Livre VII
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que cette description n'est plus nécessaire ici ; mais si le lecteur a oublié ce que j'ai exposé dans ce chapitre, je l'y renvoie et je l'engage à le lire attentivement et à se persuader qu'il est tout entier en situation ici. En outre, comme j'ai décrit à cet endoit un rameau de la branche de l'artère soporale [carotide interne], j'ai déjà examiné au même endroit la nature du plexus que nous comparons à la dernière enveloppe du fœtus [chroroïde]. Il ne me reste à présent qu'à exhorter vivement les étudiants qui n'ont pas assisté à mes dissections les deux dernières années, à faire une autopsie[522] : qu'ils aient ce conseil à l'esprit en examinant soigneusement la description de la fabrique du corps humain par Galien et par moi-même, et qu'à l'avenir ils fassent moins confiance aux livres des Anatomistes[523]. J'ai brièvement mentionné de nouveau les plexus du cerveau ici pour qu'on ne pense pas que j'aie omis quoi que ce soit sur la structure du cerveau dans ce livre. Et pour éviter ce reproche, je vais maintenant aborder les organes des sens un par un et dans l'ordre.

Chapitre XIII. L'organe de l'odorat[524]

La structure de l'organe de l'odorat a été nécessairement décrite dans le troisième chapitre du quatrième livre dans l'examen des trajets des nerfs ; je pensais que j'enseignerais dans ce chapitre-ci quelque chose de plus certain à son sujet que je ne pouvais le faire en décrivant simplement sa construction[525]. Mais puisque aucune certitude nouvelle ne s'est présentée à moi bien que j'aie examiné l'organe olfactif avec beaucoup de soin, je ne pourrais que joindre ce chapitre-ci à celui-là. De fait, en plus des deux processusaa C,D, fig. 12 ; L,L, fig. 13. cérébraux [ensemble tractus et bulbe olfactifs] semblables à des nerfs qui se dirigent dans les sinus du huitième osbb A,B,A, fig. 8, chap. 6, livre I. de la tête [ethmoïde], dans les sinus de l'os frontalcc K, fig. 3 et 4, chap. 12, livre I.
d D,D et G,G, fig. 13.
et dans la substance qu'ils contiennent, je pourrais rappeler ici lesd foramina[526] de la dure-membrane du cerveau au même titre que ceux des os. Car je ne désirerais pas développer ici un propos concernant les odeurs, les intermédiaires de ce sens et le juste équilibre [des sensations][527], de crainte que cet essai, déjà plus long que je ne l'avais prévu, ne prenne des dimensions excessives.

Chapitre XIV. L'oeil, organe de la vue

[Illustrations]

Première figure du quatorzième chapitre.

Cette figure, la première de celles préposées à ce chapitre, représente une des deux moitiés d'un œil ; une seule coupe a été faite de l'avant à l'arrière, pour diviser également le nerf optique, comme si on avait dessiné la moitié d'un oignon coupé en deux sur sa longueur, en montrant la surface par laquelle cette moitié avait été attachée à l'autre moitié et était continue avec elle. C'est de cette manière que nous représentons habituellement les cieux et les quatre éléments sur une figure plane[528].

AHumeur cristalline [cristallin][529].
BTunique [cristalloïde ou capsule du cristallin] recouvrant la partie antérieure de l'humeur cristalline ; elle est transparente comme une très fine pellicule d'oignon.
CHumeur vitrée [corps vitré].
DSubstance du nerf optique.
ETunique [rétine] que nous comparons à un filet, formée par la substance du nerf optique qui s'est dissoute[530].
FPortion de la fine membrane du cerveau, recouvrant le nerf optique [lepto-méninges engainant le nerf optique][531].
GTunique de l'uvée dans laquelle se perd la fine membrane recouvrant le nerf optique[532]
HDans cette aire[533], l'uvée est comprimée à l'arrière, et ne touche pas la tunique cornée qui l'entoure sur sa périphérie.
IForamen qui perfore l'uvée [iris] ; pupille.
KTunique [corps ou procès ciliaire] originaire de l'uvée, ressemblant aux cils ou aux poils des paupières ; c'est aussi l'espace entre l'humeur vitrée et l'humeur aqueuse.
×Le nom, écrit en caractères grecs dans le texte latin, a bien ici le sens premier de regarder par soi-même.
×Il faut comprendre « les livres des autres anatomistes ». Telle quelle, la remarque ne manque pas d'humour !
×Ch. Singer, Vesalius on the human brain, London, New York, Toronto, Oxford University Press, 1952, p. 60, signale qu'il ne traduit pas les chapitres 13 à 17 parce qu'il les juge d'emblée sans intérêt ou qu'ils ont déjà été examinés dans les livres précédents, comme les organes olfactifs (livre IV de la Fabrica).
×Aveu de modestie sur le plan scientifique et reconnaissance du demi-échec de l'étude physiologique qui n'a rien apporté de plus que l'anatomie descriptive.
×Petits orifices duraux de la lame criblée de l’ethmoïde (cf. aussi p. 622 note 203).
×La notion de temperies renvoie à la théorie aristotélicienne du « juste équilibre ». Vésale fait référence au De anima d'Aristote, 431b21, où l'air et l'eau (aer et aqua) sont considérés comme les « milieux » ou les intermédiaires qui reçoivent la forme du sensible et la transmettent ; ce thème est également développé dans Histoire des Animaux IV, 8, à propos du sens olfactif chez les poissons. Sur la notion d'intermédiaire (μεταξὺ) ou de la médiation dans la théorie du sensible chez Aristote, cf. E. Alloa, « Metaxu »Revue de métaphysique et de morale, 2009 (2), n° 62, p. 247-262.
×Allusion aux planisphères utilisés pour l'enseignement universitaire de l'astronomie et de la médecine au Moyen Âge, mettant en relation l'homme et l'univers, le microcosme et le macrocosme, cf. par exemple, la carte céleste précédant le chapitre De principiis astronomiæ de la Margarita philosophica de Gregor Reisch, n. p., Fribourg, (éd. consultée 1508), traité usuel au Castrense de Louvain et cité par Vésale p. 623 de la Fabrica. La figure de l'oeil chez Vésale, avec le cristallin au centre, rappelle ces cartes géocentriques où la terre est entourée de cercles concentriques (cf. deux cartes du ciel, datant du XIIIe siècle, peintes sur une paroi d'une galerie de la basilique Saint-Sernin à Toulouse (France). Il pouvait en avoir vu dans l'atelier de son ami Gemma Frisius, où Gérard Mercator (1512-1594) avait réalisé en 1541 un globe terrestre dédié au cardinal Antoine Perrenot de Granvelle et travaillait à graver son pendant, un globe céleste qu'il n'acheva qu'en 1551. Cf. A. Van der der Gucht, Le cartographe Gérard Mercator (1512-1594), Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, 1994, p. 139-150.
×On notera la position trop centrale du cristallin (comme sur les figures suivantes), éloigné de la pupille, alors qu'il reste attaché au corps ciliaire par ses formations ligamentaires (zonule ciliaire), même chez le cadavre. Une telle discordance entre image et réalité (tandis que la description des structures est par ailleurs très fine) pose le problème de l'inadéquation entre observations de Vésale et travail de l'artiste : des dessins préparatoires de Vésale erronés ou une relecture trop rapide de sa part des planches exécutées ? Ou encore l'influence des représentations iconographiques antérieures, telle celle qui illustre l'organe de la vision dans le Livre X, 2e Traité (n. p.) de la Margarita Philosophica de Gregor Reisch (cf. note précédente).
×Cette observation très fine fait partie de celles qui font se poser la question de l'utilisation de moyens de magnification optique. Mais Vésale a pu la faire sur un œil de bœuf comme il le suggère dans le chapitre Procédure pour disséquer l'oeil (p. 655).
×Même remarque qu'en note précédente. Compte tenu de la légende G (cf. note suivante), des deux lepto-méninges que Vésale réunit toujours sous le vocable « fine membrane », il est très probable qu'il s'agisse ici de la pie-mère, la gaine arachnoïdienne s'interrompant à la tête du nerf optique. Une telle constatation impose l'extraction en bloc du nerf optique et de sa gaine durale puis l'ouverture longitudinale de celle-ci ce sur un cadavre très frais. Une coupe du nerf optique perpendiculaire à son axe rendrait plus difficile l'identification de cette lepto-méninge.
×La choroïde (formant l'uvée avec le corps ciliaire et l'iris) prolonge en effet la pie-mère qui engaine le nerf optique et entoure la rétine.
×Il s'agit de la chambre postérieure de l'oeil, trop large ici (cf. note 529).