Livre VII
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sort de la substance des ventricules cérébraux, se porte vers l'avant et se termine en formant progressivement un angle aigud,d S,T à V dans la fig. 5 ; B,C au sommet A dans la fig. 6. s'étendant aussi loin que la fin[440] de la partie antérieure du troisième ventricule ou cavité commune aux ventricules [latéraux] droit et gauchee.e à côté de P dans la fig. 6. Là, par une sorte d'angle aigu, ce corps se réunit à la substance du cerveau, ou devient continu avec elle, alors que sur tout le reste de la longueur de sa partie inférieure, depuis son origine, il n'est nulle part uni aux trois ventricules cérébraux, ni joint à eux par l'intermédiaire d'un corps quelconque[441]. Ce corps a une forme triangulaire avec des bords de longueur inégale. Le premier bordff de S à T dans la fig. 5 ; de B à C dans la fig. 6. [commissure postérieure], qui est aussi le plus court, s'étend de la partie postérieure du ventricule [latéral] droit vers la partie postérieure du ventricule [latéral] gauche. Le deuxième bordgg de S à V dans la fig. 5 ; de B au sommet A dans la fig. 6.
h de T à V dans la fig. 5 ; de C au sommet A dans la fig. 6.
i O,O, fig. 5 ; M,N, fig. 6.
sur le ventricule [latéral] droit s'étend de l'arrière vers l'intérieur jusqu'à l'avant du troisième ventricule. Le troisième bordh situé sur le ventricule [latéral] gauche a la même longueur que le deuxième. Le long de ces deux bords courent les plexusi dont la forme est semblable à celle des secondines, disent les professeurs d'anatomie[442]. Seuls les trois angles de ce corps sont joints au cerveau et lui sont continus sur la partie inférieure de ce corps[443], alors que tous les bords sont distants du cerveau. Dans sa partie supérieure, ce corps est continu avec la substance du cerveau [septum] sur un seul angle, qui est aigu et qui regarde vers l'avant. Dans sa partie inférieure, ce corps est doté d'une surfacekk A,A,A, fig. 6. unique, qui ressemble tout à fait à une carapace de tortue ou à une arche ; aussi ce corps était-il appelé psallidoeides [en forme de voûte][444] par les anciens Grecs à cause de sa forme et de sa fonction. Cette surface constitue la partie la plus élevée [toit] du troisième ventricule et sous elle se trouve aussi la cavité commune aux ventricules [latéraux] droit et gauche. Par ailleurs, la surface supérieurell tout cela est présenté dans la fig. 5. de ce corps est bombée et convexe proportionnellement par rapport à sa surface inférieure concave, mais elle n'est pas simple et continue comme cette dernière. En effet, au milieu de sa longueur, elle [c'est-à-dire la surface supérieure] est plus ou moins saillante en formant un anglem,m X,X, fig. 5 ; ces caractères sont continus avec Y,Y dans la figure montrant le cerveau encore intact. et elle devient continue avec le septum [septum lucidum] entre les ventricules [latéraux] droit et gauche, à tel point qu'elle semble avoir de chaque côté une surface arrondie à l'endroit même où les racines de ce corps [crures fornicis] sortent de la région postérieure des ventricules et ressemblent tellement à la périphérie d'une sphère allongée qu'elles en ont abusénn S,T, fig. 5.plusieurs au point qu'ils les ont prises pour les fesses[445] du cerveau. D'autres les ont montrées impudemment dans les facultés en Italie , comme étant des vers du cerveau, se targuant d'avoir fait quelque découverte précieuse. Mais il vaut mieux limiter ici mon discours sur des hommes de ce genre qui ont si peu l'expérience de l'anatomie ; non seulement ils ignoraient tout, mais en plus il leur fallait revendiquer avec morgue et arrogance la découverte d'une quelconque petite partie, d'aucune utilité en médecine, qu'ils tentaient de démontrer de manière complètement extravagante et fausse, alors que Galien l'avait décrite avec élégance et soin[446]. Donc toutes les surfaces du corps en forme de [carapace de] tortue, qui sont très lisses et imprégnées d'une humeur aqueuse, regardent les trois ventricules cérébraux : toute la surface inférieure forme la partie supérieure du troisième ventricule, comme cela a été dit : le côté droit de la surface supérieure est en regard du ventricule [latéral] droit, le côté gauche en regard du ventricule [latéral] gauche. Et comme il a été dit que les ventricules eux-mêmes ne sont nullement recouverts par la fine membrane, ce corps [voûté] est également exempt de fine membrane[447], n'admettant rien d'autre que la substance du cerveau dans sa structure.Fonction du corps voûté En outre la Nature a créé ce corps comme une carapace de tortue, qui, en supportant le poids des corps placés par-dessus et en les empêchant de tomber, protégerait la grande cavité du troisième ventricule et l'empêcherait de s'affaisser. Outre cette structure idoine, les trois angles sur lesquels il repose contribuent à cette fonction ; il supporte également et élève le septum [septum lucidum] entre les ventricules, qui est tiré vers le haut par le corps calleux. Les choses étant ainsi[448], ce corps forme en grande partie la cavité du troisième ventricule, et permet que sous lui, leoo H,I, fig. 6 ou V issu de T fig. 7. vaisseau[449] provenant du quatrième sinus [sinus droit] de la dure-membrane puisse courir en toute sécurité, sans être comprimé ; ce vaisseau est distribué à travers le troisième ventricule et se partage finalement en deux branches[450], dans les ventricules [latéraux] droit et gauche.

Chapitre VIII. La glande du cerveau ressemblant à une pomme de pin [corps pinéal]

On la voit sur la septième figure (L), sur la huitième (M) et sur la dixième figure (D).

Près de la partie arrière du fornixaa S,T,V, fig. 5 ; A,A,A, fig. 6.
b H,I, fig. 6.
c T, fig. 7.
là où le premier vaisseaub, [grande veine cérébrale, dite veine de Galien] issu du quatrième sinusc [sinus droit] de la dure-membrane commence à se diriger vers le troisième ventricule cérébral, la Nature a placé une petite glanded d L, fig. 7 ; M, fig. 8 ; D, fig. 10. [corps pinéal ou épiphyse] semblable à une pomme de pin[451] ou à un cône, qui a été appelée à cause de sa forme kônarion et kônoeides par les Anciens.Position de la glande pinéale[corps pinéal]. Elle est placée sous l'origine de ce vaisseau [grande veine cérébrale, dite veine de Galien], sa pointe tournée vers le haut ; mais sa base repose sur la substance du cerveau un peu en arrière du début du canalee K, fig. 7 ; B, fig. 10. [aqueduc du mésencéphale] qui va du troisième ventricule du cerveau au quatrième. Je ne saurais pas mieux décrire sa position, sauf à ajouter que cette glande s'appuie sur la partie antérieure et la plus élevée des testiculesf f M,N, fig. 7 ; E,G, fig. 10. du cerveau [colliculi supérieurs]. Donc chez l'homme, il est vrai qu'elle s'appuie sur cette partie et qu'on ne pourrait considérer ici qu'il y ait une continuité de substance entre elle et la substance du cerveau, ou qu'elle soit une quelconque partie du cerveau[452]. En effet chez les hommes, elle n'est pas attachée au cerveau, et très souvent, si on ne se concentre pas sur le travail, elle est arrachée en même temps que le vaisseau veineux au cours de la dissection[453].

×Vésale désigne ici une des deux colonnes antérieures du fornix qui limitent en avant le foramen interventriculaire (de Monro) faisant communiquer chaque ventricule latéral avec le troisième ventricule, et qui se perdent dans les parois du troisième ventricule pour rejoindre les corps mamillaires. Mais le foramen interventriculaire n'est pas décrit comme tel (cf. aussi notes des légendes de la sixième planche).
×En effet le corps du fornix est facilement décollable des thalami, tandis que les colonnes antérieures, sous le foramen interventriculaire, ne le sont pas car elles cheminent au sein des parois hypothalamiques du troisième ventricule. Ceci est aussi vrai, bien qu'assez difficile à montrer sur un cerveau frais, concernant les crures fornicis mais Vésale n'évoque ici que le corps du fornix.
×C'est en effet entre le bord latéral du corps du fornix puis le crus fornicis et le thalamus que la fissure dite choroïdienne laisse s'insinuer la pie-mère (toile chorodïenne supérieure au niveau du toit du troisième ventricule) pour se développer dans le ventricule latéral et constituer le plexus choroïde. Vésale utilise le terme de secundæ pour désigner les enveloppes du fœtus en général ou le placenta, cf. p. 660 note 713.
×Ceci est vrai concernant l'union des deux colonnes antérieures (cf. note 441), mais deux angles postéro-latéraux correspondant à l'origine des crures fornicis sont séparés des thalami par la fissure choroïdienne.
×La commissure postérieure du fornix a aussi porté le nom de « psalterium » (en grec psallyoides) ou de « lyre de David ».
×Vésale note ici que certains anatomistes ont décrit comme « fesses du cerveau » ce qui correspond certainement aux pulvinars (« coussins »), pôles postérieurs des thalami autour desquels s'enroule de haut en bas et de dedans en dehors chaque crus fornicis. Cette description imagée conviendrait aux pulvinars mais non aux crures fornicis.
×Vésale dénonce plusieurs fois la morgue des médecins de son époque, sans les désigner nommément. Il peut s'agir ici de Nicolao Massa, auteur d'un Liber introductorius Anatomiæ publié à Venise en 1536, qui attribue effectivement à Galien la confusion de ces structures ou tout au moins de leurs noms (natas siue anchas, p. 84). En réalité, il était très difficile macroscopiquement de distinguer les limites de ces structures voisines.
×Vésale se trompe ici (cf. aussi sixième figure et note 56), sauf à admettre qu'il ne fait allusion qu'à la face supérieure du corps du fornix ; car sous le corps du fornix s'insinuent les deux feuillets de pie-mère (entre lesquels courent les deux veines cérébrales internes) qui constituent la toile choroïdienne supérieure et traversent latéralement la fissure choroïdienne.
×Formule récurrente pour amener une conclusion.
×Il s'agit en fait des deux veines cérébrales internes intimement proches l'une de l'autre (cf. p. 608 note 39).
×Il est probable que Vésale décrit ici les veines septale antérieure et thalamo-striée (cf. aussi p. 635 : Le contenu de chaque ventricule, et note 418).
×Kônarion désigne le cône, la pomme de pin par analogie de forme, mais aussi l'amande de la pomme de pin ou pignon (ou encore pigne). Dans le chapitre suivant, Vésale comparera le corps pinéal à un pénis en justifiant ainsi le nom de testes (« testicules ») donné aux colliculi supérieurs.
×Cette phrase latine très dense, avec un jeu d'opposition entre le fait (innititur) à l'indicatif présent et la supposition au subjonctif imparfait, prépare la controverse suivante sur la fonction du corps pinéal, en privilégiant l'observation anatomique par rapport à la spéculation philosophique. Galien considérait ce corps comme une petite glande, en raison de sa substance (De usu partium VIII, 14). Dans le livre III de la Fabrica (p. 261=361), Vésale définit la nature et la fonction des glandes qu'il relie au système veineux. Le terme de glande est en tout cas ici particulièrement judicieux, mais on ne sait comment Vésale distingue cet organe du cerveau en lui attribuant un caractère sécrétoire. Soulignons aussi la parfaite description de la situation de celle-ci.
×En fait le corps pinéal est relié à la face médiale de chaque thalamus par les habenulae (ou rênes), structures très fines, elles-mêmes unies en avant de la glande par la commissure habénulaire (cf. aussi note 122 de la légende D de la dixième planche, p. 615, où cette structure est dessinée). Galien proposait de soulever à l'aide d'une spatule cette petite glande couchée sur les vaisseaux, en prenant garde de ne pas la rompre (De anatomicis administrationibus IX, 3 et 4).