À Charles Spon, le 4 février 1650, note 27.
Note [27]

Le 18 septembre 1648, Léonard Goulas (v. note [5], lettre 152) avait reçu l’ordre de se retirer à Ferrières, en même temps que Chavigny était emprisonné à Vincennes (dont il était le gouverneur) et Châteauneuf exilé à Rufec en Auvergne (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, page 575).

Goulas était jugé trop ami de Chavigny et mêlé à ses intrigues (Nicolas Goulas, Mémoires, tome ii, pages 376‑377, année 1648) :

« La disgrâce de M. de Chavigny chez le roi fut suivie de celle de M. Goulas chez Monseigneur. {a} Le prétexte fut qu’étant fort son ami, il devait être et était dans les mêmes intrigues. M. de La Rivière haïssait et craignait celui-ci par la même raison que M. le cardinal {b} faisait M. de Chavigny : il était la cause de sa fortune, et il l’avait payé d’ingratitude. Ils vivaient en froideur depuis quelque temps car M. Goulas ne se pouvait soumettre à sa tyrannie, et l’autre {c} appréhendait toujours que la longue habitude qu’il {d} avait avec Monseigneur n’engageât Son Altesse royale à se découvrir à lui dans les conjonctures présentes, et qu’il n’en reçût des conseils d’homme de bien qui lui désillassent les yeux. Il se servit donc de la reine {e} et du cardinal pour le lui faire éloigner, et ils lui dirent tous, pour le persuader, que c’était un confident de Chavigny qui trempait dans toutes ses cabales, qui avait des parents dans le Parlement, qu’il lui donnait pour amis et ministres de ses desseins {f} (ils voulaient parler de M. Loisel) ; {g} qu’il était enragé de ce qu’il ne gouvernait pas et qu’il désirait de tout renverser afin de contenter son ambition. Monseigneur donc abandonna un serviteur de trente ans, n’ayant pas la force de résister à la reine et à son ministre, et ne se plaignit de la conduite de Goulas que de ce qu’il voyait souvent Chavigny, que même il couchait chez lui et lui était intrinsèque. {h} Cependant il {i} témoignait de l’estimer, il le souffrait dans le Conseil du roi et ne le rencontrait jamais qu’il ne le traitât à merveille. Ainsi Monseigneur ayant la goutte à Rueil, ou feignant de l’avoir, selon quelques-uns, M. Goulas ne manqua pas d’y aller pour voir son maître ; et descendant de carrosse, Saint-Rémy, lieutenant des gardes de Son Altesse royale, lui fit commandement de sa part d’aller chez lui, à Ferrières, et de n’arrêter à Paris que pour dîner. »


  1. Monseigneur, Monsieur et Son Altesse royale étaient les manières de nommer le duc Gaston d’Orléans.

  2. Mazarin.

  3. La Rivière.

  4. Goulas.

  5. Anne d’Autriche.

  6. Complices de ses intrigues.

  7. En 1633, Antoine-Philippe Loisel (1611-4 janvier 1652), fils d’Antoine i (v. note [3], lettre 91), avait été reçu conseiller au Parlement, en la première des Enquêtes. Une lettre de cachet du 26 août 1648 avait ordonné son exil à Mantes. Il devint l’un des exécuteurs des menées du Parlement contre Mazarin en 1651 (Popoff 1596).

  8. Intime.

  9. Monseigneur.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 216, mardi 1er février 1650) :

« Ce matin, M. le duc d’Orléans a amené à la reine le sieur Goulas, secrétaire des commandements de Son Altesse Royale, qui est nouvellement de retour depuis la retraite de l’abbé de La Rivière, qui l’avait fait chasser et retirer en sa maison de Ferrières en Brie où il a été depuis trois ans. »

Nicolas Fouquet, alors maître des requêtes, joua le rôle d’entremetteur pour le retour de Léonard Goulas, sous condition qu’il fût informateur de Mazarin auprès du duc d’Orléans (Nicolas Goulas, Mémoires, tome iii, pages 181‑182, année 1650) :

« M. Fouquet ayant su qu’il désirait ses offices auprès du premier ministre, {a} ne manqua pas de le venir trouver et de se charger de ce qu’ils jugèrent à propos pour Son Éminence ; et sa négociation réussit si bien que les difficultés de son retour furent incontinent levées. J’ai su de M. Goulas que M. le cardinal voulant tirer quelque parole {b} de lui, conformes à celles que lui avait autrefois données M. de La Rivière, et dont les gens de commerce {c} sont si prodigues, il le refusa tout franc, se servant de cette raison, dont il se paya, {d} qu’il avait souffert que La Rivière le taillant en pièces six ans durant et le ruinant dans l’esprit de son maître, {e} et que cet homme lui ayant coupé bras et jambes, il se trouvait hors d’état de le servir ; mais que Son Éminence ayant des talents admirables, devait penser à gouverner Son Altesse Royale {f} et qu’il le ferait sans doute, les bons serviteurs de Monseigneur y contribuant, puisque c’était le bonheur de leur maître ; et que pour lui, il se tiendrait heureux d’y travailler si Son Éminence voulait prendre la peine de rétablir ce que La Rivière avait gâté. M. Fouquet, ami de M. Goulas, lui fit fort valoir les bonnes dispositions où il l’avait trouvé, {g} et le résolut enfin à son retour par cette raison que La Rivière l’ayant ruiné, il n’était plus en état de traverser ses desseins, {h} et qu’étant habile et connaissant son maître, il empêcherait toujours qu’aucun de sa Maison s’emparât de son esprit, par son propre intérêt, de peur de se trouver dans sa dépendance, pendant que Son Éminence en disposerait par elle-même et n’aurait à compter avec {i} personne. »


  1. Que Léonard Goulas désirait que Fouquet intervînt en sa faveur auprès de Mazarin.

  2. Engagement.

  3. Intelligence entre particuliers pour mener des affaires, intrigue.

  4. que Goulas allégua.

  5. Gaston d’Orléans.

  6. Espionner Gaston, observer ses actions pour en rendre compte à Mazarin).

  7. Dans lesquelles il avait trouvé Mazarin à l’égard de Goulas.
  8. Faire obstacles au projet du cardinal.

  9. Sur.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 février 1650, note 27.

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(Consulté le 29/04/2024)

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