Introduction: L'évolution d'une cellule humaine vers une cellule tumorale est dépendante de l'acquisition successive d'anomalies leur conférant un avantage de croissance et leur permettant une expansion clonale. Parmi ces anomalies, la capacité d'échapper à la surveillance continue du système immunitaire s'est révélée être indispensable. Pour y aboutir les cellules tumorales ont développé différents mécanismes parmi lesquels l'instauration d'un microenvironnement immunosuppresseur favorisant l'accumulation de cellules immunorégulatrices, telles que les lymphocytes T régulateurs (Treg), et les cellules myeloïdes suppressives (MDSC), ainsi que l'inhibition des fonctions des lymphocytes T CD8+ effecteurs. Cette perte de fonction, appelée "exhaustion ou épuisement", passe notamment par l'expression à leur surface de molécules de co-stimulation inhibitrices telles que PD-1, Tim3, CTLA4 et LAG3. Au sein de ce microenvironnement tumoral, le vascular endothelial growth factor (VEGF)-A a longtemps été étudié pour ses propriétés pro-angiogéniques, aboutissant au développement de traitements anti-angiogéniques. Cependant, le VEGF-A possède également des propriétés immunomodulatrices favorisant l'échappement des cellules tumorales à la surveillance par le système immunitaire (induction de Treg et MDSC). Mais l'action du VEGF-A sur les lymphocytes T CD8+ infiltrant la tumeur, n'est pas connue. Nous avons donc évalué l'implication potentielle de la voie VEGF-A/VEGFR dans l'épuisement des lymphocytes T intratumoraux, en analysant l'expression de molécules de co-stimulation inhibitrices à la surface de ces lymphocytes.
Matériels et Méthodes: In vitro des lymphocytes T CD8+ triés à partir de rate de souris naïves puis activés par de l'anti-CD3, ont été stimulés en présence ou non de VEGF-A. L'expression des molécules de costimulation inhibitrices (PD-1, Tim3, CTLA4, Lag3) a ensuite été analysée. In vivo, des souris porteuses de tumeurs colorectales (CT26) implantées en sous-cutané ou en intra-hépatique ont été traitées par différentes molécules anti-angiogéniques ciblant ou non la voie VEGFA/VEGFR (sunitinib, anti-VEGF-A murin et masitinib). Après traitement, l'expression des mêmes molécules inhibitrices a été étudiée par cytométrie en flux.
Résultats : Après 14 jours de traitements, seules les molécules anti-angiogéniques inhibant la voie VEGF-A/VEGFR (sunitinib et anti-VEGF-A murin) diminuent l'expression de PD-1 à la surface des lymphocytes T CD8+ intratumoraux. L'observation de l'expression des VEGFR sur les lymphocytes T CD8 activés infiltrant la tumeur suggère une action directe du VEGF-A sur les lymphocytes T. In vitro la stimulation des lymphocytes T CD8+ activés par du VEGF-A induit une augmentation de l'expression de PD-1 mais aussi d'autres molécules inhibitrices (Tim3, CTLA4 et LAG3) à la surface de ces lymphocytes T montrant un effet direct du VEGF-A sur l'épuisement des lymphocytes T. In vivo, cet effet est confirmé par la diminution de l'expression de PD-1 mais aussi de Tim3 et de LAG3 à la surface des lymphocytes T infiltrant la tumeur de souris traitées par anti-VEGF-A. De plus, l'association d'un anti-VEGF-A à un anticorps monoclonal anti-PD-1 permet d'obtenir un effet thérapeutique synergique, inhibant la croissance tumorale par apport à un traitement par anti VEGF-A ou anti-PD-1 seul.
Conclusion : Cette étude révèle, pour la première fois à notre connaissance, l'effet direct du VEGF-A produit par la tumeur sur l'expressio des molécules de costimulation inhibitrices à la surface des lymphocytes T CD8+ intratumoraux, suggérant un rôle clé du VEGF-A dans l'épuisement de ces lymphocytes. A la lumière de ces résultats, de nouvelles combinaisons thérapeutiques associant antiangiogéniques et immunothérapie pourraient être envisagées.