Parmi les vertébrés passés ou actuels, la quadrupédie est le modèle le plus courant pour soutenir le corps, dont la fonction essentielle est la déambulation. En libérant les membres supérieurs pour d’autres fonctions que le soutien du corps, la bipédie est apparue chez les dinosaures et persiste sur un modèle identique chez les oiseaux. D’autres vertébrés comme les marsupiaux ont une station verticale, mais elle est tripode en ajoutant la queue comme appui. Chez les grands singes, si la position debout est possible elle ne peut être maintenue, car ce n’est pas une vraie position érigée. L’homme est le seul vertébré capable de tenir une position bipède debout érigée permanente. Pour maintenir la station debout contre l’effet de la gravité, le bâti osseux doit offrir le système le plus économique possible afin de minimiser l’énergie musculaire nécessaire à cette lutte. L’homme étant dépourvu de queue, il ne peut utiliser, à l’instar des bipèdes dinosaures ou oiseaux, un système de balancier pour s’équilibrer. En position verticale, Dubousset a montré que les possibilités d’oscillation du corps humain devaient être contenues dans un cône dont le sommet reste dans le polygone d’appui des pieds. Les facteurs clés de l’équilibre sagittal sont : la grande surface d’appui des pieds, l’extension des genoux, la rétroversion du bassin, les courbures rachidiennes et en particulier la lordose lombaire.
Particularités du bassin humain. Positionnement et forme : la fonction de support du bassin des quadrupèdes est limitée, puisque partagée avec les antérieurs. Le bassin est fortement antéversé, la verticalité du plateau sacré qui en découle est favorable à l’orientation horizontale d’une force de propulsion transmise des membres postérieurs, pour induire l’accélération. Chez l’homme le bassin est rétroversé, le plateau sacré est incliné vers l’avant, positionné en arrière des têtes fémorales. Cette disposition permet de lutter contre la gravité en recevant les forces transmises par le rachis sur le plateau sacré en arrière des têtes fémorales, en équilibrant les forces gravitaires passant par les têtes fémorales. Duval-Beaupère en décrivant l’angle d’Incidence Pelvienne (IP) a permis de caractériser l’architecture fonctionnelle du bassin. Cet angle de forme IP est lié aux angles de position Version Pelvienne (VP) et Pente Sacrée (PS) par la relation IP=VP+PS. La très forte variabilité de IP (35° à 85°) a été démontrée ; elle explique les différents morphotypes spino-pelvien. A une faible IP correspondront une faible VP et PS, au contraire, à une forte IP correspondront une forte VP et une forte PS.
La lordose lombaire (LL). Liens avec le bassin. Si anatomiquement la zone lombaire est bien définie par les cinq vertèbres lombaires, du point de vue biomécanique on considère que seules sont en lordose les vertèbres positionnées en extension ce qui permet d’intégrer la notion de cyphose thoraco-lombaire. On sait depuis Stagnara que la LL dépend de l’orientation du plateau sacré. Plus récemment quatre types de lordose ont été décrits en fonction des valeurs de SS et d’IP du fait de la relation qui les lie :
Type 1 : SS<35°, faible IP, lordose courte cyphose thoraco-lombaire
Type 2 : SS<35°, faible IP, lordose longue, faible angulation, dos plat
Type3 : 35°<SS<45°, IP moyenne ou forte, lordose plus galbée, dos »normal
Type 4 : SS>45°, forte IP, lordose plus longue, forte angulation
Aplomb de C7. L’équilibre global du rachis : C7 permet de définir la position de l’extrémité supérieure du rachis thoracique. L’angle spino-sacré (ASS), le tilt de C7, le ratio de distance par rapport aux têtes fémorales et au plateau sacré, sont autant de mesures permettant d’évaluer la position de C7. Celle-ci, extrêmement stable dans une population asymptomatique, est située en arrière du plateau sacré. Tout déplacement vers l’avant signe un déséquilibre global.
Conséquences pathologiques : Tout incident entrainant un fléchissement antérieur du rachis va induire des compensations pour maintenir l’aptitude à la position debout. Deux mécanismes peuvent être mis en jeu : la mise en extension en dessus ou en dessous de la zone cyphosée, ou l’augmentation de la rétroversion pelvienne. En fonction de la valeur d’IP les possibilités de rétroversion sont différentes, une grande IP autorisant plus de rétroversion qu’une petite. Le vieillissement est un exemple de perte de lordose lombaire par discopathies dégénérative avec augmentation de la rétroversion pelvienne. Par ailleurs les différentes formes de dos n’induisent pas les mêmes évolutions dégénératives. Les formes les plus cambrées (Type 1 et 4) induisent plus de stress mécanique sur les articulaires postérieures avec les pathologies et les douleurs qui en découlent (arthrose postérieures, conflit radiculaire par fermeture foraminale, spondylolisthésis). Les formes plates ou en cyphose (Type 1 ou 2) sollicitent plus les disques par hyperpression antérieure et génèrent les discopathies précoces et multi étagées.
Conclusion : La position debout de l’homme est certainement responsable de ses aptitudes particulières au sein du règne animal. Le bassin par son nouveau positionnement, et son éventail de formes caractérisées par l’Incidence Pelvienne est la clé de voûte du système. Il induit des variations de formes du rachis qui suggèrent des aptitudes mécaniques différentes responsables des diverses évolutions pathologiques.
Intervenant : H PASCAL-MOUSSELARD