Livre VII
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et qu'elle remplit pour elles la même fonction que les autres glandes lorsqu'elles assurent et supportent la distribution et la division des vaisseaux.Les canaux sortant de la glande. De chaque côté de cette glande, deux canauxnn C,D et E,F, fig. 18. descendent vers le bas[493] ; l'un d'eux progresse vers l'avant et se termine dans le foramenoo G, fig. 1 et 3, chap. 12, livre I. [fissure orbitaire supérieure] qui offre un passage à la deuxième paire[494] de nerfs crânienspp G, fig. 14.  ; nous avons indiqué que ce foramen est beaucoup plus grand que celui du nerf optique, ceci en contradiction avec les préceptes de Galien. Le deuxième canal descend plus en arrière et passe par un foramen, ou fissure, inégal et âpre [foramen lacerum], adjacent à la partie antérieure et aux côtés du foramenqq X, fig. 2 et 3, chap. 12, livre I.
r o dans la dernière fig. du livre III.
qui fait passer la plus grande brancher de l'artère soporale [carotide interne] dans la cavité crânienne.Description de la fonction et de la construction des parties servant à purger la pituite nommées jusqu'ici. Tous ces organes servent à évacuer la pituite du cerveau ; ce sont principalement les deux canaux susdits[495], creusés dans la substance cérébrale, qui conduisent cette humeur en-dehors des ventricules cérébraux[496] et lui permettent de s'écouler dans l'infundibulum. Ce dernier est construit avec une large ouverture en haut, pas seulement en vue de ces [deux] canaux qui se terminent en un seul orifice, mais aussi afin de contenir les terminaisons des ventricules [latéraux] droit et gauche[497] : nous avons déjà mentionné que celles-ci s'incurvent de l'arrière vers l'avant et vers le bas, entre les circonvolutions cérébrales, pour prendre fin à cet endroit, et qu'elles transportent également la pituite hors de son siège dans l'infundibulum. En outre, la cavité de l'infundibulum est suffisamment spacieuse pour que la pituite collectée sur le corps calleuxss L,L, fig. 3.
t M,M, fig. 3.
et dans les sinust [sulci] visibles, comme nous l'avons dit, de chaque côté du corps calleux puisse y tomber, à l'aide de la fine membrane. En effet que cette humeur descende soit de l'avant du corps calleux et voûté comme une arche, soit de l'arrière, elle peut s'écouler sur la fine membrane qui recouvre la base du cerveau, et de là glisser peu à peu dans la cavité de l'infundibulum[498]. Mais l'infundibulum concentre la pituite qu'il reçoit de tous ces canaux en un seul passage étroit, pour la mener finalement par un foramen unique[499] et ouvert pour son seul usage dans la dure-membrane et lui permettre de s'égoutter indemne sur le centre de cette petite glande [hypophyse]. Celle-ci, en supportant la force de l'écoulement à cause d'une certaine accointance de substance, et pour autant que je puisse le conjecturer, en protégeant l'os [sphénoïde], reçoit la pituite et lui permet de s'écouler continuellement peu à peu de partout[500], à travers tous les foramina creusés ici dans la base du crâne aussi bien pour les veines, les artères que pour les nerfs. En effet il n'y a aucun foramen creusé dans l'os pour la pituite en particulier, si ce n'est peut-être la fissure qui entoure l'avant et les côtés du foramen [lacerum] par où passe la plus grande branche de l'artère soporale [carotide interne]. Toutes les inventions de Galien au sujet des foramina comparables aux trous d'une éponge ou d'un crible[501] sont absurdes, puisqu'aucun petit foramen de ce genre ne se trouve sous la glande. Je préfèrerais que vous évaluiez et considériez soigneusement cela à partir de la structure de l'os sphénoïdeu,u fig. 8, chap. 6, livre I. et de la consistance visqueuse et de la substance de l'humeur qui s'écoule[502], plutôt que d'examiner la chose superficiellement en vous fiant aux seules opinions des auteurs et de m'accuser d'impiété[503], comme si je venais ici apporter le trouble dans les enseignements de Galien et de tous les professeurs d'anatomie que j'ai lus, alors qu'ils s'imaginent qu'ils vont accroître notre admiration pour le Créateur ! Ils ne se rendent pas compte que si Dieu avait créé cet os de la façon qu'ils imaginent à tort, combien il eût été imprévoyant! De fait il a pensé qu'il fallait créer ici un os continu afin que la pituite ne puisse aucunement l'endommager ; il avait d'autant moins l'intention de le percer de foramina (comme ils l'imaginent) que cette partie du crâne est déjà percée d'un grand nombre de foramina pour les veines, les artères et les nerfs et que l'os sphénoïde lui-même, dans la région [selle turcique] où la petite glande repose, présente à l'intérieurxx C,D, fig. 8, chap. 6, livre I. deux grandes dépressions notables [sinus du sphénoïde] qui s'ouvrent chacune dans la cavité nasale par un foramen [ostium de chaque sinus sphénoïdal], comme nous l'avons enseigné dans le premier livre[504] ; et si ces dépressions ne se présentent pas (comme nous l'avons quelquefois constaté en disséquant), alors l'os apparaît compact comme le calcaneum ou le talus, ce qui suffit à démontrer que la pituite ne peut en aucun cas s'écouler à travers de petits foramina ou de petites cavités de cet os[505]. Elle s'écoule donc dans le palais à travers des foramina qui font face à ce dernier, en grande partie à travers le foramen [fissure orbitaire supérieure] de la deuxième paire de nerfs [nerf oculo-moteur III] vers la racine [apex] de l'orbite oculaire, et de là dans la cavité nasale, à travers un vasteyy à rechercher sous la lettre φ dans chap. 12 [=fig. 4, chap. 6], livre I. foramen[506] inconnu des autres professeurs d'anatomie, et à travers un très grand nombre d'autres foramina. Je suis certain qu'ici aussi l'on va s'étonner que je n'aie encore mentionné aucun canal transportant la pituite vers les sinusaa D,G et D,G, fig. 13.
z L,L, fig. 13.
des organes olfactifsz : il n'y a pas d'autre cause à cela que le fait que j'ai affirmé qu'il n'y a pas de pituite purgée à travers ces sinus. Je pourrais m'étonner davantage que d'autres ne rougissent pas d'écrire effrontément que la pituite est conduite dans les narines à partir des ventricules antérieurs du cerveaubb D,D et E,E, fig. 6. à travers ces processus cérébraux fins comme des nerfs que nous attribuons aux organes olfactifs, alors que la pituite ne passe pas dans ces processus et que chez les hommes, ils sont trop fins pour lui fournir un passage[507]. Ajoutez à cela qu'on ne peut imaginer de canal conduisant la pituite vers les sinus des organes olfactifs, sinon peut-être la partie antérieure du corps calleuxcc L inférieur, fig. 3., qui pourrait transporter la pituite qui s'est écoulée sur elle, et peut-être quand le cerveau est tourmenté par un excès de pituite : dans ce cas la pituite ne s'écoule plus à travers les narines de manière naturelle, mais il y a prurit, fièvre, douleur, diminution de l'odorat et autres accidents de ce genre en grand nombre, comme

×Vésale se réfère ici à l’observation d'un crâne sec, fissure orbitaire supérieure et foramen lacerum étant invisibles dure-mère en place.
×Il s'agit du nerf oculo-moteur (III) dont la distribution aux muscles oculo-moteurs est la plus large.
×S'agissant des « canaux […] creusés dans la substance cérébrale », il ne peut s'agir que de ceux décrits p. 640. Cf. à ce sujet la note 484.
×Cette phrase impose de faire de cette « humeur » le liquide cérébro-spinal.
×Cette erreur anatomique est signalée par Ch. Singer, Vesalius on the human brain, London, New York, Toronto, Oxford University Press, 1952, p. 82, note 82 : il n'y a en effet aucun passage entre les cornes inférieures des ventricules latéraux et l'infundibulum dont elles sont distantes. Mais en fait Vésale ne nomme pas « infundibulum » ce qu'entendent les modernes - c'est-à-dire l'extrémité la plus basse du plancher du troisième ventricule se terminant par la tige pituitaire - mais le « bassin » comme il l'indique d'ailleurs à la seizième figure (« le bassin ou infundibulum »). Il s'agit donc de cet entonnoir arachnoïdien servant de vase de recueil à la pituite. Cette hypothèse est corroborée par la quatorzième figure (cf. note 486), mais aussi les quinzième (légende E) et seizième (légende B) où ce « bassin ou infundibulum » est largement évasé. Pour Vésale, cet infundibulum est donc le collecteur final du liquide cérébro-spinal. Concernant la corne inférieure (temporale) de chaque ventricule latéral, on ne peut que supposer que Vésale ait ouvert facilement la fissure choroïdienne à ce niveau, passant alors un instrument de l'espace intraventriculaire (temporal) à l'espace sous-arachnoïdien à proximité justement du plancher du troisième ventricule, donc de cet entonnoir, et en ait déduit que le liquide cérébro-spinal faisait de même. Son erreur, guidée par le souci de faire converger la pituite dans ce « bassin », est liée au fait que cette fissure, étanche, se laisse ouvrir aisément à la dissection.
×Selon Vésale donc, tous les espaces sous-arachnoïdiens convergent vers ce « bassin ». On notera toutefois qu'il ne fait état ici que des espaces sous-arachnoïdiens supra tentoriels. Rappelons que p. 639 Vésale avait déjà statué sur le sort du liquide cérébrospinal du quatrième ventricule en disant que « l'esprit animal [pouvait] s'écouler sans interruption dans la moelle spinale » (cf. aussi note 477). Finalement, entre la pituite que « tous ces organes servent à évacuer […] du cerveau » (première phrase de ce chapitre dont le titre parle même de « purge ») et l'esprit animal qui s'écoule, sa conception de la fonction de ce liquide reste difficile à comprendre (cf. infra note 502).
×Diaphragme sellaire (cf. p. 626 : Les foramina de la dure-membrane, et note 486).
×Vésale semble attribuer à l'hypophyse une fonction de régulation de pression du liquide cérébrospinal, évitant à celui-ci de traverser le sphénoïde tout en assurant aussi son évacuation continue et diffuse. Reste que cette évacuation diffuse à travers tous les foramina de la base du crâne laisse perplexe. En effet, alors que Vésale a su décrire précisément la dure-mère et ses rapports osseux et finalement approcher la notion d'espace sous-arachnoïdien, il livre là une vision très hypothétique de la circulation de ce liquide, d'autant que tous les foramina de l'étage moyen de la base du crâne (fissure orbitaire supérieure, foramina lacerum, rond, ovale et épineux) sont tapissés de dure-mère et de ce fait infranchissables par un liquide situé au sein des espaces ventriculaires et sous arachnoïdiens. Cf. aussi p. 622 note 203.
×Cf. Fabrica I, 6.
×On voit ici la difficulté qu'a Vésale de se dégager de conceptions physiologiques antérieures qu'il condamne cependant, difficulté qui le conduit finalement à des démonstrations parfois peu convaincantes. Ainsi il a noté la nature visqueuse de l'humeur qui peut s'écouler du sphénoïde, ce qui est contradictoire avec l'hypothèse faisant de la pituite le liquide cérébro-spinal (cf. note 496). Indiquant plus loin, et à juste titre, que les sinus sphénoïdaux s'ouvrent dans la cavité nasale, il fait ainsi des sécrétions visqueuses du nez issues du sphénoïde une humeur de facto distincte de la pituite en s'appuyant sur le fait que, justement, cette dernière ne traverse pas le corps du sphénoïde puisqu'il ne comporte aucun foramen à cet effet. Il nie plus loin aussi (et à juste titre encore) le passage de la pituite vers les « sinus des organes olfactifs », donc à travers la lame criblée de l'ethmoïde (cf. aussi note 507), sauf en cas d'excès, associé alors à des phénomènes inflammatoires. Vésale distingue donc un écoulement naturel et (à tort) divers autres types d'écoulements pathologiques (cf. Fabrica I, chapitre 12, p. 51 comportant une référence directe à ce passage du livre VII). À partir de cette longue démonstration on peut faire finalement l'hypothèse que Vésale imagine le liquide cérébrospinal comme diffusant hors du crâne via la fissure orbitaire supérieure, le foramen lacerum notamment (en cela il se trompe, cf. note 500) mais aussi via le foramen magnum pour transmettre in fine l'esprit animal vers les artères, veines et nerfs crâniens d'une part et la moelle spinale d'autre part, et ce de façon équilibrée comme il le suggère à la fin de ce chapitre (p. 642).
×Au sens d'irrespect.
×Cf. Fabrica I, 12.
×La conclusion est amenée par la longue démonstration ironique de ce passage très difficile (la phrase dense s'y s'étire sur plus de douze lignes) ; dans pareil cas, W. F. Richardson and J. B. Carman ont tendance à intervenir dans la traduction en glosant quelque peu le texte (On the fabric of the human body VI, San Francisco, Norman Publishing, 2009, p. 214). Ceci pose encore la question des limites dans la traduction des textes scientifiques anciens.
×Il est impossible de certifier ce que Vésale entend par « vaste foramen »., peut-être le foramen lacerum
×Notons à ce sujet une certaine ambiguité : les petits foramina de la lame criblée de l'ethmoïde sont trop fins pour le passage de la pituite, mais assez fins pour être traversés par l'air au cours de la respiration (chapitre Brève énumération des fonctions et des parties du cerveau, page 622, et note 203).