La maladie des exostoses multiples (MEM) est une maladie héréditaire à transmission autosomique débutant dans l’enfance. Sa prévalence est estimée à 1/50 000 naissance. Les mutations responsables de la maladie ont été identifiées dans la famille de gènes suppresseurs de tumeurs EXT. L’EXT1 est localisé sur le chromosome 8 et l’EXT2 sur le chromosome 11. La mutation des gènes EXT1 et EXT2 sont respectivement responsables dans ½ et 1/3 des cas de MEM. Un troisième locus EXT3 a également été localisé sur le bras court du chromosome 19. La forme liée au chromosome 8 (EXT1) semble plus sévère. Les mutations de ces gènes font apparaître un codon stop prématuré, entraînant un défaut de synthèse de l’exostine qui serait à l’origine d’une disparition de l’activité « tumeur suppressive » d’un gène et autoriseraient donc le développement des exostoses en prédisposant au risque de transformation sarcomateuse à type de chondrosarcome de bas grade de malignité. La MEM est caractérisée par la prolifération d’excroissances multiples bénignes développées à la surface métaphysaire des os à ossification enchondrale, au contact de la plaque épiphysaire. Elle entraine un remodelage osseux métaphysaire, des déformations osseuses et une asymétrie de croissance des os longs. Les déformations osseuses les plus fréquemment rencontrées incluent une petite taille finale, une inégalité de longueur des deux membres inférieurs, des déformations fémoro-acétabulaires, une coxa valga avec une dysplasie de hanche, un genu valgum, un valgus des chevilles et des déformations des avant-bras. Les auteurs ont focalisé cette étude sur des points qui ne font pas l’unanimité dans la littérature : la chirurgie modifie-t-elle ou pas l’évolution naturelle de ces exostoses, en particulier au niveau de l’avant-bras et des chevilles, quelle est la fréquence des exostoses intra-canalaires et quelle attitude thérapeutique adopter, quel est le risque réel de transformation maligne de ces tumeurs à l’âge adulte ?
Déformations des avant-bras : La dysharmonie de croissance entre radius et ulna existe dans 30 à 60 % des cas. Cette dysharmonie associe une main bote ulnaire, une arcature des deux os de l’avant-bras, un accourcissement relatif des os touchés et une subluxation ou une luxation de la tête radiale. Les patients sont essentiellement gênés par l’aspect cosmétique des déformations. La revue de la littérature est assez contradictoire. Certains auteurs recommandent une attitude « agressive » avec des interventions précoces pour prévenir ou ralentir la progression des déformations et améliorer la fonction (ou les deux). Il n’existe pas de corrélation entre la correction de la déformation et l’amélioration de la fonction. Il apparaît cependant dans la littérature récente que le résultat de cette chirurgie (jugée de manière subjective et objective) n’apporte pas d’amélioration évidente de la fonction. La chirurgie corrige des déformations fonctionnellement peu gênantes mais est inefficace pour améliorer la pronosupination. De plus les patients non opérés sont peu gênés à l’âge adulte par leurs déformations. Finalement le gain de la chirurgie porte essentiellement sur l’amélioration cosmétique. Les déformations résiduelles, qu’elles soient secondaires à l’évolution naturelle de la maladie ou à des défauts de correction chirurgicale, sont bien tolérées à l’âge adulte. L’allongement de l’ulna est une intervention actuellement très controversée.
Déformations des chevilles : Elles surviennent dans environ 50 % des cas. Un raccourcissement relatif de la fibula associé à un interligne tibial distal oblique entraîne une déformation en valgus de la cheville. La chirurgie de correction associe de manière variable une résection de l’exostose, un allongement de la fibula, une ostéotomie tibiale et une épiphysiodèse latérale de la physe tibiale distale. Une attitude chirurgicale préventive chez l’enfant pour réaligner la cheville sous le tibia est recommandée pour éviter un taux élevé d’arthrose de cheville à l’âge adulte.
Exostoses intra-canalaires : Des publications récentes ont montrées un taux d’exostoses intra canalaires non négligeable (68 %) avec des compressions médullaires (27 %) ce qui justifie un dépistage systématique de ces exostoses par un examen clinique et une IRM vers l’âge de 10 ans pour prévenir d’éventuelles complications neurologiques. La résection des exostoses qui entraînent une compression nerveuse est obligatoire d’autant plus que la récupération neurologique est toujours favorable et le risque de récidive très faible. Pour certains auteurs, les exostoses asymptomatiques doivent juste être surveillées.
Transformations malignes : La transformation maligne est exceptionnelle chez les enfants. La prévalence du risque de transformation maligne est d’environ 2 %. 80 % des tumeurs se développent sur le squelette axial. L’information et l’éducation sont primordiales : toute modification de taille ou l’apparition d’une douleur à l’âge adulte sur une exostose connue doit amener le patient à consulter. Les exostoses situées au niveau du bassin, de l’omoplate ou aux racines des membres et les exostoses sessiles dégénèrent plus que les autres. Si certaines lésions sont cliniquement faciles à surveiller, d’autres comme le squelette axial et le pelvis sont plus difficiles à surveiller. Une radiographie des exostoses profondes se justifie tous les 2-3 ans pour surveiller celles-ci. Une fixation scintigraphique intense est hautement suspecte de malignité. Une transformation maligne doit être suspectée sur l’IRM si la coiffe cartilagineuse est supérieure à 2 cm chez un adulte. Il ne semble pas exister de groupe à risque. Le risque annuel de transformation maligne entre 30 et 50 ans étant de 0,1 %, il paraitrait logique de proposer ce dépistage systématique pour les patients porteurs d’une MEM. En raison du faible risque de transformation maligne, une résection chirurgicale prophylaxique des exostoses n’est pas recommandée dans la littérature, d’autant plus qu’un taux de complication allant jusqu’à 13 % a été décrit suite à une résection d’exostose.
Multiple Hereditary Exostosis: New Orientations
Multiple Hereditary Exostosis (MHE) is an automosal dominant skeletal disorder that begins in childhood. Birth prevalence is estimated at 1/50,000. Three distinct genetic loci are known to cause MHE: one on chromosome 8, and two others on chromosomes 19 and 11. Mutations of the germ line in the EXT tumour suppressor gene family have been identified in MHE. The loci on chromosomes 8 and 11 have been associated with malignant transformation. Bony exostoses are benign osteocartilaginous growths that start close to growth plates, inducing metaphyseal remodeling, bony deformities, and asymmetric long bone growth. Frequent orthopaedic manifestations include short stature, limb-length discrepancy, femoroacetabular impingement, coxa valga with hip dysplasia, genu valgum, ankle valgus, and forearm deformities. The authors focused this study on points which do not make the unanimity in the literature: do surgical procedures alter or not the natural history of exostoses especially for forearm and ankle deformities, frequency and preventive attitude for spinal stenosis, risk of malignant change?
Forearm deformities: Characteristic forearm deformities are present in 30-60% of patients with hereditary multiple exostoses. Characteristic forearm deformities include a shortened forearm bowing, an ulnar club hand, and sometimes a radial heas subluxation or dislocation. Patients often suffer for aesthetic reasons. There is no consensus regarding optimal therapy. Some authors recommend « aggressive » early operative surgery to prevent or reduce progression of deformity and functional impairment (or both). Correction of deformity and improvement of function are not necessarily associated. However, it emerges from recent studies that these surgical procedures, judged in a subjective and objective way, do not produce any predictable functional improvement. These studies showed that the gain obtained by surgery did not reach improvement especially for pronosupination but provide only cosmetic satisfaction. Deformations, from natural evolution of the MHE or from residual defects of surgical correction, are well tolerated in the adulthood. Ulna lengthening is currently very contrversial.
Ankle deformities: They occur in about 50% of affected individuals. Relative shorthening of the fibula and obliquity of the distal tibial epiphysis result in valgus deformities of the ankle. Surgical procedures for correction include excision of exostosis, lengthening of the fibula, tibial osteotomy, and hemiepiphyseal stapling of the distal tibial physis. Prophylactic surgical procedures in children that are designed to improve alignment in the ankle may be justified because of the high rate of osteoarthritis in individuals with MHE.
Spinal stenosis: Recent reports noted a high rate of intracanal exostoses in MHE patients (68%) with medullary compression in 27%. So, systematic spinal screening with clinical examination, magnetic resonance imaging or computed tomography is warranted in these children at the age of 10 to avoid a possible neurological complication. If surgeon decides not to remove an intracanal lesion, he must very regularly control the child with MRI. However, it seems logical to remove any exostose in contact with nervous elements, as the neurological recovery is always favorable and the risk of recurrence very low.
Malignant changes: Information and education are essential. Malignant change in children is exceptional. Any modification of size or the appearance of a pain in the adulthood on a known exostose has to bring the patient to consult. Percentage of malignant change is probably about 2%. 80% of tumors develop on the axial skeleton. If some exostoses are clinically easy to detect, others as axial skeleton and pelvis are more difficult to detect. Bone scan and MRI can help in this supervision. Strong uptake at Technetium bone scan is highly suspect of malignant change. It does not seem possible to identify a risk group. The annual risk of malignant transformation being 0,1% between 30 and 50 years, it will be logical to propose a screnning for patients with MHE. Surgical prophylactic resection of the exostoses is not recommended. The rate of complications after exostose resection is about 13%.