Livre VII
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[731]que l'animal puisse cependant respirer librement. Mais avant que l'animal ne soit enchaîné de cette manière, j'ai l'habitude de rappeler aux spectateurs déjà suffisamment versés dans l'anatomie des cadavres[732] ce qu'il faudra principalement observer dans la présente vivisection, pour éviter qu'une trop longue explication contrarie le travail dans la dissection et m'oblige à l'interrompre.Examen des nerfs récurrents et de la suppression de la voix par leur section. Donc avec un rasoir aiguisé je fais une longue incision dans le cou à travers la peau et les muscles sousjacents jusqu'à la trachée, en veillant à ne pas faire dévier l'incision sur le côté avec le risque d'endommager une veine importante. Ensuite, je saisis la trachée avec les mains, et avec les doigts j'enlève les muscles qui la recouvrent et je recherche attentivement les artères soporales [carotides internes] qui se trouvent de chaque côté ainsi que les nerfs de la sixième paire [nerf vague] de nerfs crâniens qui s'étendent à cet endroit, et ensuite j'observe les nerfs récurrents[733] qui naissent à côté de la trachée ; parfois je les ligature, parfois je les coupe, d'abord sur un côté, afin qu'on puisse clairement observer comment la voix disparaît partiellement quand ce nerf a été ligaturé ou coupé à cet endroit, [sans appel de note] si vous le désirez, regardez la figure placée au chap. 9, livre IV. et comment elle disparaît complètement quand les deux nerfs[734] ont été blessés par le lacet, et comment elle revient si je relâche les lacets. Cela peut être fait rapidement et sans grand flux de sang, et on entend parfaitement comment l'animal souffle fort, mais sans émettre de son, lorsque les nerfs récurrents ont été coupés. Ensuite, j'en viens à l'abdomen, et à l'aide d'un solide rasoir effilé, je fais une incision semi-circulaire en partant de sous les cartilages des fausses côtes et sous la pointe de l'os de la poitrine [sternum] jusque dans la cavité du péritoine ; j'en fais une autre depuis le milieu de cette incision jusqu'au pubis, ce qui se fait sans difficulté, en enfonçant le couteau ou le rasoir dans la cavité du péritoine ; par ces deux incisions, je peux découvrir les intestins et l'utérus distendu par des fœtus, en veillant soigneusement à ce qu'un assistant expérimenté obture avec le pouce les vaisseauxaa a, table VI des muscles. qui descendent sous l'os de la poitrine [sternum] dans l'abdomen, car ce sont les seuls mentionnés jusqu'ici[735] qui donnent beaucoup de sang.Examen de la fonction du septum transverse [diaphragme]. Ici, j'invite les spectateurs les plus proches de la dissection à venir se rendre compte du mouvement du diaphragmebb Δ, table VII des muscles. en y appliquant la main, et ceux qui sont plus éloignés à observer comment l'estomac et le foie sont pour ainsi dire attirés dans la cavité thoracique puis repoussés. Entretemps, sur un côté du thorax je fais une longue incision jusqu'aux côtes, plus ou moins jusqu'à la région où les côtes se terminent en cartilages,cc entre T et S, table VI des muscles. et ensuite je fais des incisions transversales en longeant les os [des côtes], de manière à les dénuder entièrement des muscles qui les recouvrent ; ensuite, si j'ai jugé bon de poursuivre cette laborieuse opération, dans deux intervalles intercostaux j'enlèverai les muscles intercostaux de la membrane [plèvre costale] qui ceinture les côtes, afin de détacher de cette membrane, à l'aide de mes mains seules, la côte située entre ces deux intervalles ; je pourrai briser ensuite son attache avec son cartilage, et la renverser vers le bas et sur le côté, de manière à faire apparaître l'amplitude de la cavité de cette membrane reliant les côtes, celle-ci étant suffisamment transparente pour qu'on voie le mouvement du poumon.[Examen] des mouvements du poumon. Quand on perfore cette membrane, on voit comment le poumon de ce côté s'affaisse, alors que le thorax continue à se mouvoir comme auparavant. Mais pour que cela soit plus visible, je sépare plusieurs côtes de leur cartilage et je découvre le plus possible ce côté du thoraxdd comme on aurait pu préparer la fig. 1, livre VI. afin que l'on voie facilement à travers les membranes[736] qui divisent le thorax, l'autre poumon, situé dans la cavité thoracique non encore lésée et qui se meut parfaitement avec le thorax ; mais si on perfore ces membranes, on voit que cette partie s'affaisse également immédiatement après que la membrane a été perforée. Maintenant avec un couteau pointu, je fais une seule incision de l'autre côtéee comme on aurait pu préparer la fig. 2, livre VI. pour séparer les os des côtes de leurs cartilages, et je détache le septum transverse [diaphragme] de ces cartilages et de l'os de la poitrine [sternum], de façon à renverser cet os avec les cartilages vers le haut en direction du cou pour que l'enveloppe du cœur devienne visible, après avoir écarté les membranes qui divisent le thorax[737].Examen de l'eau contenue dans l'enveloppe du cœur et examen des mouvements du cœur. Il faut immédiatement ouvrir cette enveloppe à l'aide d'un couteau, et observer quelle quantité d'eau elle contient[738], et comment le cœur se meut. Mais vous ne pourrez pas observer longtemps le mouvement du cœur, sans devoir porter secours à l'animal sur le point de suffoquer à cause de l'affaissement des poumons ; alors[739] vous pourrez examiner à nouveau en détail et aussi longtemps que vous le jugerez utile, le cœur et les artères ainsi que les fœtus contenus dans l'utérus. En effet, jusqu'à présent, le flux de sang a peu gêné l'animal, du moins si un assistant a soigneusement obturé avec le pouce, ou avec l'index et le medium, les vaisseauxff B,C,D,E, fig. 2, livre VI. qui cheminent sous l'os de la poitrine [sternum] et si ce dernier a été renversé vers le haut en direction du cou, car ainsi à cause de l'obliquité [qui leur a été donnée], ces vaisseaux ne répandent presque plus de sang. Il en est de même pour les vaisseaux qui naissent de chacune des côtes[740], quand elles ont été brisées et renversées vers le bas, comme cela se fait habituellement ; et pendant cette opération, vous vous serez efforcés de bien obturer les vaisseaux en obliquant les côtes et en étant attentifs à leur disposition. Dans tous les cas, je n'ai jamais vu un flux de sang faire obstacle dans cette dissection. Mais pour restituer en quelque sorte la vie à l'animal, il faut faire un trou dans la queue de la trachée et y introduire un tube de roseau ou de calame, et y souffler de telle sorte que le poumon se gonfle et qu'il amène en quelque sorte de l'air à l'animal ; en effet, chez l'animal vivant il suffit d'un léger souffle pour que le poumon se gonfle en proportion de l'amplitude de la cavité thoracique, que le cœur reprenne des forces et que les variations dans le mouvement soient parfaites.Examen pour savoir si le cœur et les artères ont le même pouls. Donc, lorsque le poumon a été gonflé plusieurs fois, vous pouvez examiner le mouvement du cœur par la vue et par le toucher autant qu'il vous plaît ; pour cela, saisissez la queue de la grande artère [aorte] entortillée au rachis, soit dans la cavité thoracique soit près des vertèbres lombales[741], et regardez-la en même temps : rien n'est plus manifeste que le rythme des pulsations du cœur et des artères. Quand on l'a observé quelque temps, il faut insuffler le poumon à nouveau : cet artifice, qui est celui que je préfère en Anatomie, donne une grande connaissance des différences de pulsations. En effet, quand le poumon est affaissé et flacide depuis assez longtemps, on voit que le pouls ou le mouvement du cœur et des artères est ondoyant, formiquant et vermiculaire,

×Paginée 658 au lieu de 662.
×Affirmation récurrente : la vivisection est une affaire de spécialistes, réservée à ceux qui ont la maîtrise de la dissection cadavérique. Par ailleurs, Vésale précise bien que l'expérience sera commentée, ce qui suppose un entraînement préalable sans public, car imposant une grande dextérité afin de ne pas abréger trop vite la vie de l'animal.
×Il s'agit du nerf laryngé inférieur (autrefois dit récurrent) qui naît du nerf vague (X) et qui passe sous l'artère sous-clavière droite. Vésale commence par reprendre l'expérience de Galien sur la voix et la respiration (De anatomicis administrationibus VIII, 3-6), cf. le commentaire de ce texte de Galien par A. Debru, Le corps respirant : la pensée physiologique chez Galien, Leiden, Brill, 1996, p. 69-89.
×C'est-à-dire un de chaque côté.
×Il s'agit des artères thoraciques internes (ou artères mammaires internes).
×Il s'agit de la plèvre médiastinale, qui couvre les faces latérales du médiastin (ensemble des tissus et organes séparant les cavités pulmonaires gauche et droite et leurs sacs pleuraux).
×L'opération décrite ici est illustrée dans le cas d'une dissection humaine post-mortem, cf. Fabrica VI, p. 560.
×On ne sait pas à quel liquide physiologique Vésale fait ici allusion. Il pourrait s'agir d'une très faible quantité de liquide présente entre les deux couches feuillets du péricarde.
×Sous-entendre : quand l'animal sera réanimé par la procédure de ventilation décrite plus loin, afin de réduire le pneumothorax bilatéral qui, sinon, serait rapidement létal.
×Pédicule vasculaire intercostal courant sous la face inférieure de chaque côte.
×Cette visualisation de l'aorte oblige à récliner les viscères.