Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre IV, note 4.
Note [4]

Ce paragraphe contient plusieurs références qui ne sont pas dénuées d’intérêt littéraire et médical.

  • Ce que disait Guy Patin de Nestor (v. note [31], lettre 146) ne renvoie pas à des vers d’Homère que j’aie su trouver, mais L’Encyclopédie s’y est aussi référée dans l’article sur la « méridienne ou sieste », signé Petit-Radel :

    « En lisant Homère, on voit par plusieurs passages de L’Odyssée que les héros de son temps étaient assez dans cet usage ; du moins, lorsqu’il s’agit de Nestor, parle-t-il souvent du sommeil que ce grand personnage avait coutume de prendre après son premier repas du milieu de la journée. » {a}


    1. Dans le dernier chant de L’Odyssée (xxiv, vers 254‑255), Ulysse (v. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661) retrouve son père et lui dit (traduction de Leconte de Lisle) :

      « Tu es tel que ceux qui, après le bain et le repas, dorment sur un lit moelleux, selon la coutume des vieillards. »

      Ces vers parlent pourtant de Laërte, roi d’Ithaque, et non de Nestor, roi de Pylos ; Patin et la savante Encyclopédie les auraient-ils confondus ?

  • Sans parler de Nestor ou de Laërte, Galien a repris les vers d’Homère (notule {a} supra) dans son Liber de marcore [Livre sur le marasme] (chapitre v), pour illustrer sa définition visionnaire de ce que nous appelons aujourd’hui la gériatrie (Kühn, volume 7, pages 681‑682, traduit du grec) :

    At vero senectutis marcor prohiberi profecto non potest, succurri tamen, ut quamplurimum prorogetur, potest ; et hæc est illa medicinæ pars, quæ gerocomice i.e. senum tutrix, dicitur ; cujus scopus est, ut rei natura indicat, obsistere prohibereque, prout fieri potest, ne cordis corpus adeo exiccetur, ut tandem aliquando agere desistat. Nam is est vitæ finis, cordis ab actione cessatio ; quamdiu enim cor secundum propriam sui ipsius actionem movetur, animal interire non potest. Quare si fieri possit, ut ipsius corporis cordis aut certe jecoris substantia reddatur humidior, potest et ipsum etiam senium cohiberi ; si autem nemo est, qui jecur et cor se ipsis humidiora possit efficere sed temporis processu necessario sicciora evadunt non ipsa solum viscera, sed arteriæ etiam et venæ, senium certe prohiberi non potest ; at ejus celeritas coerceri potest ; quamobrem videtur Homerus, si quid aliud, hoc certe etiam vaticinans de senibus cecinisse ;

                                Ut lavit, arque comedit,
    Mollibus in stratis dormire, hæc vita senilis.

    [Le marasme {a} de la vieillesse ne peut en vérité être entièrement supprimé ; on peut toutefois aider à en prolonger la durée. On appelle gériatrie, {b} c’est-à-dire règlement des vieillards, cette partie de la médecine. Son objet, comme l’indique son nom, est d’empêcher et interdire, dans toute la mesure du possible, que le muscle du cœur ne se dessèche jusqu’à finalement cesser de battre, car c’est l’arrêt de l’activité cardiaque qui met fin à la vie : un animal ne peut mourir aussi longtemps que son cœur se contracte sous l’effet de son mouvement propre. Si donc on parvenait à humidifier la substance du muscle cardiaque et bien sûr du foie, il serait possible de maintenir un vieillard en vie ; mais personne ne sachant rendre le foie et le cœur plus humides, ces viscères, tout comme les artères et les veines, deviennent plus secs au fil du temps, et le vieillissement ne peut être évité ; il est néanmoins possible d’en ralentir la marche. Voilà pourquoi on voit Homère, parmi d’autres, chanter ce fait dans les vers où il parle des vieilles gens :

                                επην λουσαιτο φαγοι τε,
    ευδεμεναι μαλαως, οια δικη εστι γεροντων]. {c}


    1. Autre nom du tabès, cachexie ou phtisie (v. note [9], lettre 93).

    2. Le mot grec employé par Galien est γηροκομικος (gêrokomicos, gerocomice en latin) qui associe γηρας (gêras, vieillesse) et κομιζειν (komizein, prendre soin), suffixe remplacé par ιατρεειν (iatreuein, soigner) dans gériatrie.

    3. Transcription grecque (épên lousaïto phagoï té, eudéménaï malaôs, oïa dikê esti gérontôn) des vers de L’Odyssée traduits dans la première notule {a} supra. Galien ne nommait pas le vieux héros grec que chantait Homère, mais apportait un argument de poids à l’appui d’une confusion entre Nestor et Laërte par ceux qui ont cité ces vers.

  • Nicolas-Abraham de La Framboisière (v. note [17], lettre 7) s’est aussi penché sur la question au chapitre vii, Comment les vieilles gens se doivent gouverner (page 236), livre quatrième de son Gouvernement (Paris, 1608, v. note [15] de la Conservation de santé, chapitre iii) :

    « Jaçoit qu’il {a} fût meilleur de dormir seulement la nuit et veiller le jour, si est-ce qu’il est permis {b} aux vieillards de dormir un peu après le dîner, principalement en été, d’autant qu’ils passent quasi toutes les nuits en veilles, à cause de leur tempérament, qui est sec, et des vapeurs qui s’élèvent ordinairement d’un flegme salé. » {c}


    1. Bien qu’il.

    2. il est néanmoins permis.

    3. « L’autre espèce de pituite [ou flegme] est appelée salée, qui est faite de la pituite, douce de sa nature, qui se pourrit car, quand après que quelques-unes de ses parties ont été cuites et brûlées par la force et vertu de la pourriture, les autres sont mêlées avec la pituite douce, elles contractent cette saveur salée, ce qui < se > voit être fait dedans l’eau de la mer » (Fernel, Physiologie, livre vi, chapitre ix ; Paris, 1655 [v. note [1], lettre 36], pages 596‑597).

  • L’aphorisme d’Hippocrate no 67, 4e section, énonce « Dans les fièvres, des terreurs ou des convulsions, du fait du sommeil, mauvais signe » ; dans le commentaire qu’il en a donné, Galien dit (Kühn, volume 17b, page 748, traduit du grec) :

    Verum et ipsi sæpe vidimus in perniciosis morbis et pavores et labores et convulsiones ex somno concinatos fuisse. Quod accidere videtur, quum in cerebrum noxius humor pervenerit per id temporis intro magis quam foras mota natura. Quin etiam quemadmodum a cibo in somnum collapsis caput repletur, sic plethoricis affectibus somni caput replentes cerebrum obruunt. Si itaque plenitudo magis ad atræ bilis naturam accedat, pavores invadunt ; alioqui si talis non sit, labores sunt et convulsiones.

    [Mais de même, dans les maladies pernicieuses, nous avons souvent vu des terreurs, des douleurs de tête et des convulsions survenir durant le sommeil. Il semble que cela soit dû à l’humeur nuisible que sa nature pousse à pénétrer dans le cerveau, bien plus qu’à en sortir. En outre, tout comme la tête se trouve emplie chez ceux qui s’assoupissent après un repas, de même, dans les affections pléthoriques, {a} les endormissements surchargent le cerveau en emplissant la tête. Surviennent alors des terreurs si la pléthore vient principalement de la bile noire ; sinon, il s’agira de maux de tête et de convulsions].


    1. V. note [8], lettre 5.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre IV, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8171&cln=4

(Consulté le 03/05/2024)

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