L. latine 59.  >
À Thomas Bartholin,
le 29 septembre 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 45 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, docteur en médecine et professeur royal, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Me voici qui prends la plume, mais c’est à peine si j’ai matière à le faire ; je vous écris pourtant, comme voulait Cicéron, pour que vous me sachiez en vie et bien portant ; [1][2] Dieu veuille que vous m’en puissiez dire autant de vous. Si quelqu’un de votre Danemark vient en cette ville, faites en sorte, je vous prie, que je reçoive de lui votre Spicilegium[2] J’avais remis à M. Riolan, pour qu’il la lise, votre réponse contre lui, que vous m’aviez adressée ; [3][3][4][5] M. Le Noble, médecin de Rouen, la lui a demandée, il la lui a envoyée, mais elle ne lui a pas encore été retournée. [6] Interea patitur justus[4] je n’ai pas lu ce livre pour être agréable à Riolan contre qui vous l’avez écrit, et ne puis le lire parce que d’autres mains le retiennent à Rouen. Je serai plus sage à l’avenir et prendrai plus de précautions pour conserver ces trésors. [5] Riolan est très vieux et presque épuisé par un asthme qui l’attaque souvent, [7][8] mais il se porte bien malgré tout ; tant que sa santé le lui permet, il manigance pourtant toujours quelque chose. Notre ami Alcide Musnier, médecin de Gênes, m’a envoyé une lettre pour {M. Érasme, votre frère} vous, que voici jointe {dont vous aurez soin, s’il vous plaît, dès que vous la recevrez}. [6][9][10][11] Christine, reine de Suède, a été ici pendant quelques jours, revenant de Rome. [12] On disait alors qu’elle s’en retournerait dans son pays en passant par Hambourg ; mais après qu’elle eut vu notre roi, [13] chez qui elle est restée plusieurs jours et qui l’a reçue très magnifiquement, elle a changé de cap, s’en retournant à Rome, par Lyon et le Piémont. [7] La peste ravage très cruellement certaines contrées d’Italie ; en particulier Naples où, entre quantité d’autres, 44 docteurs en médecine en sont morts ; [14] Dieu veuille que rien de tel ne nous arrive. Nous occupons enfin Valence, dans le duché de Milan, après que notre armée l’a encerclée et assiégée : elle a ouvert ses portes à nos généraux le 16e de septembre. [8][15] Vale et aimez-moi.

Votre Guy Patin pour l’éternité.

De Paris, ce vendredi 29e de septembre 1656.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a envoyée à Thomas Bartholin, ms BIU Santé no 2007, fo 45 vo ; imprimée dans Bartholin a, Centuria ii, Epistola lxxviii (pages 649‑650), De Peste Neapolitana [La Peste napolitaine] (titre pour le moins réducteur).

1.

V. note [3], lettre latine 6, pour la locution S.V.B.E.E.Q.V. de Cicéron.

2.

V. note [1], lettre latine 48, pour le premier « Spicilège » de Thomas Bartholin sur les vaisseaux lymphatiques (Amsterdam, 1655).

Le début de la lettre imprimée est moins disert :

Paucula hæc ad Te scribo, Vir Cl. ut scias, me vivere et valere : utinam quoque valeas : et ut accipias Epistolam quam pro Te nuper accepi ex Italia.

[Très distingué Monsieur, je vous écris ces quelques lignes pour que vous me sachiez en vie et bien portant. J’espère que vous vous portez bien aussi et que vous avez eu la lettre que j’ai récemment reçue pour vous d’Italie]. {a}


  1. Envoyée de Gênes par Alcide Musnier et dont il sera question plus bas dans la lettre manuscrite.

3.

V. note [1], lettre latine 45, pour la Defensio Vasorum lacteorum et lymphaticorum… [Défense des vaisseaux lactés et lymphatiques…] de Thomas Bartholin contre Jean Riolan et William Harvey (Copenhague, février 1655).

4.

« Pendant ce temps, le juste souffre », v. note [44], lettre 176.

5.

Remplacement dans la lettre imprimée de illis κειμελιοις par servandis tuis [pour conserver ce qui vient de vous].

6.

Phrase omise dans la version imprimée ; j’en ai traduit {et mis entre accolades} deux passages que Guy Patin a rayés.

Érasme Bartholin, frère cadet de Thomas, venait de retourner au Danemark après un voyage en Italie.

7.

V. note [18], lettre 440, pour l’entrée de la reine Christine à Paris, le 8 septembre 1656, qu’elle avait quitté le 15 pour se rendre à Compiègne auprès de Louis xiv (v. note [1], lettre 444).

8.

V. note [14], lettre 440. Cette phrase ne figure pas dans la lettre imprimée.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 45 vo.

Clarissimo viro D. Thomæ Bartholino, Doct. Med. et Prof. regio, Hafniam.

Ecce ad Te scribo, vir Clariss. licet vix mihi suppetat quod scribam : scribo tamen, ut
volebat Tullius, ut scias me vivere ac valere : utinam de Te ipso idem possis
affirmare. Si quis ex Dania vester in hanc Urbem veniat, fac, precor, ut per eum
possim Spicilegium tuum accipere : Responsum tuum adv. Riolanum 2 ipsi tradide-
ram 1 à Te acceptum, legendum : rogatus à D. le Noble, medico Rothomag. ad eum
misit, necdum remisit : interea patitur justus : nec librum legi ut Riolano
gratificarer contra quem scriptus erat, nec legere possum, quia adhuc hæret
Rothomagi in alienis manibus : sapiam in posterum, et 2 cautior ero 1 in servandis
illis κειμελιοις. Riolanus admodum senex et prope effœtus ab asthmate
sæpe recurrente, utcumque valet : semper tamen aliquid machinatur, dum licet per
valetudinem. Amicus noster Alcid. Musnier, Medicus Genuensis, misit ad me
Epistolam pro D. Erasmo Fratre tuo : te, quam ut tantò accipias si placet curabis. ecce mitto.
Hîc adfuit per aliquot dies Christina Suedorum regina, Româ redux : tunc
temporis dicebatur per Hamburgum ad suos reversura ; sed postquam vidit Regem
nostrum, apud quem plures per dies mansit, qui magnificentissimè eam ex-
cepit, mutata velificatione, Romam iterum revertitur, per Lugdunum et
Pedemontium. Sævissimè est grassatur in quibusdam Italiæ partibus lues ipsa pestilens :
præsertim Neapoli, ubi inter tot alios, ab ejus malignitate perierunt 44. Medici
Doctores : utinam nobis nihil tale contingat. Valentiam in ducatu Mediolanensi
milite nostro nostro antehac circatam et obsessam tandem occupamus ; Ducibus enim nostris fores
suas aperuit 16. Sept. Vale et me ama.

Tuus in æternum Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 29 septembre 1656

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(Consulté le 03/05/2024)

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