Les Œuvres complètes
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le dernier jour de décembre, trois-quarts d’heure après la cinquième heure du matin. De là vient que l’inscription sur son portrait indique l’âge de vingt-huit ans, tandis qu’on donne l’année 1542 comme celle pendant laquelle son ouvrage fut imprimé, toujours un an avant la date donnée par les imprimeurs[8]. Il reçut le prénom de son père, qui était apothicaire à la cour de Charles Quint. Lui-même fait l’éloge de son grand-père Éverard Vésale, habile mathématicien, qui donna au public des témoignages exemplaires de sa science en ce domaine ; il était si instruit dans les sciences médicales qu’il écrivit de très érudits Commentaires aux livres de Rhazès qui étaient alors entre toutes les mains ; bien plus il écrivit un docte Commentaire sur les quatre premières sections des Aphorismes d’Hippocrate, que notre auteur possédait également[9]. Aussi, la sapience de cet homme devint si célèbre qu’il fut appelé à la cour pour succéder à son père qui, sous le poids des ans, avait quitté cette fonction, et pour remplir l’office d’archiatre auprès de la Sérénissime Marie de Bourgogne-Valais, seule héritière de la famille de Bourgogne, qui avait épousé l’empereur Maximilien[10]. Ces honneurs et ces admirables dons méritent d’autant plus d’être célébrés que sa trente-sixième année lui aura été fatale ! Jean Vésale[11], le père d’Éverard et donc l’aïeul de notre Vésale, survécut plusieurs années à son fils ; il avait été pendant longtemps médecin à la cour de Maximilien à Augsbourg, mais trop avancé en âge, et devenu inapte au travail et au cérémonial de cour, il obtint que son fils Éverard lui succédât à cette dignité. Lui-même se retira à Louvain, dans le secret des Muses, mais considérant qu’il ne devait pas y passer sa vie en silence, il donna des leçons publiques sur l’art médical, et publia de doctes notes sur le quatrième Fen. À cette époque, sa renommée et son autorité dans l’art médical étaient si grandes, que les auteurs les plus érudits de son temps inscrivaient une dédicace à son nom dans les ouvrages qu’ils voulaient publier, avec l’espoir qu’elle leur donnerait du prix. Il constitua une bibliothèque d’ouvrages manuscrits de presque tous les médecins, et il les achetait partout de ses propres deniers. Mais ce qui est plus étonnant encore, lecteur, est le fait que Pierre Vésale, le père de ce Jean Vésale, est également loué comme médecin et était célèbre à son époque. Notre auteur avait un frère cadet, François Vésale, qui mourut bien avant André. Il était si intéressé par l’anatomie et brûlait d’un si grand amour pour l’art sacré de la médecine, qu’il y revint sans cesse, bien qu’il fût contraint de se mettre au droit sur l’ordre de ses parents. Mais, après de nombreux voyages à travers différentes régions de la terre, il espérait qu’un jour enfin il pourrait prendre place aux côtés de son frère et réfuter les allégations que ses adversaires avaient portées contre lui en 1555, quand André qui était éloigné de ses études et menait une vie de courtisan, manquait cruellement de loisir pour repousser les accusations acerbes lancées contre lui de toutes parts. C’est ainsi que le culte de la médecine paraît avoir été lié à la racine des Vésale, tout comme les hommes de l’antiquité disaient qu’autrefois la médecine s’était établie dans la famille des Asclépiades.

×La lettre que Vésale envoie à Oporinus en août 1542 semble indiquer que l’impression n’a pas encore commencé, dans J. Vons et S. Velut, La Fabrique de Vésale et autres textes, « Pièces liminaires », www.biusante.parisdescartes.fr/vesale/?e=1&p1=00009&a1=f&v1=00302_1543x00&c1=4.
×Sur Éverard van Wesele (1436 ?-1485 ?), cf. Lettre sur la racine de Chine (Epistola, rationem modumque propinandi radicis Chynae decocti…), Bâle, Ioannes Oporinus, 1546, p. 197 ; J. Vons et S. Velut, Résumé des sept livres de la fabrique du corps humain, Paris, Les belles lettres, 2008, p. X.
×Le royaume de Bourgogne transjurane comprenait l'Helvétie, le Valais, Genève, la Savoie. Cet héritage passa à la maison d'Autriche, par le mariage de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, avec l'archiduc Maximilien.
×C’est à Johann Von Wesalius ( ?-1476) que l’empereur Frédéric III octroya le blason portant trois belettes d’argent passant rangées en pal sur fond de sable, cf. J. Vons et S. Velut,Résumé, op. cit., p. IX-X.