Livre VII
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consiste à recevoir dans certains sinus adéquats toutes les veines qui vont au crâne et toutes les artères[273](sauf deux branches[274])i,i sur un côté de u,u dans la fig. du chapitre 14 ; mais C,D,E,K,F,r,G,H ne se voient plus. à recevoir leur substance dans ses sinus intrinsèques et à la transporter dans la fine membrane de manière très commode au moyen des vaisseaux semblables aux veines qui sortent de ces sinus. La dure-membrane est donc une sorte de réservoir pour la fine membrane et pour le cerveau [encéphale], d'où ils tirent pour leurs fonctions intrinsèques l'aliment que les veines et les artères ont transmis à la tête[275]. En outre, des branches passant en grand nombre de chaque côté du troisième sinus de la dure-membrane [sinus sagittal supérieur] dans la partie de la fine membrane qui lui est adjacente, soutiennent très opportunément le cerveau suspendu[276], comme nous l'avons indiqué auparavant, pour l'empêcher de comprimer ses ventricules s'il s'affaissait ; donc la dure membrane cérébrale est à titre égal une enveloppe et un soutien [pour le cerveau], ce à quoi contribuent les fibres de la dure-membrane qui, passant à travers les sutures, rendent sa connexion avec le crâne plus solide (car c'est la seule manière de l'attacher à un os si dur) et c'est une des raisons pour lesquelles la dure-membrane ne s'affaisse pas en étant tirée par le poids du cerveau.Formation et fonction de la petite membrane revêtant le crâne au-dehors. Mais ces fibres n'auraient pas pu remplir cette fonction, si la Nature n'avait fabriqué quelque chose de particulièrement ingénieux à l'extérieur du crâne : les charpentiers reproduisent quotidiennement ce procédé, toutes les fois où ils replient la pointe des clous pour assembler deux pièces de bois, de telle sorte que si l'on retire une des pièces, les clous restent fixés dans l'autre. Puisque ces fibres doivent attacher et soutenir en même temps, la Nature les a conçues avec un art qui les rend supérieures aux liens[277] avec lesquels Vulcain avait enchainé Mars à Vénus, non seulement en les faisant passer à travers des canaux sinueux et tortueux pour les rendre plus solides, mais en les élargissant et en les déployant après ce passage, et en les rassemblant de telle sorte qu'elles finissent par former une espèce de fine membrane, qui est appelée par les Grecs perikranios, parce qu'elle recouvre le crâne[278]. Mais il est faux de croire, comme le font tous les autres professeurs d'anatomie, qu'il n'existe pas d'autre corps situé entre la dure-membrane et le crâne[279]; en effet sous le crâne lui-même il existe une autre fine membrane, commune à presque tous les os et qui est appelée periosteon du fait qu'elle entoure les os[280]. L'un des os qui n'ont pas cette membrane est la cavité interne du crâne formée pour recevoir le cerveau[281] : elle n'est pas revêtue de cette petite membrane [périoste] là où l'os est en contact avec la dure-membrane, mais toute la surface de la cavité à laquelle la dure-membrane n'est pas adjacente est tapissée de cette petite membrane commune aux autres os. On peut observer cela à l'endroitkk Là où se trouve toute la fig. 16 sous les lettres F,C;D de la fig. 15. là où se trouve la glande [hypophyse] qui reçoit la pituite du cerveau sous la dure-membrane[282] et où s'étendent les très grandes branches des artères [carotides internes] entrant dans le cerveau[283]. Que la Nature mère des choses ait disposé deux sutures transversales et une suture longitudinalell On les voit dans les figures du chapitre VI, livre I. en vue de ces fibres, c'est ce que la forme même de la dure-membrane montre, car c'était par ces lignes qu'elle pouvait être le plus fermement attachée sur toute sa longueur dans sa partie supérieure[284]. Nous nous rendons bien compte de cela quand, au cours de la dissection, nous tirons vers le haut le troisième sinus de la dure-membrane [sinus sagittal supérieur], en ayant la plus profonde admiration pour le talent avec lequel la Nature a conduit une portion ou processus de la dure-membrane entre le cerveau et le cervelet[285], de telle sorte que le cerveau est suspendu et qu'il ne comprime pas le cervelet par son poids. À cela ajoutons le soutien remarquable fourni par la partie de la dure-membrane [faux du cerveau] qui sépare les hémisphères droit et gauche du cerveau et qui est continue sur toute sa base avec le processus susdit. Mais si quelque autre chose talentueuse reste à décrire dans l'harmonie de la dure-membrane, je le ferai ci-dessous, avec la description de la fine membrane.

Chapitre III. La fine membrane revêtant le cerveau

La fine membrane qui revêt le cerveau est montrée dans la deuxième figure, et elle est détachée dans la troisième figure. On la voit aussi dans la huitième figure, enveloppant le cervelet.

Le nombre de fines membranes. La fine membrane du cerveau[286] comme la dure-membrane est une membrane simple et continue avec elle-même : vous ne trouverez aucune partie de substance sur le cervelet, sur les deux hémisphères du cerveau, dans les ventricules[287] et les circonvolutions du cerveau[288], ou, pour le dire en un mot, dans toute la cavité sous la dure-membrane, qui ne soit une portion de cette fine membrane : de même qu'après avoir écorché un animal, nous disons que toutes les parties de la peau qui recouvraient les oreilles, les pieds et la queue sont continues entre elles.La position de la fine membrane. Ensuite nous devons déduire sa position de notre connaissance du cerveau et du cervelet : en effet la dure-membrane n'embrasse rien qui ne soit aussi recouvert par la fine membrane. On ne voit aucune petite portion de la surface externeaa Cherchez-la à partir des figures de la dissection dans l'ordre suivant : 2,3,8,9,11,12,13. du cerveau, du cervelet, de la moelle spinale [tronc cérébral] ou des nerfs que la fine membrane ne revête, sans aucun autre corps entre eux, excepté la surface supérieure du corps calleuxbb L,L, fig. 2. qui est la seule, étant donné sa dureté, à ne pas être recouverte par une membrane de ce genre[289]. En outre, toutes les circonvolutionscc C,C,C, fig.3 et sur toute la surface, fig. 11. du cerveau et du cervelet, dans lesquelles la fine membrane

×Cf. p. 626 note 258.
×Concernant les veines, Vésale utilise de façon toujours inappropriée le terme de « vont aux » alors qu'elles émergent des sinus veineux intra-crâniens. Concernant les artères, il est impossible de savoir à quoi correspondent ces « deux branches » : s'agit-il des artères carotides internes ou bien des choroïdiennes antérieures (cf. aussi légende F de la sixième figure et p. 610 note 60) ?
×Comme dans le livre III de la Fabrica et dans l'Epitome, Vésale fait du système veineux un système vasculaire d'apport de nourriture aux organes, à partir ici d'un « réservoir » qu'il nomme laguna, du grec λάγυνος (« un flacon »).
×Cf. note 259.
×Le récit mythologique des amours de Vénus et Mars punis par Vulcain est bien connu depuis Ovide, Métamorphoses IV, et ne demande pas de développement particulier. Cette comparaison ornementale, citée par Galien (De usu partium VIII, 9), disparaît dans l'édition de la Fabrica de 1555 (page 777), alors que l'analogie de forme et de fonction entre les fibres de la membrane et des pointes de clous repliées subsiste.
×Cette membrane fibreuse issue de la dure-mère recouvrant la surface externe du crâne et appelée ici péricrâne constitue le périoste spécifique à la surface externe du crâne, cf. note 280.
×Les difficultés grammaticales du passage sont nombreuses : doubles négations, pronoms démonstratifs sans antécédents clairs, tournures poétiques rares (corrigées d'ailleurs dans l'édition de 1555, p. 777, par exemple l'accusatif pluriel adverbial omnia corrigé en omnino) auxquelles s'ajoute la difficulté d'une réalité anatomique que Vésale semble être un des premiers à décrire (cf. note 280). Les traductions en anglais de W.F. Richardson & J. B. Carman, On the fabric of the human body VI, San Francisco, Norman Publishing, 2009, p. 165, et de D. H. Garrison and M. H. Hast, The fabric of the human body: an annotated translation of the 1543 and 1555 editions of "De humani corporis fabrica libri septem", Bâle, Karger, 2014, p. 1266, sont ici erronées.
×Vésale distingue ici le périoste externe et interne à la boîte crânienne. C'est là un concept prouvé récemment (cf. François P., Travers N., Lescanne E., Arbeille B., Jan M., Velut S., "The interperiosteo-dural concept applied to the perisellar compartment : a microanatomical and electron microscopic study", J Neurosurg, 2010, 113(5), p. 1045-1052). La dure-mère du crâne est bien formée de deux feuillets : l'un périosté collé à l'os et identique au périoste recouvrant sa face externe, l'autre dit « encéphalique » adhérant au précédent et plus interne. On peut penser que Vésale a pu décrire justement un perieosteon interne (sous le crâne) en disséquant des vieillards chez qui ces deux feuillets au niveau de la voûte se décollent souvent l'un de l'autre, tandis qu'ils sont accolés chez les plus jeunes. Ces deux feuillets sont en effet adhérents hormis au niveau des sinus veineux où il existe un espace dit interpériostéo-dural occupé par du sang veineux (à l'étage rachidien, ces deux feuillets sont séparés, l'espace interpériostéo-dural étant occupé de veines et de graisse, comme au niveau de l'orbite ; le terme de dure-mère des anatomistes recouvre donc 2 réalités distinctes au niveau crânien et rachidien).
×On peut penser que Vésale fait ici allusion à la base du crâne, « formée pour recevoir le cerveau ». À ce niveau les deux feuillets paraissent en effet un seul car ils sont accolés, d'où l'absence de périoste à ce niveau selon lui. Mais ils sont séparés au niveau de la loge sellaire et para sellaire, d'où la présence de périoste qu'il constate recouvrant ce qui semble être le corps du sphénoïde. Il s'agit donc là d'une observation particulièrement fine de sa part.
×Vésale décrit donc bien l'hypophyse emballée dans un sac de feuillet encéphalique.
×Vésale décrit donc ici l'espace interperiostéo-dural que constitue le sinus caverneux (traversé par la carotide interne intra caverneuse).
×Ce passage n'est pas repris en 1555. Sur le rôle des sutures et des lignes, cf. Fabrica I, p. 26 ( parmi les fonctions des sutures, Vésale mentionne leur rôle par rapport aux fibres de la dure-mère) et VII, p. 625.
×Vésale décrit ici la tente du cervelet.
×Vésale décrit ici l'arachnoïde crânienne qui tapisse la face interne de la dure-mère et tous ses prolongements (faux du cerceau et tente du cervelet), mais qui épouserait la forme de l'encéphale en pénétrant dans les scissures et les sillons. Il ne la distingue donc pas de la pie-mère (lepto-méninge également), comme le montre la figure 2 de ce livre, légende E (le dessin montre l’arachnoïde intacte à gauche et retirée à droite). Ainsi, sa description de la « fine membrane » correspond-elle soit à l'arachnoïde, soit à la pie-mère.
×Vésale n'a tout à fait pas tort concernant les ventricules mais c'est seulement la pie-mère qui, s'insinuant dans la fissure dite choroïdienne, prolifère dans les ventricules pour constituer les plexus choroïdes.
×Le terme de anfractus désigne un détour, une sinuosité, en creux ou en relief ; il peut concerner les sulci comme les gyri. Ambroise Paré utilisera les termes de « profonditez » et « anfractuositez » dans ce contexte, Anatomie universelle, Paris, J. Le Royer, 1561, t. III, p. 134.
×Vésale a raison concernant l'arachnoïde à ce niveau. Voir aussi le chapitre 5 de ce livre de la Fabrica consacré au corps calleux.