Livre VII
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et que nous voyons s'enrouler sur les cannes en fer avec lesquelles les artisans le retirent du four[563]. Donc cette humeur se rapproche du verre en fusion par la consistance, mais pas par la couleur ni par la clarté, car, comme je l'ai déjà dit, sa clarté ressemble à celle du verre refroidi, alors que nous voyons que le verre en fusion est de la même couleur que du fer incandescent[564]. Puisque cette humeur ressemble au verre en fusion par sa consistance, mais au verre refroidi et déjà mis en forme par sa clarté, elle est appelée à bon droit hyaloeides par les Grecs et par nous « humeur vitrée » [corps vitré]. Cette humeur excède très souvent la quantité d'humeur cristalline : car quand elle est encore dans l'oeil, elle ressemble à un hémisphère dont la surface plane regarde l'avant de l'oeil, tandis que la partie arrondie ou convexe est saillante à l'arrière. Au milieu de cette surface antérieure ou plane, il y a une dépressionff S, fig. 4. aussi grande que la partie postérieure de l'humeur cristalline. Celle-ci s'enfonce dans l'humeur vitrée [corps vitré] à la manière d'une boule qu'on verrait flotter sur l'eau, avec exactement une moitié immergée dans l'eau, et l'autre moitié au-dessus de la surface de l'eau ; et de même que rien ne s'interpose entre cette boule et l'eau, de même rien ne s'intercale entre l'humeur cristalline et l'humeur vitrée. Et elles ne sont pas jointes l'une à l'autre plus qu'une boule enserrée dans un potage épais [ne lui est joint][565]. En outre, le reste de la partie antérieure de l'humeur vitrée qui n'est pas occupée par l'humeur cristalline, est recouvert par une espèce de membranegg K, fig. 1 ; et aussi fig. 11 et 12. que je décrirai en son temps : elle est semblable aux cils c'est-à-dire aux poils des paupières [corps ciliaire], et j'enseignerai qu'elle est attachée comme une ligne circulaire à la périphérie de l'humeur cristalline, là où celle-ci est la plus épaissei.i dans la fig. 12, h,h sont unis à i.
k E, fig. 1 ; toute la fig. 13. I provient de G dans les fig. 1 et 2, chap. 2, livre IV.
Enveloppe de l'oeil provenant de la substance du nerf optique qui s'est dissoute ; elle est comparable à un filet [rétine]. Mais je dois maintenant décrire l'enveloppek de l'oeil, qui enferme la partie postérieure de l'humeur vitrée à laquelle elle est adjacente et qui a été décrite dans le quatrième livre comme étant formée par la substance du nerf optique. De fait, le nerf optiquel,l α avec β , γ,δ dans la fig. 17 ou E avec F et l dans la fig. 1. accompagné par les membranes du cerveau et par plusieurs veines et artères, se porte à l'arrière de l'oeil, où il s'insère quelque peu sur le côté externe de l'oeil, après diffusion de sa substance dans l'enveloppe que je vais maintenant décrire. Donc la fine membrane[566] recouvrant la substance du nerf dégénère dans une tuniquemm G, fig. 1 ; et fig. 14 et 15 dans leur ensemble. oculaire, appelée uvée, la dure membrane dégénère dans une autre tunique appelée la dure tunique [sclérotique]nn M, fig. 1 ; et fig. 16 et 17 dans leur ensemble. et les veines et les artères (ainsi que je les décrirai dans l'ordre) entrent aussi dans la structure de l'oeil. Dès que la substance du nerf optique s'enfonce dans l'oeil, elle s'amollit et s'étale en largeur en une espèce d'enveloppe recouvrant l'arrière de l'humeur vitrée [corps vitré], mais elle s'arrête au milieu de l'oeil[567] ; elle est entrelacée de veinules et d'artérioles extrêmement fines mais cependant bien visibles. Ces veinules s'étendent vers l'avant à partir de la racine de la tunique, dès que le nerf s'élargit. Dans le dixième livre de l'Utilité des parties, Galien assure que chez la plupart des auteurs cette enveloppe ne mérite pas le nom de tunique, peut-être parce qu'elle n'est pas membraneuse comme toutes les autres tuniques, mais parce qu'elle est molle et semblable au mucus qui sort des narines ; en effet quand ceux qui dissèquent collectent cette enveloppe et la laissent pendre à partir de sa racine, elle ressemble au mucus ou à la substance du cerveau diluée avec de l'eau, mais elle n'est pas aussi aussi solide ni aussi épaisse que la substance du cerveau [cortex]. Quoi qu'il en soit, qu'on doive lui donner le nom de tunique ou pas, une chose est certaine : Galien l'a aussi appelée tunique dans ses livres sur les Doctrines d'Hippocrate et de Platon, et dans le huitième livre de l'Utilité des parties. J'ignore quel nom lui conviendrait mieux que ceux d'enveloppe ou de tunique ; puisque, comme nous l'avons dit, elle recouvre toute la partie postérieure de l'humeur vitrée à laquelle elle est adjacente et qu'elle la recouvre de la même manière qu'après avoir cassé un œuf en deux et en gardant en main chaque moitié de l'oeuf encore plein, nous pourrions dire que la fine pellicule de l'oeuf enveloppe le blanc de l'oeuf. On peut en effet comparer la forme de cette enveloppe à la moitié d'un œuf ou à un petit filet de pêche attaché au bout d'une perche, qui se termine en angle obtus à partir de sa base arrondie en forme d'hémisphère. Je pense que c'est à partir de la ressemblance avec un filet de ce genre que les Grecs ont nommé cette enveloppe amphiblestroeides [« en forme de filet »], car si elle a la forme d'un filet, elle n'en a pas le maillage, puisqu'elle est continue. À moins qu'on ne veuille comparer aux mailles d'un filet les veinules et les petites artères qui s'y entrelacent. Jusqu'à présent j'ai donc examiné quatre parties dans l'oeil, à savoir deux humeurs et autant de tuniques : je vais maintenant aborder la tuniqueoo G provenant de F dans la fig. 1 ; fig. 14 et 15 dans leur ensemble. issue de la fine membrane qui accompagne la substance du nerf optique.La tunique issue de la fine membrane du cerveau et nommée uvée. Dès que cette membrane pénètre l'oeil en même temps que le nerf optique, elle dégénère en une tunique [uvée] qui s'étend vers toutes les parties de l'oeil, pour ainsi dire en forme de globe. En effet elle n'occupe pas seulement la partie postérieure de l'oeil, comme le fait la tunique issue de la substance du nerf et précédemment décrite [rétine], mais elle recouvre également la partie antérieure de l'oeil ; sur toute la partie postérieure de l'oeil elle est adjacente à la tunique produite par la substance du nerf, sans aucun corps intermédiaire entre elles ; et elles ne sont pas jointes par un autre lien que leur contact mutuel. Là où elle recouvre la partie antérieure de l'oeil, la surface interne de cette tunique [uvée] formée par la fine membrane est partout contiguë et adjacente à l'humeurpp O,O, fig. 1 et 7 ; b, fig. 8. appelée humeur aqueuse et albugineuse, comme vous l'apprendrez bientôt. Mais la surface externe de cette tunique est entièrement couverte[568]par la tunique [sclérotique]qq M provenant de L dans la fig. 1 ou fig. 16 et 17. provenant de la dure-membrane qui recouvre le nerf optique, comme je le dirai : rien ne se trouve entre les deux tuniques, mais elles sont jointes l'une à l'autre de la même manière que la dure-membrane entoure la fine dans la progression du nerf optique vers l'oeil. La tunique produite par la fine membrane a de particulier le fait de ne pas avoir une forme sphérique parfaite, mais

×Des témoignages de visu comme ici (cernimus) montrent la curiosité et l'intérêt de Vésale pour les techniques et les métiers de son époque : il en connaît les gestes et souvent le vocabulaire. Vésale a pu apprécier le savoir-faire verrier de Venise alors son apogée avec ses productions raffinées (verre blanc de lait ou lattimo, verre limpide comparable au cristal de roche ou cristalo). Sur l'histoire des techniques de fabrication du verre, nous renvoyons à l'exposition commentée Les voyages du verre, réalisation des Musées des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée. Lorsque l'artisan a insufflé de l'air dans la masse vitreuse encore à l'état visqueux en soufflant dans la canne creuse, et a ébauché la forme en effectuant des mouvements de balancier avec la canne, l'objet façonné est détaché et remis dans un four à recuire qui permet un refroidissement progressif afin d'éviter que le verre n'éclate.
×La température d'un four de verrier dépassant rarement 1600 degrés, la comparaison avec le fer chauffé ne se justifie que dans le cas du fer chauffé à rouge et non pas à blanc (5000 degrés).
×Vésale développe ici la description de l'oeil faite par Galien, De usu partium X, 2 et X, 6, et imagine, comme Galien, une communication entre le corps vitré et le cristallin qui s'enchâtonne en quelque sorte dans la surface plane du corps vitré. La comparaison semble empruntée à la vie quotidienne, peut-être une soupe ou une bouillie épaisse sur laquelle surnagerait un objet sphérique (fruit ? cuillère?). Cette comparaison correspond aux figures IV, V et VI de la page 644.
×Gaine arachnoïdienne du nerf optique (cf. note 547).
×Cf. p. 645 note 544.
×Erreur rare de syntaxe : verbe au pluriel et sujet au singulier. La correction (obducitur) est faite dans l'édition de 1555, p. 803.