Livre VII
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Chapitre XI. L'infundibulum, la glande qui reçoit la pituite du cerveau et les autres conduits qui purgent le cerveau

Se rapportent à cela, en première instance, les lettres M, M de la troisième figure marquant les sinus [sulci] de chaque côté du corps calleux. Ensuite le I de la septième et de la huitième figure, indiquant le canal [récessus infundibulaire] par où la pituite descend depuis la cavité commune aux ventricules [latéraux] droit et gauche. Ensuite le S de la treizième figure, les C, C de la quatorzième figure, le E de la quinzième, et le B des seizième et dix-huitième figures indiquant le bassin [infundibulum] qui reçoit la pituite. La glande [hypophyse] sur laquelle la pituite s'écoule est notée par A dans la seizième figure, par E dans la dix-septième figure, et encore par A dans la dix-huitième figure, dans laquelle les lettres C, D, E, F indiquent les canaux transportant la pituite à partir de la glande.

Que les suturesaa elles sont visibles sur les figures du chapitre 6, livre I. du crâne facilitent considérablement le passage des excréments fuligineux du cerveau a été montré dans le premier livre[480], lors de l'examen de la fonction des sutures. Mais c'est le lieu maintenant d'énumérer chacune des parties servant à l'excrétion[481] de la pituite.Brève énumération des parties servant à l'écoulement de la pituite. Il s'agit des parties suivantes : deux canaux creusés dans la substance du cerveau, une portion de la fine membrane en forme d'entonnoir, une petite glande qui reçoit la pointe de cet entonnoir [hypophyse], et les canaux par lesquels la pituite descend de cette petite glande vers les cavités du palais et du nez[482].Les canaux originaires du troisième ventricule cérébral. J'ai déjà examiné deux canaux du cerveau, quand j'ai décrit le troisième ventricule cérébral, c'est à dire la cavité commune aux ventricules [latéraux] droit et gauche ; j'ai dit que l'unbb fig. 7 et 8. de ces canaux, d'une ampleur considérable [récessus infundibulaire][483], creusé dans la substance cérébrale, descend verticalement depuis le milieu de cette cavité et se termine en face de la partie du crânecc M, fig. 3, chap. 12, livre I ; D, fig. 14 de ce livre-ci.
d A, fig. 16 et 18.
e à côté de K, fig. 8.
qui forme un sinusd [selle turcique] convenant à la glande qui reçoit la pituite du cerveau. Le deuxième canale, que je n'ai observé que très rarement, et qui apparaît aux anatomistes beaucoup plus étroit que le précédent, provient du canalff K, fig. 7 et 8 ; B,C, fig. 10. qui va du troisième ventricule au quatrième [aqueduc du mésencéphale] par les testicules et les fesses du cerveau [colliculi supérieurs et inférieurs]. Dès que ce canal atteint les testicules, sa partie antérieure ou inférieure produit un autre passage servant à purger la pituite et ce dernier va progressivement en bas et en avant, jusqu'à ce qu'il finisse dans la terminaison du premier canal, et que tous deux n'aient qu'un seul et même orifice[484].Le bassin [infundibulum] dans lequel la pituite s'écoule. Sur les côtés de cet orificeg,g D, fig.14. hors de la fine membrane recouvrant également ici la base du cervelet[485], émerge une portionhh C,C, fig. 14 ; E, fig. 15 ; B, fig. 16 et 18. ou un processus circulaire tout à fait semblable par sa substance au reste de la fine membrane[486], sauf que cette portion est entrelacée de très fines veines, souvent en très grand nombre. Le début de ce processus ressemble exactement à la partie supérieure d'un entonnoir au moyen duquel on verse du vin dans des cruches dont l'ouverture est très étroite : en effet sa partie supérieure est large et circulaire, puis elle se rétrécit et devient progressivement plus étroite, comme un entonnoir, jusqu'à se terminer en une sorte de long tuyau étroit, dirigé vers le bas, qui descend à travers son foramen intrinsèque creusé dans la dure-membrane du cerveau, et se termine en pointe sur la glandeii A, fig. 16 et 18. [hypophyse] qui reçoit la pituite du cerveau. Il fallait que l'ensemble de ce corps membraneux ait une parfaite ressemblance avec un entonnoir pour que les Grecs l'aient appelé choanè [« entonnoir »] ; mais on l'appelle aussi pyelos, parce qu'il a la forme (du moins dans sa partie supérieure) d'une coupe à boire ou du bassin où nous nous lavons dans les bains[487]. Même si ceux qui ont imposé les noms ont quelquefois appelé choanè la partie inférieure de ce corps parce qu'elle ressemble à un tube d'entonnoir et pyelos la partie supérieure devenant progressivement plus étroite, et située sous l'endroit où les nerfs optiqueskk le S sous les lettres M, N, O, fig. 13. [chiasma] se rassemblent. À l'inverse, je vois[488] que plusieurs ont appelé tout le corps membraneux pyelos, mais choanè la glande sur laquelle la pituite s'écoule, comme si c'était une forme dans laquelle on répand quelque chose.Description de la glande recevant la pituite [hypophyse]. Mais les Anciens qui enseignaient l'Anatomie à leurs enfants de génération en génération[489] n'ont pas attribué ce nom à cette glande, et vous constaterez que c'est la seule partie placée dans la cavité crânienne qu'ils aient laissée sans nom. Cette petite glande est placée sous la dure-membrane du cerveau [diaphragme de la selle turcique] dans un sinusll M, fig. 3, chap. 18 [=12], livre I. [selle turcique] creusé pour elle seule dans l'os cunéiforme [sphénoïde] et dont elle a la forme ; en effet elle est déprimée, plus ou moins convexe et arrondie dans sa partie inférieure, mais concave dans sa partie supérieure et entaillée par une sorte de sinus ; elle n'est pas parfaitement circulaire sur sa périphérie, mais pas complètement carrée non plus. Elle est de nature glanduleuse, mais beaucoup plus dure et plus compacte que les autres glandes. Elle est recouverte partout, ou bien par la fine membrane qui émerge de chaque côté de la terminaison de l'infundibulum attachée au sinus de la glande, ou bien par la membrane recouvrant l'os du crâne sur toute cette région où la dure-membrane cérébrale est distante de l'os du crâne et ne lui est pas adjacente[490]. La petite glande est soutenue par l'intervention de cette membrane recouvrant l'os du crâne à cet endroit, et elle est aussi attachée aux deux grandes branches des artères soporales [carotides internes] qui cheminent sur ses côtésmm à chercher sur la fig. 16. et qui forment le plexus réticulaire[491] chez l'homme, selon l'opinion ridicule de tous les autres professeurs d'anatomie. Alors qu'assurément[492] cette glande a été formée en vue de ces branches

×Cf. Fabrica I, 6.
×Le latin antique connaît excrementum (du verbe excernere, « trier, séparer ») plutôt que excretio pour désigner toute espèce d'excrétion, d'évacuation (salive, morve, excréments).
×La description ne suit pas le même ordre que dans l'Epitome, chapitre 5 : dans ce dernier, après avoir brièvement décrit le troisième ventricule, Vésale enchaîne avec le récessus infundibulaire, l'infundibulum, l'hypophyse et l'ostium de chaque sinus sphénoïdal, avant de passer à la partie postérieure de ce ventricule commun, énumérant l'aqueduc du mésencéphale, les colliculi et le quatrième ventricule, et de mentionner in fine le vermis cérébelleux, cf. J. Vons et S. Velut, A. Vésale. Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, Paris, Les Belles Lettres, 2008, p. 92.
×Vésale décrit ici le récessus infundibulaire du troisième ventricule limité latéralement par les deux lames hypothalamiques. Ce récessus mène à l'infundibulum où est appendue la glande hypophyse, cf. A. Vésale. Résumé de ses livres sur la Fabrique du corps humain, op. cit., p. 133 note 181.
×Il est très difficile de comprendre cette description car elle ne répond pas aux différents reliefs et dépressions du plancher du troisième ventricule vu par voie endo-ventriculaire comme semble le faire Vésale tant dans son texte que sur les septième et huitième figures. Reste l'hypothèse que Vésale décrive ici soit le récessus pinéal soit le récessus optique du troisième ventricule bien qu'il n'évoque ici ni le chiasma ni le corps pinéal (cf. aussi Fabrica VII, 6, p. 635 ; légende K de la 8e figure p. 613 et notes 93 et 403). En tout cas, l'hypothèse d'un orifice dû à un artefact de dissection et une ouverture accidentelle du plancher très fin de ce ventricule (soit en arrière, soit plutôt en avant des corps mamillaires) ne tient pas en raison de la description qu'il fait plus loin de cet orifice qui est méningé cf. p. 640 note 486).
×D. H. Garrison and M. H. Hast laissent le mot cerebellum (The fabric of the human body: an annotated translation of the 1543 and 1555 editions of "De humani corporis fabrica libri septem", Bâle, Karger, 2014, p. 1295) ; mais nous nous rangeons à l'avis de Ch. Singer supposant qu'il y a ici une erreur pour cerebrum (Vesalius on the human brain, London, New York, Toronto, Oxford University Press, 1952, p. 52), comme W. F. Rarman qui corrigent de même (On the fabric of the human body VI, San Francisco, Norman Publishing, 2009, p. 212), sans quoi la suite serait incompréhensible.
×Il faut lire très attentivement cette première phrase pour comprendre ce que veut dire Vésale dans ce chapitre. Les termes « hors de la fine membrane » signifie que ce qu'il décrit est extra cérébral. La suite permet de faire l'hypothèse que la fine membrane nommée ici est la pie-mère. Puis, les termes de « processus circulaire semblable [à] la fine membrane » signifient qu'il décrit une structure leptoméningée. Mais ici, ce « processus » ne peut être que le manchon arachnoïdien situé au dessus de l'orifice dural, plus large, du diaphragme de la selle turcique (« foramen intrinsèque creusé dans la dure-membrane du cerveau »). Cette longue description porte donc sur les rapports méningés de l’infundibulum. C'est en effet à travers le petit orifice que ménage l'arachnoïde que passe l'infundibulum qui devient la tige pituitaire. Ce manchon arachnoïdien en entonnoir assure l’étanchéité de l'espace sous arachnoïdien entourant la tige mais ne se prolonge pas dans la selle turcique. Une préparation comme celle de la douzième figure permettrait d'identifier cette structure arachnoïdienne. Il faut donc différencier chez Vésale : l'infundibulum du troisième ventricule, structure cérébrale, du « bassin en entonnoir » telle qu'il le décrit aussi dans la légende F de la quinzième figure, structure arachnoïdienne. Cette hypothèse est confortée par la quatorzième figure où l'on distingue bien l'infundibulum (au sens moderne) indexé D et une membrane indexée C.
×Cf. Galien, De usu partium VIII, 14. Le terme de concha est attesté dans les antiquités romaines au sens de bassin où on lave, cf. Ch. Daremberg et Ch. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, article « concha », Paris, 1877, p. 1431 (consultation en ligne du DAGR sur le site de l'Université Jean Jaurès de Toulouse).
×Ici au sens de « lire ».
×Thème récurrent.
×En fait, l'hypophyse dont Vésale décrit parfaitement la surface et la forme est, dans la selle turcique, entourée d'un sac dural fait de dure-mère encéphalique (cf. p. 627 note 280) tandis que le plancher sellaire est tapissé de dure-mère ostéo-périostée. La glande n'est entourée d'arachnoïde que dans le cas pathologique dit de la « selle turcique vide ».
×En réalité il n'existe pas d'attache entre hypophyse et artères carotides internes ; mais on trouve, latéralement au sac dural hypophysaire, les sinus caverneux (espaces veineux) droit et gauche contenant notamment les carotides internes dans leur portion dite intra-caverneuse. Sur le « plexus réticulaire », cf. infra chapitre XII, p. 642.
×L'expression est très contournée en latin.