À Johann Peter Lotich, le 17 décembre 1665, note 2.
Note [2]

La maïeutique socratique est l’art philosophique de faire accoucher (maïeutikê en grec) les pensées d’autrui ; Platon l’a décrite en plusieurs endroits de ses œuvres, notamment dans ce propos de Socrate (v. note [4], lettre 500 ; Théétète, chapitre vii, traduction de Victor Cousin) :

« Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions que remplissent les sages-femmes ; {a} mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, c’est qu’il rend capable de discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici : c’est que le dieu me contraint d’accoucher les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi. » {b}


  1. On donne aujourd’hui le nom de maïeuticiens aux hommes qui exercent le métier de sage-femme.

  2. Si tel était bien le passage de Platon auquel pensait ici Guy Patin, on pourrait y voir un intéressant aveu : enseignant brillant et érudit, mais incapable d’innover, il a publié fort peu de livres bien qu’il ait aidé quantité de ses amis à faire paraître les leurs ; ce qu’on pourrait appeler la féconde stérilité mentale de Socrate est bien à l’image de celle qui caractérisait l’esprit de Patin.

V. note [83], lettre 150, pour l’édition du Satyricon de Pétrone par Johann Peter Lotich (Francfort, 1629), qui ne fut jamais republiée, malgré l’ardent désir de l’auteur (v. note [14], lettre 309).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Peter Lotich, le 17 décembre 1665, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1416&cln=2

(Consulté le 28/04/2024)

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