À André Falconet, le 19 avril 1661
Note [6]
Quatre ouvrages aiguisaient la curiosité de Guy Patin :
Celle-ci est ornée du portrait de l’auteur (peint en 1656 et gravé en 1661) : Robert Mentet (Monteith) de Salmonet (Robertus Montetius a Salmoneto, né à Édimbourg en 1603, mort en France vers 1660), historien catholique écossais, a été chanoine à Paris et secrétaire de Jean-François-Paul de Gondi (v. note [18], lettre 186), et ami de Michel de Marolles (v. note [72], lettre 183). Montet avait accompagné le cardinal de Retz lors de son évasion du château de Nantes (1654). Dans la très élogieuse dédicace (non datée) qu’il lui a adressée, il dit avoir composé son Histoire sous ses auspices. Il expose ainsi son dessein dans l’Avant-propos :
« Mais entre toutes les révolutions qui sont arrivées en ce siècle, celle de la Grande-Bretagne est la plus considérable, la plus étrange et la plus funeste dans toutes ses circonstances. Cette île, qui pendant un long espace de temps voyait à couvert passer l’orage sur tout le reste du monde, se trouve maintenant plongée dans le sang et dans la confusion. J’ai entrepris d’écrire l’histoire des troubles qui l’ont agitée, et l’ai composée sur des mémoires les plus exacts et les plus fidèles que j’ai pu trouver. Je l’ai écrite sans passion et sans partialité, car quoique je prenne dans ces affaires la part que ma religion, mon honneur et ma naissance m’obligent d’y prendre, j’y garde néanmoins exactement la neutralité. Je n’y ai eu aucun dessein de plaire ni de déplaire à personne, et je suis si loin d’être ministre des passions d’autrui que, quand j’en aurais en mon particulier, j’estimerais que ce serait une lâcheté d’en faire paraître la moindre chose dans cette Histoire. »
Les pièces liminaires contiennent deux médiocres épigrammes de Gilles Ménage.
Hic est, quem legis, et stupes legendo
Toto nobilis orbe Salmonetus.
Illum inter scopulos et iliceta
Sub cœli genuit rigentis axe
Horrens Scotia tristibus pruinis :
Ne tu forte putes fuisse Gallum,
Facundos, lepidos et elegantes
Toto nobilis orbe Salmoneti,
Qui Gallos legis et stupes libellos.[Voici le noble Salmonet, que tu lis et dont tu t’étonnes que la Terre entière le lise. Parmi ses rochers et ses chênes verts, l’Écosse frissonnante de ses tristes frimas l’a engendré sous la vôute d’un ciel glaçant : ne vas pas penser qu’il a été français, mais lis avec étonnement les éloquents, charmants et élégants petits livres français de Salmonet qu’admire la terre entière].
Aspera dumosis genuit quem Scotia sylvis ;
Quem blando excepit Gallia culta sinu ;
Et voluit grates devinctus utrique
Et potuit dignas pendere Montetius
Gallorum lingua, sæclis memoranda futuris,
Scotorum scripsit fortia facta Ducum.[La rugueuse Écosse l’a engendré en ses forêts broussailleuses ; la féconde France l’a accueilli en son doux sein : Montet a voulu remercier les deux nations auxquelles il s’est attaché et a pu dignement payer son dû à la langue des Français, en écrivant les actes courageux des chefs écossais, dont les siècles futurs doivent garder la mémoire].
Salmonet est aussi auteur d’une Remontrance très humble au sérénisssime prince Charles ii, roi de Grande Bretagne, sur la conjoncture présente des affaires de Sa Majesté (Patis, Vitré, 1652, in‑fo de 72 pages) ; elle figure, avec un commentaire peu éclairant, dans le tome troisième (page 102) de la Bibliographie des mazarinades (C. Moreau, 1851).
Marc-André Béra lui a consacré un article intiulé Montet de Salmonet, historien des Troubles et écrivain inconnu (Annales. Économie, Socétés, Civilisations, 1953, no 2, pages 184‑191). Les biographies anglaises que j’ai consultées confirment tous ces points.