Les méthodes d’ingénierie tissulaire visent à développer des tissus biologiques à même de restaurer les fonctions des tissus déficients de l’organisme (médecine régénératrice), ou encore de servir de modèles physiologiques pour des études pharmacologiques ou toxicologiques (tests tissulaires in vitro). Historiquement, l’ingénierie tissulaire prend ses racines dans les évolutions des matériaux implantables, le concept d’implant inerte ayant peu à peu évolué vers celui d’implant biologiquement actif, capable d’interaction et d’intégration dans l’organisme hôte. Ainsi, les techniques usuelles d’ingénierie tissulaire s’appuient principalement sur la conception de biomatériaux macroporeux appelés « scaffolds » et sur leur association avec des cellules.
En dépit d’importantes recherches, l’ingénierie tissulaire demeure toujours confrontée à des défis majeurs qui limitent jusqu'à présent ses applications cliniques à des structures relativement simples, fines ou avascularisées. Ainsi, comme le souligne Scott Hollister, spécialiste de l’ingénierie du tissu osseux, « la translation clinique des techniques d’ingénierie tissulaire basées sur l’utilisation de scaffolds demeure un échec » (Tissue Eng, 2012). Plus précisément, les approches d’ingénierie tissulaire se heurtent aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles commerciaux, réglementaires et éthiques mais aussi scientifiques tels que :
(i) la capacité de reproduire la complexité des tissus natifs,
(ii) les rapports coût-efficacité et coûts-avantages par rapport aux traitements existants,
(iii) la promotion d'une vascularisation rapide lors de l'implantation (nécessaire au maintien de la viabilité cellulaire au cours de la croissance des tissus),
(iv) la possibilité de personnaliser des produits de l'ingénierie tissulaire (c'est-à-dire d’intégrer de cellules autologues ainsi que des informations morphologiques du patient),
(v) une sécurité absolue pour les patients, les fabricants et l'environnement,
(vi) la conformité avec l'évolution des politiques de régulation en termes de contrôle de la qualité et de bonnes pratiques de fabrication (BPF).
En réponse à ces limites, la Bioimpression vise à produire des tissus biologiques de façon automatisée en organisant couche-par-couche les différents constituants des tissus biologiques (tels que les cellules et la matrice extracellulaire) selon des structures prédéfinies et personnalisables par conception numérique. D’un point de vue technologique, plusieurs techniques de Bioimpression ont été développées à l’échelle internationale, telles que l’impression jet d’encre ou la bioextrusion. Nos travaux menés depuis 2005 au sein de l’INSERM et l’Université de Bordeaux, puis depuis 2014 au sein de Poietis, ont conduit à la mise au point de dispositifs et de méthodes innovants de Bioimpression par Laser. En permettant d’imprimer cellule par cellule, cette technologie procure l'avantage unique de contrôler l'organisation des constituants tissulaires à l'échelle cellulaire, ouvrant ainsi des perspectives de fabrication de tissus biologiques de façon automatisée, reproductible et en conformité avec les BPF.