Livre VII
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nous en faisons l'expérience chaque jour dans les catarrhes qui se portent au sommet des narines et que nous appelons coryzas[508]. Si nous examinons chacune de ces choses en détail, nous devrons nécessairement admettre que la pituite ne s'écoule nullement à travers les sinus ou foramina des organes olfactifs, ni à travers des foramina semblables aux trous dans un crible ou dans une éponge, lorsque l'homme est réglé par la loi de la Nature ; mais si par hasard cet écoulement existe, nous concèderons que ce flux n'est pas moins contre nature que lorsque les foramina creusés sur les côtés de la glande [hypophyse] ne sont pas capables de transmettre toute la pituite et qu'une partie de cette pituite s'écoule vers le foramen [foramen magnum]dd d'où provient H dans la fig. 9. préparé pour la transmission de la moelle spinale : en s'écoulant avec la moelle spinale, la pituite atteint alors le rachis, puis, en suivant les nerfs, les bras, les jambes, les muscles des lombes, n'importe où... Je préfère me taire maintenant car il faudrait sévèrement blâmer la Nature si elle avait fait des canaux si ouverts et si amples dans la cavité crânienne, quand la pituite est encore fine et aqueuse, alors qu'elle les a faits si sinueux, étroits et incurvés dans le huitième osee A,B,A, fig. 8, chap. 6, livre I.
[sans appel de note] regardez ici fig. 16 et 17 (les deux figures de cette dernière).
[ethmoïde] de la tête[509].

Chapitre XII. Les plexus du cerveau dont l'un, croit-on, est semblable à un filet, l'autre aux secondines

La figure du quatorzième chapitre du troisième livre convient parfaitement, ainsi que les lettres O O, dans la quatrième et la cinquième figures de ce livre ci, M, N dans la sixième figure et l'ensemble des seizième et dix-septième figures.

Combien de choses ont été attribuées à Galien, de loin le Maître des professeurs d'anatomie, par les médecins et les anatomistes qui lui ont succédé, et cela quelquefois plus que de raison : en témoigne ce sacré et merveilleux plexus réticulaire[510] ! Galien l'enseigne partout dans ses livres, les médecins n'ont que ce mot aux lèvres, même s'ils ne l'ont jamais vu (pour ainsi dire jamais dans le corps humain) et le décrivent en se référant à l'opinion de Galien. Mais pour ne pas parler des autres, je ne pourrai jamais assez m'étonner de ma propre stupidité et de ma crédulité excessive dans les écrits de Galien et des autres anatomistes : mon attachement à Galien me rendait autrefois si peu sûr de moi que je n'aurais jamais osé montrer une tête humaine dans les dissections publiques sans avoir aussi avec moi une tête d'agneau ou de bœuf, pour compenser avec la tête animale ce que je ne pouvais pas trouver chez l'homme, et donner le change aux spectateurs pour ne pas avoir la réputation d'être absolument incapable de découvrir ce fameux plexus dont le nom était connu de tous[511].Dans les livres (de Galien) sur la dissection des veines et des artères. Car les artères soporales [carotides internes] ne forment aucun plexus réticulaire du genre que recense Galien[512]. Elles n'entrent pas dans le foramen qu'il leur attribue et ne se terminent pas dans ce plexus. En fait toute l'artère soporale droiteaa Z, fig. du chap. 12, livre III ; et B qui est divisé en F,G, fig. du chap. 14, livre III. (comme la gauche), au cours de son trajet vers le crâne, n'y pénètre pas indivise par un seul foramen, comme le mentionne Galien, mais lorsque elle arrive à la base du crâne, elle envoie une très grande branche au foramenbb b,c, fig. 2 et 3, chap. 12, livre I.
c c [=e], fig. 1 et 2, chap. 2, livre IV.
d C dans la fig. du chap. 14 du livre III.
du sixièmec nerf crânien[513] ; cette branche en compagnie d'une grande veine [veine jugulaire interne]d qui s'unit à elle, se termine dans le sinus [latéral] droit ou premier sinus de la dure-membrane du cerveau. Ensuite, l'artère soporale n'a aucun foramene e Q, fig. 2 et 3, chap. 12, livre I.
f M, fig. 1 et 2, chap. 2, livre IV.
commun avec laftroisième paire de nerfs[514], mais l'Artisan du monde a montré ici une habileté bien plus grande que Galien ne le pensait : en effet, il a fabriqué pour cette plus grande branche de l'artère soporale [carotide interne] un foramengg X, fig. 2 et 3, chap. 12, livre I. oblique qui s'avance loin dans l'os[515] et il a voulu qu'au cours de ce passage se réalise ce pour quoi Galien avait imaginé la formation du plexus[516] : à savoir que l'esprit vital pût achever sa coction dans les nombreuses circonvolutions et détours de l'artère [carotide interne], et devenir un matériau apte à fabriquer l'esprit animal. Galien a dit que dès sa pénétration dans la cavité crânienne l'artère se divisait en d'innombrables brancheshh comme on le voit dans la fig. 17. qui se plaçaient les unes en face des autres et se mêlaient pour former un plexus semblable à celui que nous voyons lorsqu'un filet de pêche est roulé en tas ou lorsque plusieurs filets sont entassés les uns sur les autres[517]. Il assure que ce plexus se trouve entre l'os et la dure-membrane, une petite partie de dure-membrane qui recouvre l'os s'étendant quelquefois sous le plexus[518]. Ensuite, de même que ce plexus est formé à partir d'un seul vaisseau ou de deux, à condition qu'on imagine une jonction entre le vaisseau droit et le gauche, il atteste que les branches issues de ce plexus se rassemblent progressivement et se terminent à nouveau en deux vaisseaux, correspondant à peu près aux vaisseaux qui étaient dits former le plexus. Combien ces affirmations sont étrangères à toute vérité, et de quelle négligence elles inculpent la Nature, c'est ce que comprendra celui qui aura étudié le trajet réel de cette branche de l'artère soporale [carotide interne] qui pénètre dans le crâne à travers ce foramen oblique dans l'os, comme nous l'avons dit ; bref, il comprendra également combien il est impossible pour des vaisseaux [intracrâniens] gagnant le cerveau d'avoir la même grandeur que ceux qui doivent d'abord perforer le crâne, puisqu'ils envoient de très grandes branchesii r,x,∫ dans la fig. du chap. 14, livre III. sur les côtés de la dure-membrane, et, à travers les foramina [fissure orbitaire supérieure]kk δ dans la fig. du chap. 14, livre III ; O, fig. 4 et 5 et M,N, fig. 6 dans ce livre-ci. de la deuxième paire de nerfs[519], vers les yeux et la cavité nasale, avant d'atteindre la fine membrane du cerveau[520]. Par ailleurs j'ai essayé de décrire le trajet réel de ces vaisseaux dans le troisième livre[521] en expliquant les vaisseaux du cerveau au même titre que les autres veines et artères, et je l'ai fait avec un si grand soin et une si grande vérité

×Sur l'emploi de gravedo en médecine, synonyme de destillatio, fluxus, coryzza, désignant une inflammation des muqueuses des voies respiratoires, cf. Celse, De Medicina IV, 5, 2, Londres, The Loeb classical Library, 1971, t. 1, p. 370.
×La fin du chapitre a été réécrite dans l'édition de 1555, sans changement essentiel pour le contenu.
×L'expression utilisée par Vésale est une traduction littérale du grec δικτυοειδὲς πλέγμα μέγιστον θαῦμa (« plexus très admirable en forme de filet ») de Galien. La traduction du début de ce chapitre par W. F. Richardson & J. B. Carman est très éloignée du texte latin et n'en rend pas l'ironie, en particulier dans l'expression beatus plexus (On the fabric of the human body VI, San Francisco, Norman Publishing, 2009, p. 217). Sur le plexus réticulaire, dit aussi réticulé, ou rete mirabile, cf. Introduction au livre VII, et Fabrica III, p. 310 (=410).
×Une confidence rare qui montre un Vésale encore timide et partagé entre sa dévotion envers Galien et son amour-propre d'anatomiste.
×Vésale avait corrigé le livre De venarum arteriarumque dissectione de Galien, Galeni opera omnia nunc primum in unum corpus redacta, Venetiis, Apud hæredes Lucæantonii Iuntæ Florentini, 1541-1542.
×Probablement le foramen lacerum, cf. Fabrica I, 12, p. 51, légende N : nous avions fait l'hypothèse qu'il s'agit du nerf vague (X) (cf. neuvième figure, note 117). Le foramen ici cité serait donc le foramen jugulaire. Mais la description qui suit semble confondre – voire réunir – le foramen jugulaire traversé par le golfe (bulbe) de la veine jugulaire interne, les nerfs glossopharyngien (IX), vague (X) et accessoire (XI) et le trou carotidien traversé par la carotide interne. On pourrait entendre par l'expression « unie à « (coniuge) une étroite proximité (entre artère carotide interne et veine jugulaire interne) mais le reste de la phrase est incompréhensible car très éloignée de la réalité.
×Nous avions fait l'hypothèse qu'il s'agit du nerf trijumeau (cf. quatorzième figure, note 166).
×Vésale fait ici allusion au segment intrapétreux de la carotide interne qui comporte une courte portion verticale ayant traversé le foramen carotidien, un genou à angle droit puis un segment horizontal dirigé obliquement en avant et en dedans et se terminant au foramen lacerum.
×La syntaxe de ce passage essentiel qui remet en question et nie l'existence du rete mirabile chez l'homme est particulièrement complexe et difficile. Vésale ne nie cependant pas la transformation de l'esprit vital en esprit animal, mais considère qu'elle se fait dans les ventricules (plexus choroïdes).
×Cf. Galien, De usu partium IX, 4.
×Les seuls éléments vasculaires au niveau de l'étage moyen de la base du crâne, situés entre dure-mère ostéopériostée et dure-mère encéphalique (cf. p. 627 note 280), sont des lacs veineux parmi lesquels le sinus caverneux est plus large et constant (cf. p. 621 note 185).
×Nerf oculomoteur (III) (cf. douzième figure p. 617 et note 144).
×Phrase très longue, mêlant exclamations et interrogations indirectes, qui signifie qu'une artère telle l'artère carotide interne ne peut conserver son calibre d'origine lorsqu'elle se distribue au cerveau puisqu'elle aura déjà donné naissance à des artères méningées, orbitaires, faciales. Si la carotide interne donne en effet naissance à l'artère ophtalmique à destinée orbitaire, les artères méningées et faciales sont issues de la carotide externe. Cf. Fabrica III, 12, p. 301 (=401).
×Cf. Fabrica III, 14.