L. 963.  >
À Monsieur C.M.C.,
le 28 août 1669

Monsieur, [a]

Je vous remercie de tout mon cœur de celle qu’il vous a plu m’écrire. Il est vrai que j’ai traité M. Rémy [1] avec joie et allégresse, et j’en suis fort content ; [1] il m’a fait l’honneur de me croire et s’en est bien trouvé. La plupart des quartanaires [2] sont ordinairement mélancoliques [3] et obstinés, et ne croient guère volontiers les médecins. C’est la cause qui fait souvent durer ce mal plusieurs mois et même plusieurs années. Ils sont contents de moi. Mlle Rémy est une brave dame, ses deux filles belles et bien sages, et M. Rémy est un maître homme, de la classe de ces gens résolus dont il n’y a pas treize à la douzaine. Il est des esprits des hommes comme des métaux : il y en a de plus précieux les uns que les autres ; les uns sont d’or ou d’argent, les autres ne sont que de terre ou de cuivre doré ; parmi ces derniers il y a bien des tartuffes [4] et des hypocrites. [2] Au reste, Monsieur, je vous remercie de votre bon souvenir. Je vous supplie de m’aimer toujours et de croire que je veux être toute ma vie votre, etc.

De Paris, ce 28e d’août 1669.


a.

Du Four (édition princeps, 1683), no clxxi (pages 463‑464), et Bulderen, no ccccxcvi (tome iii, page 320), « À Monsieur C.M.C. » (où M.C. peut vouloir dire « médecin de la ville de C… »), que je n’ai pas identifié ; Reveillé-Parise, no dcclxxxviii (tome iii, pages 702), à André Falconet (sans état d’âme).

1.

Guy Patin a reparlé de ce M. Rémy, « honnête homme de Lyon » qu’il soignait, dans sa lettre à André Falconet du 20 mars 1670.

2.

Tartuffe (Furetière) :

« faux dévot et hypocrite. Molière a enrichi la langue de ce mot, par une excellente comédie à qui il a donné ce nom, {a} dont le héros s’appelle ainsi. Elle est imitée d’une fort jolie nouvelle espagnole qui s’appelle Montufar. » {b}


  1. Jouée pour la mremière fois en 1664, v. note [3], lettre 950.

  2. Plus exactement, Montufar est un des principaux personnages des Hypocrites, iie nouvelle de M. Scarron (Paris, Antoine de Sommaville, 1655, in‑8o de 164 pages), dont l’intrigue se déroule en Espagne ; v. note [29], lettre 642, pour Paul ii Scarron, mort en 1660.

Guy Patin employait ici ce substantif pour la première de trois fois, ce qui montre à quel point et avec quelle rapidité le personnage de Molière frappa les esprits de ses contemporains.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Monsieur C.M.C., le 28 août 1669

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(Consulté le 07/05/2024)

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