À André Falconet, le 14 décembre 1669, note 2.
Note [2]

Cette affaire compliquée émut alors tout Paris. Guy Patin l’a évoquée du début à la fin de sa lettre et Olivier Le Fèvre d’Ormesson en a donné un récit plus explicite (Journal, tome ii, pages 579‑580, samedi 14 décembre 1669) :

« Ce même jour, le sieur Courboyer, gentilhomme, eut la tête coupée en Grève pour une calomnie dont l’histoire mérite d’être écrite. La Gudagne, dame de bonne famille, fille de Mme de Saint-Pater, sœur de M. le Premier, {a} mais femme très débauchée, avait marié sa fille cadette à un nommé La Motte, sieur d’Aunoy, homme sans naissance, qui avait fait sa fortune auprès de M. le duc de Vendôme et qui était riche. Cette fille était aussi débauchée que sa mère, qui l’y avait engagée, et elles vivaient ensemble l’une et l’autre dans le désordre. Elles avaient tiré, par le moyen de Courboyer, une obligation de cent huit mille livres de d’Aunoy avec une contre-lettre ; {b} et depuis, Courboyer avait retiré par artifice sa contre-lettre afin de pouvoir chasser d’Aunoy et se mettre en possession de son bien. Ils crurent qu’il fallait encore, pour le perdre, l’accuser d’avoir mal parlé contre le roi et lui faire son procès. En effet, le nommé Moizière, garde du corps, et le nommé Lamières, gentilhomme, qui ne savaient pas tout le mystère, en donnèrent avis à M. Colbert. D’Aunoy, qui s’était retiré à Luxembourg pour une taxe, est mis à la Bastille ; Moizières et Lamières, qui avaient déposé, lui furent confrontés. Ce misérable {c} se récriant que c’était une calomnie fait que Lamières se contredit parlant de Courboyer et enfin, avoue être faux témoin et que sa déposition et celle de Moizière étaient fausses. L’un et l’autre sont arrêtés, et Courboyer ensuite. L’instruction faite au Châtelet, ils sont tous trois condamnés à la mort avec assez peu de preuves. Sur l’appel, les juges se trouvèrent fort empêchés. Au Parlement, Courboyer, qui était bien allié, avait de puissantes sollicitations en sa faveur. L’affaire rapportée, Lamières, qui seul avouait son crime, fut aussi seul condamné à la mort, et les deux autres réservés à juger. Ce gentilhomme, qui était le moins criminel mais le plus sincère, dit, avant que d’être conduit au supplice, quantité de circonstances importantes contre Courboyer et Moizière, en sorte qu’il fallut chercher MM. Hervé et La Barroy, conseillers et commissaires, pour l’entendre ; ce qui dura, et l’heure de l’exécution étant passée, on la remit. Cependant, il témoignait une fermeté et un calme d’esprit admirables, souhaitant la mort et parlant de son exécution comme d’une chose étrangère ; il faisait pitié à tout le monde et M. le marquis de Villeroy venant voir à la Conciergerie Courcelles, l’ayant vu, en fit un rapport au roi à Saint-Germain. Pendant le dimanche et le lundi, jour de la Notre-Dame, {d} on découvrit de nouvelles preuves contre Courboyer. Le mardi, l’exécution de Lamières fut encore remise, pour la seconde fois, par ordre du roi. Le mercredi, Moizière fut jugé, condamné à la mort et exécuté après le dîner ; il confirma toutes les preuves contre Courboyer, qui fut jugé et condamné à mort. Lamières n’a point été exécuté et sa peine a été commuée par lettres. Le roi, toute la cour et tout Paris furent contents de cette justice, chacun ayant une extrême indignation d’une calomnie si noire, si méditée, si importante, et qui faisait injure au roi. »


  1. Henri de Beringhen, premier écuyer du roi.

  2. Acte secret, par lequel on déroge en tout ou en partie à ce qui est porté par un premier acte public.

  3. D’Aunoy.

  4. 9 décembre.

Avant cette relation, Olivier Le Fèvre d’Ormesson (ibid. page 576) a noté cette curiosité médicale et parlementaire :

« Le jeudi 28 novembre, je fus au Parlement pour entendre plaider M. de Bâville sur la transfusion de sang. {a} Il y avait un très grand monde […]. Le plaidoyer fut fort beau et prononcé de très belle grâce. »


  1. Bâville était Chrétien-François de Lamoignon (v. note [5], lettre 816). V. note [5], lettre latine 452, pour les premiers pas de la transfusion sanguine.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 14 décembre 1669, note 2.

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(Consulté le 26/04/2024)

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