour le moment, je ne voudrais pas m'éloigner des leçons de Galien et de tous les professeurs d'anatomie qui l'ont précédé, et je consacrerai donc ce livre aux veines et aux artères, en commençant par les veines parce qu'elles sont en plus grand nombre et qu'elles s'étendent majoritairement devant les artères[1], en laissant au lecteur le libre choix de transposer l'ordre de nos livres.Nature de la veine Donc la veinebb fig. des chap. 5 et 6 est un organe instrumental[2], rond et creux comme un tuyau[3]et apportant au corps entier le sang qui va nourrir ses parties en même temps qu'un esprit naturel peu clair (autant qu'un esprit peut l'être).Le corps de la veine diffère d'une membrane Une veine consiste en une seule tunique qui lui est intrinsèque ; elle ressemble aux membranes par la couleur, l'épaisseur et la forme, mais elle en diffère beaucoup par sa nature. En effet, on compte la membrane comme un corps simple et similaire[4], et quelle que soit la partie dont vous la détachiez, elle conservera toujours le nom de « membrane ». Mais la tunique de la veine est un corps instrumental, formé de parties similaires, les fibres. De la même manière que les tendons membraneux des muscles s'entrelacent avec une seule espèce de fibres, et que pour cette raison, ils entrent non pas dans la catégorie des parties similaires, mais dans celle des parties instrumentales, la tunique de la veine est constituée de fibres de trois espèces. Les Grecs appellent ces fibres ines [tendons]: elles ressemblent aux fibres des muscles par la substance, la forme et la couleur, mais en diffèrent beaucoup par l'action.Les fibres qui président au mouvement naturel diffèrent de celles servant au mouvement volontaire Les fibres ayant la substance charnue des muscles servent au mouvement volontaire ; au contraire celles qui ne sont mêlées d'aucune chair sont préposées au mouvement naturel[5]. Tout comme nous faisons les mouvements dépendant de notre arbitre au moyen de fibres musculaires, les mouvements naturels utiles au corps tout entier sont réalisés à l'aide de fibres entrelacées avec les organes utiles au corps tout entier. Toutefois, les fibres de ce genre ne permettent pas d'accomplir tous les mouvements naturels, mais seulement l'attraction, la rétention et l'expulsion d'une matière quelconque. Pour le moment, j'appelle pouvoir d'attraction, pouvoir de rétention et pouvoir d'évacuation, non pas le pouvoir donné par la nature à chacune des parties du corps à l'égard de sa nourriture, mais celui par lequel certaines parties du corps accomplissent une fonction commune, utile au corps tout entier. En effet le pouvoir d'attraction de la nourriture dans l'estomac à travers l'œsophage, du sang de la veine cave dans la cavité droite du cœur, de l'air provenant de l'artère faite comme une veine [veine pulmonaire] dans la cavité gauche du cœur, de la semence dans l'utérus, du sang dans les veines, et de l'esprit (spiritus) dans les artères est considéré comme différent de celui au moyen duquel ces parties attirent à elles leur nourriture propre et sont nourries individuellement. La faculté d'excrétion est celle par laquelle l'estomac chasse dans les intestins la nourriture qu'il a confite, celle par laquelle les intestins du haut [intestin grêle] la poussent vers les intestins inférieurs [gros intestins], par laquelle le cœur envoie le sang dans les poumons et l'esprit vital avec le flux sanguin qui s'élance dans le corps entier dans la grande artère [aorte], par laquelle une portion de veine envoie sans cesse le sang dans la portion suivante, par laquelle l'utérus évacue le fœtus et la vessie l'urine ; mais elle diffère de la faculté par laquelle les parties susdites chassent loin d'elles les excréments de leur nourriture spécifique. À cela s'ajoute le pouvoir de retenir ce que l'on a mangé et bu dans l'estomac, de retenir le fœtus dans l'utérus, l'urine dans la vessie, le sang dans les veines, l'esprit [vital] dans le cœur ;

×La position de référence étant le cadavre couché sur le dos, les artères sont en effet plus profondes. Cf. Galien , De usu partium XVI, 10.
×Redondance du texte latin. Le terme organon signifiant déjà instrument en grec.
×Ou « comme un roseau ».
×Aristote , De la génération 314a (Parties homoiomères).
×C'est-à-dire au mouvement réflexe.