L. latine 275.  >
À Julius Hacberg ou Hakeberg,
le 16 janvier 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 161 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Julius Hacberg, noble Allemand, à Helmstedt.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu avec grande joie votre lettre écrite le 30e de novembre. M. Bec [2] me l’a remise le 13e de janvier de la présente année et je vous en remercie beaucoup. Comment MM. les très distingués et très savants Conring [3] et Meibomius [4] se portent-ils ? Qu’est-ce que ce dernier écrit et prépare pour le bien du public, comme à son habitude ? À quoi s’occupe-t-il maintenant ? Enseigne-t-il publiquement et professe-t-il la médecine en votre Academia Julia ? [5] J’évoque ainsi ces deux docteurs de chez vous parce que je les affectionne et tiens l’un comme l’autre en haute estime. Voilà donc pourquoi je voudrais vous prier, quand vous m’écrivez, de me dire comment se portent ces très éminents personnages, de leur heureuse santé et de leurs ouvrages. Et Dieu fasse qu’ils vivent et jouissent d’une santé de lutteurs, en attendant que vos lettres me donnent de leurs bonnes nouvelles. La vieillesse et l’excessive rigueur de l’hiver me font peur pour M. Conring : le grand froid est en effet fort ennemi des corps affaiblis ; puisse-t-il surmonter tant de désagréments, et passer l’année ! Mais je reviens à notre ami Meibomius, ce noble et savant jeune homme : que m’engagez-vous à espérer de lui, a-t-il entre les mains les deux ouvrages de Monsieur son très distingué père, [6] à savoir le Tractatus philologicus de Cervisia [7] et l’Historia veterum medicorum ? quand donc l’un et l’autre verront-ils le jour ? [1] Vous me le ferez savoir si vous voulez bien. Quant à l’autre affaire que vous me soumettez et sur laquelle vous m’interrogez, sachez bien que je m’en occuperai en ne m’épargnant aucune peine, si l’occasion s’en présente, pour que vous y réussissiez, et que je satisferai votre souhait aussi pleinement que je pourrai ; je veillerai donc à cette affaire et en prendrai soin, et vous écrirai quand je l’aurai fait avancer. Mes fils vous saluent tous deux et vous adressent leurs compliments : l’aîné est Robert ; [8] l’autre est Charles, [9] il a écrit de Familiis Romanis, dont vous avez reçu un exemplaire à offrir à votre prince. Tous deux sont docteurs en médecine de Paris et fort savants ; Dieu veuille qu’ils continuent dans la voie où ils ont mis leurs premiers pas, qui est celle du zèle pour l’érudition et pour l’honnêteté. Mon Carolus n’a reçu aucune réponse de votre souverain. [2][10] Je vous tire l’oreille pour les thèses de médecine et autres opuscules dont je vous avais remis la liste, [3][11] et vous prie aussi fermement que je puis de bien vouloir vous en souvenir, pour m’acheter tout cela puis l’envoyer à M. Bec à qui je rembourserai aussitôt, argent comptant, le prix exact que vous m’aurez indiqué. En plus de ce qui est sur la liste, s’il se présente d’autres publications du même genre, anciennes ou nouvelles, ajoutez-les je vous prie à votre paquet. Je pense qu’il n’existe pas de moyen plus sûr que M. Bec ; une autre fois, je me chercherais bien quelqu’un de mieux, mais je pense que ce serait peine perdue. J’attends vos lettres au printemps prochain, ainsi que ce paquet de thèses ; j’espère en effet qu’alors, l’hiver étant terminé, il ne subsistera aucune trace de peste. [4][12]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 161 vo | LAT | IMG] Nous n’avons rien de nouveau ni d’assuré sur nos affaires ; il est seulement question de la guerre à mener en Italie au printemps prochain, [13] mais personne ne sait contre qui : sera-ce contre le Jupiter capitolin[14][15] ou pour le duché de Milan si le roi d’Espagne vient à mourir ? [16][17] ce sont là des mystères. Je salue MM. les très distingués Conring et Meibomius, mais vous en tout premier, très brillant Monsieur. Vale et aimez-moi.

De Paris, ce jeudi 16e de janvier 1664.

Votre Guy Patin en toute franchise.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Julius Hacberg, ms BIU Santé no 2007, fo 161 ro et vo.

1.

Le « Traité philologique sur la Bière » de Johann Heinrich Meibomius parut à Helmstedt en 1668 (v. note [14], lettre 760), édité par son fils Heinrich ; mais l’« Histoire des anciens médecins », que lui avait aussi laissée son père, est restée inédite (v. note [7], lettre latine 239).

2.

Hermann Conring a presque entièrement consacré sa lettre datée du 24 septembre 1663 à remercier les Patin, de la part du duc Auguste de Brunswick, pour l’envoi du livre de Charles « sur les Familles Romaines » (Paris, 1663, v. note [11], lettre 736), avec quelques aimables remarques sur son contenu. On apprend ici que Julius Hacberg avait été l’intermédiaire de ce présent au prince (dont Conring était le médecin et le conseiller).

3.

Dans sa lettre du 2 novembre 1663, Guy Patin avait déjà rappelé cette liste à Julius Hacberg ; il la lui avait remise quand il avait quitté Paris pour rentrer en Allemagne.

4.

La période froide favorisait l’extinction des épidémies de peste ; l’été était en Europe la saison la plus favorable à leur développement.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 161 ro.

Cl. viro D. Iulio Hakeberg, nobili Germano, Helmstadium.

Cum magno gaudio tuas accepi, Vir Cl. 30. Nov. scriptas, quæ mihi per Dominum
Bec
redditæ fuerunt 13. Ianu. præsentis anni ; et pro quib. gratias ago Tibi
singulares. Quî se habent D.D. Conringius et Meibomius, Viri Cl. et doctissimi ?
quid ille novi scribit, et in bonum publicum, more suo molitur ? hîc v. quid agit ?
an publicè docet ac publicè profitetur Medicinam in Academia vestra Iulia ? duos illos ves-
trates Doctores ideo commemoro, quia utrumque diligo et magnifacio : ideóq. Te
rogatum velim, ut quum ad me scribes, de tantis viris aliquid mihi significas,
nempe de eorum bona valetudine et Operibus. Et utinam vivant et ac pancra-
ticè valeant, dum de ijs illis per literas tuas istud Evangelium expecto. Pro D.
Conringio metuo propter senium et asperitatem hyemis immodicam : est enim
nimirum frigus extenuatis corporib. inimicissimum : utinam tot molestias
superet, ac perennet. Sed redeo ad Meibomium nostrum, nobilem ac eruditum
adolescentem : quid me jubes de eo sperare ? habet in manibus duplex opus
Viri Cl. sui Parentis ? nempe Tractatum Philologicum de Cervisia ? et
veterum Medicorum historiam : quandonam utrumque lucem videbit ? hoc sciam
per Te si volueris. Quod spectat ad aliud negotium à Te mihi propositum,
et de quo inquiris, scias velim me ejus rei curam habiturum, nec quidquam
laboris omissurum, si qua sese offerat occasio, ut negotium Tibi succedat, et
voto tuo quantum in me situm erit, plenissimè satisfaciam : videbo igitur, et
rem illam curabo, atque ad Te scribam si ubi promovero. Filij mei ambo Te
salutant, et gratias agunt : primogenitus est Robertus : alter est Carolus,
qui scripsit de familijs Romanis : et cujus exemplar accepisti, Principi
vestro offerendum : uterque Doctor est Medicus Paris. ac uterque doctis-
simus : utinam quo cœperunt pede feliciter pergant, in studio utriusque
eruditionis ac probitatis. Principis vestri reponsum Carolus meus nul-
lum accepit. De Thesibus Medicis et alijs libellis, quorum Indiculum Tibi
tradidi, aurem vello, rogóque quam possum fortiter, ut velis meminisse,
et omnia illa mihi emere, mitteréque ad D. Bec, cui statim, præsentibus
nummis, totum pretium à Te indictum, æquo animo refundam : præter ea quæ
habentur in Indiculo, si quæ ejusdem generis alia sese offerunt, vetera vel
nova, superadde quæso eidem Fasciculo : nullam viam tutiorem esse puto
quàm per D. Bec : aliàs enim quærerem mihi aliam, sed frustra agerem. Pro-
ximo vere literas tuas expecto : ut et ipsum Fasciculum Theseωn : tunc enim
spero fore ut per exactam hyemem nullum supersit pestilentiæ vestigium.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 161 vo.

De rebus nostris nihil habemus novi neque certi : agitur dumtaxat de
bello vere proximo in Italia gerendo, sed adversus quem, nemo novit : an adver-
sus Iovem Capitolinum ? an pro Ducatu Mediolanenso, si moriatur rex
Hispaniæ ?
ista sunt mysteria. Cl. viros saluto D. Conringium et Meibomium :
Tu v. imprimis, vir præstantissime : vale igitur, et me ama. Parisijs,
die Iovis, 16. Ianu. 1664.

Tuus ære et libra Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Julius Hacberg ou Hakeberg, le 16 janvier 1664

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(Consulté le 03/05/2024)

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