À Charles Spon, le 17 août 1643, note 4.
Note [4]

Il est amplement question de Richelieu dans la Vie de Guy Loisel, que Claude Joly écrivit dans l’année même qui suivit la mort du cardinal. Les phrases les plus cinglantes à son encontre du cardinal se lisent aux pages 20‑26 :

Ab Anno vero 1617, quo cum Patribus majoris, quam vocant, Cameræ, suo ordine consessum habere cœpit, in publicis negotiis rite tractandis, ac salubriter constituendis adeo prudentem, ac generosum ubique se præstitit, ut si quid inopinati, vel adversi contingeret, ad ipsum oculos plerique Collegæ converterent : ab eo præsertim tempore, quo Cardinalis Richelius, rerum clavum tenent, sub optimi Regis nomine atque auctoritate Senatum lacessere cœpit, eiusque vim ac robur paulatim adeo concussit, ut consiliis, quibus ille tandem occupavit universum Imperium, nusquam obsistere valuerit.

His igitur de causis Loisellus, qua flagrabat in Patriam, ac Senatum charitate, cum amicis calamitatem sæculi, et imminentem tempestatem frequenter deplorabat, et in Richelium non modo tanquam in hominem sceleratum, sed etiam qui pentis parum compos erat, paulo liberius quam tempora ferebant, invehebatur. Quid enim iniquius, aiebat, quam novis quotidie vectigalibus et exactionibus populum expilare ? Regis Matrem, cui omnia debebat, unicum quoque Fratrem non tantum ex aula, sed etiam e regno secretis artibus eiecisse ? Principes ac Magnates omnes invisos Regi facere ? Quoslibet absque ulla iudiciali formula perpetuis acrceribus includere ? Alios delectis et affectatis iudicibus condemnandos tradere ? Singulis Senatoribus, de rebus quæ proponerentur sententiæ dicendæ libertatem eripere, si quid mussitarent, interdicere, relegare, proscribere ? Quid autem insanius, quam hominem privatum Imperia perpetua meditari ? Unumquemque velle sibi cum tremore subiici ? Periculosa quæque, non prævisis eventibus aggredi ? Fastu plusquam regio vivere ? Dumque universa plebs egestate confecta tabesceret, in rebus non modo inutilibus, sed etiam Ecclesiastico viro prorsus indignis, veluti comædiis, atque convivis, impensas immoderatas facere ?

Eiusmodi multa Loisellus Richelio iam tum imputabat : et quamvis bellum Hispanicum, atque alia quæ sequentibus undecim annis confecta sunt, morte præventus non viderit, ea nihilominus omnia, qua fuit animi sagacitate, prædixit. Ex præcendentibus enim aiebat facile coniici posse, Richelium regnandi causa, nihil non moliturum, nec ideo dubitaturum pro viribus ubicumque bellum accendere, cunctos qui contra se niterentur quoquo modo opprimere, ipsi Regi, si quandoque obsisteret, Sceptrum eripere, omnia denique divina, humanaque iura confundere ; Richelium quippe, dum dominetur, ad omnia paratum esse. Quibus conficiendis, si dolis, si versutia, si fraudibus opus fuerit, vix ullum reperiri posse, qui norit audacius imponere, vafrius simulare, subtilius deique Circulatorem agere. Nimirum id ipsum erat, quod Clemens viii. Pontifex Maximus iam tum augurabatur cum de Richelio adhuc adolescente legitimam ætatem, ut citius Presbyter fieret, mentito, et postea, quo tenerioris conscientiæ videretur, veniam periurii postulante, venaculo sermone palam hæc verba pronunciavit Questo Giovane sara un gran Fourbo.

[…] Cæterum Loisellus a probis viris eo libentius audiebatur, quo magis absque privato ullo odio, vel livore, sed ex abundantia cordis optimi, publicisque malis afflicti loqui censebatur. Et id quidem verissimum erat. Cum enim bene velle Loisello Ricleius aliquando testatus esset, Loisellus contra bene velle Richelio, si salva Republica licuisset, et tenebatur, et vehementer optabat. Huius autem mutuæ benevolentiæ occasio sic contingerat. Vacaverat in familia Loiselli munus quoddam exiguum cuius diploma pendebat ab Alexandro Vindocino magno Franciæ Priore, qui tunc in Vincennarum castro detinebatur, et ad quem absque Richelii consensu nullus admittebatur. Quapropter Dux Bellogardius qui Loisello pro sororis filio munus istud ambienti suam operam pollicitus erat, a Richelio conveniendi Vindocini copiam postulavit. Richelius autem statim audito nomine Loiselli quem ad suas partes tragere valde cupiebat, negotium agendum ipse suscepit, et missis ad Vindocinum commendatitiis literis feliciter ac brevi confecit. Loisellus igitur, ut accepti absque ambitu beneficii quas debebat gratias ageret, Richelium convenit. Qua occasione Richelius eum tanta humanitate delinivit, quanta nec tum Principes excipiebat ; Se dolere inquiens munus, istud adeo modicum esse, verum in omnibus aliis rebus maioris momenti, ipsi quem plurimi faciebat, et cuius benevolentiam modis omnibus exoptabat, inservire paratum esse. Deinde discedenti, extra cubiculum ad superiores usque gradus comes fuit, et Equitem exinde, qui ipsum ad usque currum extra limen Palatii deduceret, accesivit.

[Ce fut vraiment à partir de l’an 1617, quand Loisel commença de siéger en son rang avec les conseillers de ce qu’on appelle la Grand’Chambre, qu’il se distingua à s’occuper des affaires publiques selon les formes et à en décider sainement, en s’y montrant si compétent et si généreux que si quelque chose d’inattendu ou de fâcheux survenait, alors la plupart de ses collègues tournaient les yeux vers lui. Ce fut surtout à ce moment que le cardinal Richelieu, détenant la clé des affaires, commença, au nom et sous l’autorité du roi très bon, de harceler le Parlement ; et il mit peu à peu sa force et sa puissance en branle, à tel point que les conseillers, sur qui il exerça un pouvoir absolu, n’eurent nulle part la capacité de résister.

Pour ces raisons, Loisel, par l’amour dont il était enflammé pour la patrie et pour le Parlement, déplorait fréquemment avec ses amis la calamité du siècle et le malheur qui menaçait ; et il s’emportait contre Richelieu un peu plus librement que l’époque ne le tolérait, le considérant non pas tant comme un scélérat que comme un homme pourvu de peu de discernement. Qu’y a-t-il en effet de plus injuste, disait-il, que voler chaque jour le peuple avec de nouvelles redevances et expulsions ? qu’avoir, par des tractations secrètes, chassé non seulement de la cour, mais aussi du royaume, et la mère et le frère du roi ? que rendre les princes et les grands invisibles au roi ? qu’emprisonner qui l’on veut sans aucun procès ? que traduire les autres qu’on veut condamner devant des juges qu’on a choisis et qu’on s’est attachés ? que d’ôter à tous les conseillers du Parlement la liberté de juger des affaires qui leur seraient soumises, et s’ils murmuraient, que de les suspendre, reléguer, proscrire ? que d’aborder chaque affaire périlleuse sans en avoir prévu les conséquences ? que de vivre dans un faste plus que royal ? que d’engager sans frein des dépenses en des affaires non seulement inutiles, mais encore parfaitement indignes d’un homme d’Église, comme des pièces de théâtre et des festins, quand dépérissait tout le petit peuple accablé de pauvreté ?

Loisel avait alors déjà beaucoup de griefs contre Richelieu ; et bien que la mort {a} l’ait empêché de voir la guerre espagnole {b} et les autres qui ont été déclarées pendant les onze années suivantes, sa pénétration d’esprit les avait toutes prédites. Il disait en effet qu’il était facile de deviner sur les signes avant-coureurs que Richelieu, dans son dessein de régner, mettant tout en œuvre et ne doutant pas de ses forces, enflammerait partout la guerre, ferait fléchir tous ceux qui lui résisteraient par quelque moyen que ce soit, ôterait le sceptre au roi lui-même si d’aventure il lui faisait obstacle, embrouillerait enfin tous les droits humains et divins ; car Richelieu était prêt à tout tant qu’il ne serait pas le maître absolu. Pour y parvenir, s’il y avait besoin de ruses, de fourberie, de crimes, il se peut difficilement imaginer quelqu’un qui ait su abuser avec plus d’audace, dissimuler avec plus d’adresse, enfin agir avec plus de finesse en “ joueur de gobelets ”. {c} Sans doute était-ce bien là ce que le souverain pontife Clément viii présageait déjà en Armand Jean de Richelieu quand, encore jeune homme, il avait menti sur son âge véritable pour être fait prêtre plus vite et avait ensuite demandé le pardon de son parjure pour être considéré avec plus de bienveillance ; le pape alors dit publiquement ces mots en italien, Questo Giovane sara un gran fourbo. {d}

[…] D’ailleurs les hommes intègres écoutaient d’autant plus volontiers Loisel qu’ils l’estimaient s’exprimer moins par haine ou par jalousie personnelle que par générosité d’un cœur très bon et affligé par les malheurs publics. Et certes cela était profondément vrai. Bien que Richelieu eût parfois témoigné lui vouloir du bien, Loisel persévéra et s’attacha avec ardeur à ne pas vouloir de bien à Richelieu aussi longtemps que la bonne conservation de la chose publique l’y incita. Il survint pourtant une occasion permettant à cette bienveillance mutuelle de s’exprimer : une petite charge était vacante pour quelque membre de la famille de Loisel, dont le brevet dépendait d’Alexandre de Vendôme, {e} grand prieur de France, qui était alors détenu dans le château de Vincennes et auprès de qui personne n’était admis sans la permission de Richelieu ; alors le duc de Bellegarde, {f} qui avait promis d’aider Loisel à solliciter cette charge pour le fils de sa sœur, demanda à Richelieu l’autorisation de rencontrer Vendôme ; Richelieu, à l’instant même où il entendit le nom de Loisel, qu’il désirait fort attirer dans son parti, se chargea lui-même d’arranger l’affaire, et la conclut rapidement et favorablement en envoyant des lettres de recommandation à Vincennes ; Loisel rendit donc visite à Richelieu pour le remercier, comme il le devait, du bénéfice qu’il avait reçu sans brigue ; en cette occasion, Richelieu le charma d’une affabilité aussi grande que s’il avait reçu un prince, lui disant que cette charge, si modeste fût-elle parmi toutes les autres affaires de plus grande importance, le préoccupait et qu’il était prêt à se mettre au service d’une personne qui avait tant fait et dont il désirait vivement obtenir la bienveillance par tous les moyens en son pouvoir ; puis quand Loisel prit congé, il accompagna depuis sa chambre jusqu’au haut des escaliers, puis un cavalier l’escorta jusqu’à la cour et à la porte du palais].


  1. En 1631.

  2. Déclarée en 1635.

  3. Traduction de circulator fournie dans la marge.

  4. « Ce Jean-là sera un grand fourbe. »

  5. V. note [46], lettre 219.

  6. Roger de Saint-Lary, gand écuyer de France, v. note [38] des Deux Vies latines de Jean Héroard.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 17 août 1643, note 4.

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(Consulté le 03/05/2024)

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