Livre VII
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insinue partout ses parties ou ses prolongements, montrent sa position, son aspect et ses dimensions.Sa surface externe. La surface externedd dans la fig. 2. de cette membrane est baignée d'une sorte d'humeur aqueuse [liquide cérébro-spinal][290] et elle présente des parties saillantes correspondant aux parties saillantes qu'elle recouvre. Elle varie peu en épaisseur et montre partout l'aspect d'une membrane très fine parcourue d'innombrables vaisseaux[291].Explication de sa structure et de sa fonction. L'Artisan du monde a formé la fine membrane au bénéfice des vaisseaux principalement, comme le mésentèree,e La majeure partie de la fig. 10 du livre V ainsi que toute la fig. 11 du même livre.
f e,e,e, fig. 2, livre V.
g F dans la 1ère petite planche de la fig. 30 du livre V ; K dans la 2e petite planche et Q, R dans les 3e et 4e petites planches.
la membrane inférieure de l'omentumf et l'enveloppe la plus externeg [chorion] du fœtus (d'où le nom de choroïde que lui ont donné les Grecs) afin de les distribuer et de les supporter[292]. Mais elle n'est pas seulement une enveloppe pour le cerveau et le cervelet ; de même que la dure-membrane n'est pas une simple enveloppe mais est considérée comme un rempart empêchant le cerveau de heurter le crâne[293], de même la fine membrane [est non seulement une enveloppe, mais elle] resserre la substance des vaisseaux et les affermit de la même manière que les moules à fromages maintiennent le lait fraîchement coagulé et lui donnent une forme[294]. La Nature a donc produit cette membrane de telle sorte qu'elle est parfaitement adaptée à ces fonctions. En effet elle est si molle, si fine et si souple qu'elle peut s'enfoncer très profondément dans toutes les circonvolutions et sinus [du cerveau], et qu'elle peut transporter tous les vaisseaux dont le cerveau a besoin. Bien plus, elle apparaît si légère qu'elle ne peut nullement léser le cerveau par son poids, et pourtant elle est si solide et si résistante qu'elle ne se déchire pas quand elle est tirée vers le haut par la dure-membrane[295] ; au contraire, la série innombrable et continue de vaisseaux dont la Nature l'a très sagement pourvue, lui permet de soutenir ce mouvement vers le haut, avec une force suffisante pour recouvrir étroitement la substance du cerveau et la resserrer comme dans un moule (comme nous l'avons déjà dit). En outre, nous admirerons encore plus la sagesse de la Nature en découvrant qu'elle a fait preuve ici d'une ingéniosité égale à celle avec laquelle elle a assigné aux quatre éléments leur position. Cela est évident de prime abord, si vous comparez le crâne à la terre, la dure-membrane cérébrale à l'eau, la fine membrane à l'air, et la substance du cerveau au feu, et si vous appréciez ensuite l'habileté de cet Artisan du monde qui a placé l'eau et l'air entre la terre et le feu, opposés l'un à l'autre par leur nature, comme il a placé ces deux membranes entre le crâne et le cerveau (très différents l'un de l'autre par la substance) en ne se contentant pas d'un seul lien de proximité entre ces parties. Car ce qui est le milieu entre deux choses doit être au milieu non seulement par sa position, mais aussi par sa substance, du moins si l'on peut considérer ce qui est équidistant des extrémités comme le véritable milieu. Mais aucune des deux membranes ne différait du crâne et du cerveau dans des proportions égales : la fine membrane tenait moins de la dureté de l'os qu'elle ne surpassait la mollesse du cerveau même. À l'inverse, la dure-membrane était beaucoup plus dure que le cerveau, mais un peu plus molle que l'os[296]. Donc si la Nature n'avait créé que la fine membrane, celle-ci, au contact du crâne, ne serait jamais restée indemne ; si elle n'avait créé que la dure-membrane, c'est le cerveau qui aurait été blessé par son constant contact avec elle. Donc pour que ni le cerveau ni son enveloppe proximale ne subissent de lésion, la Nature a placé en premier la fine membrane, puis sur elle la dure-membrane : car cette dernière est plus molle que l'os dans la même proportion qu'elle est plus dure que la fine membrane, et celle-ci est plus molle que la dure-membrane dans la même proportion que le cerveau est plus mou que la fine membrane. Mais en revanche[297], la mollesse de la fine membrane lui est utile pour se placer facilement partout dans les circonvolutions du cerveau et pour envoyer plusieurshh H,I,F,G,M,N, fig.6. avec des vaisseaux dans les ventricules, comme cela a été dit auparavant. Je dirai comment il faut considérer des processus de ce genre dans la description des plexus et des ventricules du cerveau, mais il convient maintenant de passer au cerveau lui-même.

Chapitre IV. Le nombre, l’emplacement, la forme, les circonvolutions et la substance du cerveau et du cervelet

Pour montrer la matière traitée dans ce chapitre, la troisième figure est particulièrement utile, ainsi que presque toutes les figures suivantes jusqu’à la quatorzième ; la première figure du deuxième chapitre du quatrième livre présente en particulier la base du cerveau et du cervelet avec le début de la moelle spinale[298].

Le nombre [de parties] du cerveau [encéphale]. Pour les professeurs d’anatomie[299], le cerveau [encéphale] est ordinairement divisé en une partie antérieureaa A,A et B,B, fig. 3 ; A,A, fig. 1, chap. 2, livre IV.
b R,R,R, fig. 8 ; toute la fig. 11 ; B, fig. 1, chap. 2, livre IV.
d A,A, fig. 3.
e B,B, fig. 3.
appelée « cerveau »[300] et une partie postérieureb appelée « petit cerveau » [cervelet] ; ensuite la partie antérieure est partagée en une moitié droited [hémisphère droit] et une moitié gauchee [hémisphère gauche] ; ce n'est pas que ces éminents anatomistes aient pensé que le cerveau fût complètement séparé en deux, sans continuité nulle part (bien que leurs écrits indiquent parfois quelque chose de tel), mais cela vient du fait que le cerveau semble être partagé en plusieurs parties distinctes, tout comme la main, qui est une, est partagée en doigts distincts. Comme cela a été dit auparavant au sujet de la fine membrane du cerveau [encéphale], ici aussi les parties sont continues entre elles : l'hémisphère droit du cerveau et l'hémisphère gauche, puis le cervelet, la moelle spinale [tronc cérébral], tous les nerfsf,f Tout ce qui est dessiné dans la dernière fig. du livre IV et qui n'est pas l'os.
g M,N, fig. 7.
h L, K, fig. 2.
i A,A,A, fig. 6.
k X,X,Y,Y, fig. 5.
l C,D,c,d, fig. 11.
les fesses et les testicules du cerveau [colliculi supérieurs et inférieurs]g, le corps calleuxh et le corps en forme de tortue [fornix]i, ensuite le septumk entre le ventricule droit et le ventricule gauche, les processus vermiformes du cervelet [vermis cérébelleux]l etc. ; ces parties sont constituées d’une seule et même substance, avec de légères variations de dureté et de couleur. Cependant toutes les parties que je viens d’énumérer diffèrent les unes des autres par la position, la fonction, la forme, la dimension et d’autres caractères de ce genre que nous avons l’habitude de rechercher dans la construction des parties, au point

×La membrane en question est donc ici la pie-mère, les espaces sous-arachnoïdiens contenant le liquide cérébro spinal étant interposés entre arachnoïde et pie-mère.
×Les vaisseaux corticaux sont en réalité sous-arachnoïdiens, puis sous-piaux.
×C'est peut-être cette comparaison entre les mésos digestifs (portant les vaisseaux de l'aorte aux viscères), les leptoméninges et les plexus choroïdes qui a conduit partiellement Vésale à exagérer le rôle des plexus choroïdes et donc des ventricules dans l'élaboration de l'esprit animal. Cette comparaison entre mésos et leptoméninges souligne en tout cas que l'analogie reste un mode de raisonnement assez constant guidant les spéculations physiologiques.
×Vésale suit en partie Galien,De usu partium VIII, 9 ; A. Paré ajoutera que c'est au cours de son « mouvement » que le cerveau pourrait heurter le crâne et être blessé s'il n'y avait pas de dure-mère protectrice, Anatomie universelle, Paris, J. Le Royer, 1561, t. III, p. 132.
×La comparaison est elliptique dans la forme, mais reste compréhensible. Vésale supprime le développement de Galien (De usu partium VIII, 9), peu convaincant, puisqu'il subordonnait l'utilité de cette membrane à un a priori qui fait du cerveau in vivo un organe plus mou et plus humide qu'à l'état cadavérique (en dépit d'une observation post mortem correcte sur la rapidité de l'affaissement de l'organe), et lui substitue, avec humour ou pas, une image visuellement forte, réunissant forme et fonction, que certains traducteurs n'ont pas jugé utile de reprendre (Ch. Singer par exemple banalise le texte et se contente d'écrire « like a mould », en supprimant également le passage qui suit et qui n'est qu'une répétition de cette fonction (Vesalius on the human brain, London, New York, Toronto, Oxford University Press, 1952, p. 18).
×Vésale décrit ici l'arachnoïde cérébrale parasagittale, plus résistante qu'elle ne l'est à la convexité où sa fragilité lui a valu son nom la rapprochant de la toile d'araignée.
×Nous avons gardé l'imparfait dans la traduction, car cette réflexion sur le « moyen terme » s'inscrit dans une forme de récit fictif à l'imparfait, désignant un état de fait qui a nécessité un choix de la part de la Nature. Tout le passage est une traduction exacte du début du chapitre 9 du livre VIII du De usu partium de Galien ; il n'est pas sûr que Vésale se réfère directement à la logique aristotélicienne ni même au Timée (31b-32b) de Platon qui ont pu inspirer Galien. Ce passage disparaît dans l'édition de 1555 et est remplacé par une brève analyse du nom de choroïde chez Galien (référence au De usu partium VIII, 9 en note marginale). Notons aussi que cette longue digression presque cosmogonique peut paraître fantaisiste, mais nombreuses sont les références comparant toujours de nos jours la complexité du cerveau avec celle de l'univers (cf. S. Marinkovic, Pajić S, Tomić O, « Nature, life and mind. An essay on the essence. », Folia Morphol (Warsz), 2015;74(3), p. 273-82). Voir aussi p. 636 note 428.
×Retour à la description anatomique.
×Voir les figures du livre VII, p. 607 à 619 et celles du livre IV, page 318 de la Fabrica.
×La syntaxe du début de ce chapitre a été considérablement remaniée et simplifiée dans la Fabrica de 1555, p. 779.
×Rappelons que Vésale utilise d'ordinaire le même nom cerebrum pour l'organe tout entier (« encéphale » de nos jours).