Livre VII
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organes des sens. Quant au degré d'impiété qu'une telle description des fonctions des ventricules cérébraux (mettant en cause les pouvoirs de l'âme souveraine) pourrait susciter chez des esprits inexpérimentés et pas encore assez confirmés dans notre très sainte foi, elle peut être évaluée (même si je n'en disais rien) par ceux qui ont appris que les cerveaux des quadrupèdes ressemblent beaucoup et en tout point à celui des hommes (bien que nous devions leur dénier toute faculté de raison, et surtout une âme rationnelle, selon ce que les théologiens nous ont principalement enseigné)[226].Le cerveau des bêtes ne diffère pas de celui de l'homme dans la structure. Car dans la conformation des parties du cerveau, et principalement celle des ventricules, chez le mouton, la chèvre, le bœuf, le chat, le singe, le chien et les oiseaux que j'ai disséqués[227], il n'y a aucune différence avec le cerveau humain, à part le fait que nous savons que celui des animaux varie en volume en proportion du degré de raison qui semble leur avoir été accordée[228]. En effet le cerveau de l'homme est le plus grand, il est suivi par celui du singe, du chien, et ainsi de suite, proportionnellement à la faculté de raisonner que nous déduisons pour chaque animal. Le cerveau de l'homme n'est pas seulement le plus grand par rapport à son corps, il apparaît plus grand que celui de tous les autres animaux. Il est en effet plus grand que deux cerveaux de chevaux, de bœufs ou d'ânes. Mais tout cela, comme la fabrique des ventricules, se dégagera très clairement des chapitres suivants.

Chapitre II. La dure-membrane qui enveloppe le cerveau [encéphale] et la petite membrane sous-cutanée qui recouvre le crâne

La dure-membrane cérébrale [dure-mère][229] apparaît sur plusieurs figures. Sur la première figure, on voit toute sa surface externe, au-dessus de l'incision par laquelle nous scions habituellement le crâne en deux parties pour montrer le cerveau. La deuxième figure montre la surface interne de cette partie de la membrane [dure-mère], de même que les neuvième, douzième et treizième figures montrent sa surface interne là où elle couvre la région du crâne en-dessous de l'incision à la scie dont nous venons de parler. Par ailleurs, la troisième figure, à D D, montre le processus [faux du cerveau] de la dure-membrane entre les hémisphères droit et gauche du cerveau. Le processus du cervelet [tente du cervelet] est montré sur la septième figure, à O, O, O. Ces figures montrent aussi les sinus [veineux] de la dure-membrane, comme le montre aussi très bien la figure du quatorzième chapitre du troisième livre. Par ailleurs, nous n'avons représenté nulle part de manière spécifique la membrane qui couvre l'extérieur du crâne [périoste de la voûte du crâne] parce qu'elle est très fine et qu'elle est attachée étroitement à l'os, il faut donc l'inférer de l'os.

De même que toute la cavité qui contient les organes de la nutrition est ceinte par le péritoineaa A,B,C,D, fig. 1, 2, 3, livre V. qui, comme nous l'avons vu, emballe comme un sac tout ce qui placé à l'intérieur [de l'abdomen] et que la membrane recouvrant les côtes [plèvre costale][230] enveloppe tout ce qui est dans le thorax, comme nous l'avons mentionné, de même toute la cavité crâniennebb Cela est montré dans les fig. 6 et 7, chap. 6, livre I. faite pour recevoir le cerveau est tapissée d'une membranecc A,A,B,B, fig. 1 ; H,H, fig. 2 ; ensuite sur toute la base du crâne, fig. 14. : parce qu'elle est plus épaisse que toute autre membrane non seulement du crâne, mais aussi du corps tout entier, nous l'appelons l'épaisse membrane, et aussi la dure-membrane, à cause de sa remarquable dureté, et parfois aussi la membrane cuticulaire.Position, nombre, taille et forme de la dure-membrane. Comme le péritoine et la membrane recouvrant les côtes, cette membrane est simple et continue, sauf qu'elle est percée de foramina et de sinus construits comme des veinesd.d C,C,C,D,D,E, fig. 1 ; P,P,Q,Q,R,S,T, fig. 7. Donc la connaissance des os renseigne immédiatement sur la position de cette membrane, la forme et la taille de sa surface externe, sans que j'aie besoin d'ajouter quoi que ce soit d'autre à mon propos. Cette membrane s'adapte à tout os du crâne saillant dans la cavité crânienne, quelle que soit sa fonction spécifique, et elle admet d'être repoussée à l'intérieur. À l'inverse, il ne peut y avoir de dépression dans cette cavité qui ne soit tapissée par cette membrane ; donc (pour être bref) cette membrane est partout étroitement attachée aux os, adhérant plus ou moins lâchement selon les endroits, comme vous l'apprendrez. D'où il est évident que la surface externe de la dure-membrane montre des aspérités à cause des dépressions et des tubérosités osseuses, et qu'elle est rugueuse à cause des fibres qui l'attachent aux os : elle n'apparaît donc pas parfaitement lisse ou unie. Les principales protubérances osseuses qui l'empêchent d'être parfaitement arrondie comme une sphère sont surtout visibles à la base de la tête ; la première est le septum osseux [crista galli]ee η , fig. 3, chap. 12, livre I. qui sépare les régions occupées par les organes olfactifs, puis viennent les protubérancesff η , ψ , L, sur les côtés du m, fig. 3, chap. 12, livre I ou sur les côtés de G,G, fig. 13 de ce livre. dans la cavité crânienne situées à l'avant de la base du crâne et sur les côtés de ce septum pour procurer une surface commode pour les yeuxg.g surface indiquée par plusieurs caractères dans la fig. 1, chap. 9, livre I. Ensuite une surface en relief est visible à peu près au milieu de la cavité crânienne, près de la partie épaisse de l'os sphénoïde où sont ses cavitéshh C,D, fig.8, chap. 6, livre I. intrinsèques ; elle présente un sinus qui forme la surfaceii M, fig.3, chap. 12, livre I.
k A, fig. 16.
l Entre T,T,R, a,i, Λ , Λ , dans la fig. 3, chap. 12, livre I ou Z, fig. 7 et 8 de ce livre.
[selle turcique] convenant à la petite glande [hypophyse]k qui reçoit la pituite du cerveau. Il y a encore deux autres grandesl protubérances[231] si saillantes dans la cavité [crânienne] que la Nature a pu y former une surface convenant à l'organe de l'auditionm.m fig., chap. 8, livre I.
n de e à k dans la fig. 3, chap. 12, livre I ; ou Q, fig. 9 et M, fig. 12 de ce livre.
En dernier lieu, unenéminence[232] dans l'os occipital s'étend vers le haut depuis l'arrière du foramen transportant la moelle spinale [foramen magnum] en direction de l'intervalle situé entre ce foramen et la surface supérieure de la suture appelée suture lambdoïde par les Grecs. On pense que ces protubérances osseuses de la tête sont la raison principale qui empêche la forme de la dure-membrane à la base du crâne d'apparaître comme une sphère allongée, légèrement comprimée sur les deux côtés vers l'avant. D'autres protubérancesoo C,C,C,D,D,D,E, fig. 1. qui sont formées à la surface externe de la dure-membrane par ses vaisseaux intrinsèques, contenant sa nourriture apportée des veines et des artères, mais elles n'altèrent pas beaucoup sa forme sphérique

×La phrase est très contournée, et encombrée de parenthèses qui modèrent les conclusions téméraires auxquelles la ressemblance morphologique entre les cerveaux humains et animaux (quadrupèdes) conduirait certains. La traduction de W. F. Richardson and J. B. Carman, On the fabric of the human body VI, San Francisco, Norman Publishing, 2009, p. 165, en supprimant la plupart de ces parenthèses, donne un discours plus fluide, peut-être trop assuré ici. Galien avait déjà critiqué Erasistrate pour avoir soutenu que l'encéphale est plus complexe chez l'homme que chez l'animal, car ce dernier est dénué de la faculté de penser (De usu partium VIII, 13). Cf. V. Boudon-Millot, « L'Ars Medica de Galien est-il un traité authentique ? », Revue des Études Grecques, 1996, t. 109, p. 111-156 [131].
×Vésale ne tient pas compte de la gyration du cerveau humain, beaucoup plus développée chez l'homme que celle des autres vertébrés, ce qui n'étonne pas étant donné le peu de cas qu'il accorde aux gyri et sulci du cortex cérébral (cf. p. 630).
×Ce passage est très résumé, moins polémique et plus assagi dans l'édition de la Fabrica de 1555.
×Pour la clarté de la lecture, il a été impossible de donner le nom moderne entre crochets pour toutes les occurrences de la « dure-membrane ». Sur le choix de l'expression, cf. notre Introduction au livre VII.
×La comparaison entre la pleura et la dure-mère est reprise par Ambroise Paré, Anatomie universelle, Paris, J. Le Royer, 1961, t. III, chapitre « De la membrane nommée pleura », p. XCVII. Cette comparaison entre les séreuses que sont le péritoine et la plèvre avec la dure-mère est pertinente car elle admet une seconde paroi close, lisse en profondeur, protectrice, doublant la cage thoracique, la paroi abdominale, le crâne et limitant un espace « viscéral » propre. Bien sûr la notion de pression régnant dans ces différents espaces n'est pas abordée mais c'est là une première approche intéressante de ces cavités anatomiques.
×La légende Z des figures 7 et 8 de ce livre renvoie à l'insertion de la tente du cerebellum sur le bord postéro-supérieur du rocher.
×La légende M de la figure 12 de ce livre désigne une petite faux durale comme il peut en exister entre les deux hémisphères cérebelleux ; son insertion est donnée par la crête occipitale interne décrite ici.