Livre VII
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n’aurait pu être nourrie.Explication du plexus du cervelet ; son aspect. Les circonvolutions[333] du cervelet[h]h elles sont visibles fig. 11. qui ne sont pas aussi profondes que celles du cerveau sont un autre argument en ce sens : elles sont superficielles, mais nombreuses et disposées dans un alignement continu. Elles sont superficielles, parce que la partie à nourrir est exiguë, et que le cervelet serait fissuré si ses circonvolutions étaient plus profondément creusées jusqu’à son ventriculei,i E, fig. 11. mais elles sont nombreuses pour que leur nombre compense quelque peu leur faible profondeur. Et leur alignement est en quelque sorte triplek,k R,R,R, fig. 8 ; A,B,C, fig. 9 ; A,B et C,D,c,d, fig. 11. très différent de l'aspect que présentent les circonvolutions du cerveau. Car, à cause de ses circonvolutions et de sa dépression à l'arrière, due à la tubérosité de l’os occipital, le cervelet apparaît formé de trois parties : une sur la droite, une autre sur la gauche [hémisphères cérébelleux], et une troisième au milieu. La partie droite du cervelet comme la partie gauche se présentent d’une certaine façon comme deux sphères placées en vis à vis, et dans l’espace vide entre elles, là où, de toute évidence, les sphères ne pourraient pas se toucher, se trouve la troisième partiell C, fig. 9 ou C,D,c,d, fig. 11. du cervelet, qui ressemble à un ver du bois ou à un ver de fromage frais [vermis cérebelleux], à cause de ses circonvolutions qui traversent le cervelet sur toute sa longueur et sont équidistantes les unes des autres. Les pointes de cette partie sont tournées vers la partie inférieure du cervelet pour former les processus vermiformesmm C,D et c,d, puis H,I, fig. 11. du cerveau[334], comme nous l'enseignerons en son temps. Par ailleurs, la surface supérieure de la partie droite et de la partie gauche du cervelet présente des circonvolutions qui sont parallèles et qui traversent le cervelet dans sa largeur ; elles se dirigent vers le basnn vers A,B, fig.11.
o G,G, fig. 11.
et se concentrent dans la partie du cerveletoqui est continue avec le début de la moelle spinale [tronc cérébral], comme nous le dirons ; les circonvolutions de la partie droite sont continues avec le début de la moelle spinale à droite, tandis que celles de la partie gauche vont vers la gauche[335]. Mais ces parties du cervelet ne sont jamais séparées l’une de l’autre ni discontinues : au contraire, elles sont continues l’une par rapport à l’autre et forment un corps simple, c'est-à-dire le cervelet.Galien donne une explication incorrecte de l'unité de la nature du cervelet. Galien affirme que la Nature a construit le cervelet comme un corps simple, et non pas double comme le cerveau, parce qu'il n'aurait pas convenu que l’homme eût deux rachis ou deux moelles spinales[336], comme si un cerveau double aurait dû nécessairement être partagé en deux parties et discontinu par sa substance et donc n'aurait pu produire une moelle spinalepp fig. 1, chap. 11, livre IV. simple, et qu'à partir de là le cervelet devait nécessairement avoir été créé comme corps simple pour qu'il fût adapté au début d'une moelle spinale simple.Début de la moelle spinale. Et toi, Galien[337], combien de fois, sans raison, mais trompé par tes singes, tu t'es moqué sur des points mineurs d'Hérophile, de Lycos, d'Andreas et d’autres professeurs d’anatomie à Alexandrie, eux qui avaient accès aux corps humains[338] ! [Sache-le bien] : au milieu de sa base, le cerveau [encéphale] est manifestement simple et il n’est pas divisé comme dans sa partie supérieure, et il produit une moelle spinaleqq D dans la fig. 1, chap. 2, livre IV. simple ; et au sommet de celle-ci, à son début, la Nature a creusé unrr L,M,N,O, fig. 10. sinus[339], qui forme la moitié de la cavité du quatrième ventricule cérébral, comme nous le dirons. Tout le reste de la cavité de ce ventriculess E, fig. 11. est rempli par le cervelet qui est attaché de chaque côté aux bords du sinus de la moelle spinale seulement par deux attaches de formett les G,G de la fig. 11 sont joints à I et K dans la fig. 10.
u elle s'étend à E, fig. 9.
x elle s'étend à L, fig. 8.
arrondie[340] et formant un corps continu avec la moelle spinale ; en effet à l'arrière du cerveletucomme à l'avantxla partie centrale[341] n'est ni continue ni attachée à la moelle spinale ; et l'arrière du cervelet est joint à la moelle spinale seulement par l'intermédiaire de la fine membrane[342]. Crois-moi, c'est comme si la Nature avait créé le cervelet pour mieux ajuster[343] et préserver pour la moelle spinale l’esprit [animal] transmis depuis les sinus [les ventricules] cérébraux.Dureté du cerveau et du cervelet ; origine des nerfs. Tu as eu beau chercher à établir une différence entre le cervelet et le cerveau au point de vue de la dureté, et examiner la raison pour laquelle ils sont séparés, tu ne trouveras aucun nerf, si petit fût-il, qui soit originaire du cérebellumy.y fig. 1, chap. 2, livre IV. À l'évidence, il n'y a aucune différence de dureté entre la partie frontale du cerveau et sa partie occipitale qui, chez l'homme, s'étend même plus bas que le cervelet ; et il n'existe pas non plus de différence conflictuelle significative sur le plan de la dureté entre le cerveau et le cervelet, quand ce dernier est libéré de la fine membrane[344].Couleur et substance du cerveau, du cervelet et de la moelle spinale. Cependant, la base du cerveau [tronc cérébral] qui constitue le début de la moelle spinale, apparaît plus dure que toutes ses autres parties et plus dure aussi que le cervelet lui-même, et de même la moelle spinale qui en émerge devient progressivement plus dure ; elle ne ressemble ni par la couleur ni par la dureté au cervelet situé au-dessus de son début[345]. En effet, le cervelet est plus jaunâtre, ou cendré, il est parcouru par un très petit nombre de lignes blanchâtres, et il est d’un blanc éclatant seulement à la surface de sonzz E, fig. 11. sinus[346]. Mais le tout début de la moelle spinale encore dans la tête sous le cervelet est très blanc, comme la base du cerveau qui lui fournit son origine[347], base qui est dépourvue de tous les méandres et circonvolutions dont le cervelet abonde. Mais il vous sera facile d’apprendre quelle est la substance de toutes ces choses, à partir de cervelles de veaux, de lièvres ou de quelque oiseau, lorsque vous serez à table. C'est une substance particulière, unique, telle qu’elle ne ressemble à aucune autre dans le corps entier, mais convenant aux actions innées du cerveau, tout à fait comme on pense que la substance du cœur et la chair des poumons, du foie, de la rate, des reins et des testicules conviennent parfaitement aux fonctions régies par ces organes[348].La substance du cerveau est différente de la moelle osseuse. La substance du cerveau [cortex cérébral] que d’aucuns ont appelée « moelle de la tête » diffère de la moelle osseuse sur plusieurs points, non seulement parce qu’elle ne peut pas se liquéfier, qu'elle ne disparaît ni ne diminue à la suite d'un long jeûne ou pour d'autres raisons, comme le fait la graisse du corps, mais parce qu'elle n’est pas blancheaa recherchez cela à partir de la substance cérébrale disséquée dans les fig. 4,5,6,7,8.
b C,C,C, fig. 3.
partout : là où elle est le plus prèsbdes circonvolutions, elle est jaunâtre ou vaguement cendrée [grise][349], sur une distance toujours égale par rapport à la surface de la circonvolution.

×La note marginale annoncée par h existe, mais oubli du h dans le texte. Ces circonvolutions sont nommées « lamelles ou folioles cérébelleuses » par les modernes.
×Le texte est obscur. Vésale semble vouloir accorder ce qu'il voit avec les définitions de Galien qui considérait ce qu'il nommait le « processus vermiforme » comme une partie du cerveau (De anatomicis administrationibus IX, 5) ; cette interprétation était également celle du professeur de Vésale à Paris, Iohan Guinter d'Andernach qui avait traduit le texte de Galien, Institutionum Anatomicarum secundum Galeni sententiam, en comparant ce « processus du cerveau » à un ver (figura vermis) (trad. latine consultée, Bâle, 1536, p. 115). Dans le chapitre X du livre VII, il critiquera vigoureusement l'interprétation physiologique donnée par Galien et ses successeurs à ces portions du vermis. Ce que les figures de Vésale montrent en tout cas est très vraisemblablement la lingula (en haut, versant supérieur du toit du quatrième ventricule) et le nodule (en bas, versant inférieur du toit du quatrième ventricule) du vermis, portions les plus antérieures du vermis (que Vésale dit être tournées vers la partie inférieure mais il faut se rappeler que l'orientation de quatrième ventricule est très inclinée en bas et en arrière), ce que confirme l'explication physiologique donnée ultérieurement (cf. p. 639 et notes 472 et 477).
×Cette observation est difficile à comprendre car ce que Vésale nomme « le début de la moelle spinale » correspond très vraisemblablement aux deux pédoncules cérébelleux moyens (cf. dixième et onzième figures et p. 635) qui sont lisses, totalement dépourvus de sillons et circonvolutions, comme il le précise un peu plus bas (cf. ibid. note 347).
×Cf. Galien, De usu partium VIII, 10.
×Cette apostrophe à Galien n'est pas sans rappeler le procédé de Galien prenant à partie Aristote (De usu partium VIII, 13) ; elle disparaît dans l'édition de 1555 et est remplacée par l'interjection familière à Vésale, Mehercule.
×Les noms de ces médecins alexandrins sont connus essentiellement par des citations de Galien. Sur Hérophile, cf. H. von Staden, Herophilus. The Art of Medicine in Early Alexandria, Cambridge, Cambridge University Press, 1989. Marinus (120 av. J. C.) fut le plus grand anatomiste après Hérophile et Érasistrate ; il aurait écrit un traité d'anatomie, des commentaires sur les Aphorismes d'Hippocrate et est souvent cité par Galien, cf. M. D. Grmek et D. Gourevitch, « L'école médicale de Quintus et de Numisianus », in G. Sabbah (éd.), Mémoires VIII. Études de médecine romaine, Saint-Étienne, Université de Saint-Étienne, 1988, p. 43-60. Aucun texte de Lykos, médecin de l'école empirique et commentateur de Marinus n'a survécu, mais on sait par Galien qu'il eut avec lui une controverse, Adversus Lykum libellus (Kühn XVIII, 1, p. 196-245). Andreas de Caryste (fin du IIIeS av. J. C.) était un disciple d'Hérophile, médecin de Ptolémée IV Philopator ; il trouva la mort lors de la bataille de Raphia (-217 av. J. C.). Sur ce médecin, cf. H. von Staden, « Andreas de Caryste et Philon de Byzance : médecine et mécanique à Alexandrie », in G. Argoud et J.-Y. Guillaumin (éd.), Sciences exates et sciences appliquées à Alexandrie, Saint-Étienne, Université de Saint-Étienne, 1998, p. 147-172.
×Toit du quatrième ventricule dont le sommet est aussi appelé par les modernes « sinus du cervelet ».
×Applantatio n'est pas attesté en latin classique. Le nom désigne donc ici le pédoncule cérébelleux moyen (cf. note 335) ou bras du pont dans le métencéphale : ce cordon de substance blanche réunit le cerebellum au pont. Les surfaces dorsales de ces pédoncules sont bien indiquées par F et G dans la neuvième planche du livre VII, p. 615.
×Erreur typographique dans le texte latin (Medio est corrigé en media dans les errata de l'édition de 1543, p. 664).
×Vésale veut dire par là que seuls les pédoncules cérébelleux, situés latéralement, attachent le cervelet au tronc cérébral. À noter que, des pédoncules cérébelleux, il n'isole que les moyens, négligeant les pédoncules cérébelleux supérieurs principalement, les pédoncules cérébelleux inférieurs étant plus difficiles à distinguer. Le vermis, médian, apparaît donc en effet sans attache au tronc cérébral, hormis au niveau de sa partie inférieure où se situe la toile choroïdienne inférieure (qu'il nomme « fine membrane »), tendue entre nodule du vermis (par le voile médullaire inférieur) et le tronc cérébral et traversée par l'orifice médian du quatrième ventricule, voie d'écoulement du liquide cérébro-spinal vers la citerne cérébello-médullaire.
×Intuition remarquable de Vésale, le cervelet étant en effet un centre régulateur, harmonisant notamment le tonus, la motricité et intégrant les voies vestibulaires intervenant dans l'équilibre et la position de la tête.
×L'apostrophe à Galien se poursuit par une remise en cause des divisions de l'encéphale établies par l'anatomiste de Pergame en fonction de leur dureté : pour Galien, la partie antérieure, molle, est l'origine de nerfs mous présidant aux sensations, et la partie postérieure plus dure (qu'il appelle parencéphale, correspondant au cervelet), d'où sortent les nerfs durs, préposés au mouvement volontaire et distribués dans tout le corps. Galien séparait les deux parties par un repli de la dure-mère [tente du cerebellum] et les faisait rejoindre dans un conduit situé sous e sommet de la tête (De usu partium VIII, 6).
×Cette plus grande fermeté du tronc cérébral et de la moelle spinale est une réalité chez le vivant comme sur le cadavre frais.
×Le toit du quatrième ventricule ici décrit (cf. aussi note 339) comme son plancher sont en effet très blancs.
×Par cette formulation (« la base du cerveau qui lui fournit son origine»),Vésale distingue une structure qu'il nomme « le tout début de la moelle spinale encore dans la tête », qui n'est pas le tronc cérébral. Il s'agit sans doute des pédoncules cérébraux, appartenant au mésencéphale et que Vésale n'a pas intégré, à tort, au tronc cérébral (cf. aussi p. 615 note 121). S'il s'agit en effet de cette structure qui en effet « fournit son origine au cerveau » mais qu'aucune planche ne montre (la planche 14 ne montrant qu'un tronc cérébral), cela signifie que Vésale a observé une vue inférieure de l'encéphale, sans avoir jamais osé la montrer. Cette hypothèse confirmerait (cf. p. 605 note 2 et p. 611 note 70) ses contraintes liées au ramollissement de l'encéphale (très visible d'ailleurs sur la figure 14). Aussi peut-on penser qu'il n'a pas soumis à son artiste un encéphale posé vertex sur la table - l'organe étant alors trop aplati, informe et peu propice à la démonstration - mais qu'il l'a observé quand même.
×On comprend mal ici en quoi Vésale parvient à relier consistance et fonction de tel ou tel organe.
×Vésale a donc bien isolé substance blanche et substance grise (corticale et centrale) (cf. septième figure) mais là encore sa consistance lui paraît aussi importante que la couleur.