Pour être en phase avec les citoyens, le droit devrait pouvoir réguler
l’ordre social avec un temps d’avance, du moins en même temps
que l’évolution des pratiques. Or, le droit est souvent en retard. Il
régularise plutôt qu’il ne devance les moeurs. Les progrès des sciences
et des techniques, sur le vivant particulièrement, sont si rapides,
mais en même temps si difficilement maîtrisables, qu’il devient
malaisé aux représentants de la Nation, de les intégrer pleinement à
la loi. Ainsi sommes-nous contraints à des lois expérimentales ? Le
cas des greffes à partir de donneurs vivants dans le cadre des lois
dites de bioéthiques en est un vibrant exemple. Cette technique
habituellement peu développée en France à la différence de certains
pays nordiques est placée depuis quelques années sur la sellette.
Elle trouve chez nombre de chirurgiens ses défenseurs en raison des
meilleurs résultats obtenus sur les greffés en termes de taux de
survie (programmation de l’opération, greffon sans ischémie, meilleure
compatibilité, même si elle n’est qu’ « affective »,…). Elle
apparaît ainsi comme l’alternative aux transplantations cadavériques
qui ne permettraient pas de sauver suffisamment de vies au
regard du nombre croissant de décès des patients en liste d’attente
faute de greffons disponibles. Cependant la route est longue pour
inverser la tendance, ne serait-ce que pour la compléter, d’autant
que c’est du côté du donneur et non du receveur que se dressent
tous les problèmes juridiques. Le droit, conscient des difficultés que
fait naître cette procédure chirurgicale, s’interroge. Deux séries de
questions se posent aux juristes : d’un côté, celle générale, théorique
qui concerne avant tout la technique du prélèvement qu’elle soit
pratiquée sur une personne en état de mort encéphalique ou sur une
personne vivante. Il s’agit « des droits sur le corps humain » qui
constituera notre première partie où nous traiterons les questions
suivantes : Qui est propriétaire du corps humain, qui peut en disposer
et quelles sont les limites qui autoriseraient à y porter atteinte ?
De l’autre côté, celle spéciale, pratique qui porte uniquement sur le
prélèvement à partir de donneurs vivants. Il s’agit « des devoirs à
l’égard des donneurs » qui constituera notre seconde partie où nous
traiterons les questions suivantes : quelle composition du cercle des
donneurs potentiels, quelle protection autour du consentement du
donneur et de la santé de ce dernier après le prélèvement.
Legal problems related to living donor transplantations
In order to be accepted by citizens, law should plan social order in
advance, at least at the time when customs are changing. Nevertheless
law is often behind the times. It is able to regulate habits rather
than to anticipate them. Scientific and technical progress, especially
when it is biological, is so fast, but so difficult to control, that it
becomes uneasy for the legislator to fully integrate it into the law.
So we are restricted to experimental laws! This is the case as far as
living donor transplantations are concerned by bioethical laws. This
technique, which is rarely developed in southern Europe, in contrast
with some northern countries, is now being discussed. Many surgeons
promote this technique for the excellent results in terms of
the survival rate (the schedule of surgeries, transplants without
ischemia, better compatibility - even if it is only “emotional”- and
so on). Living transplantations appear as the alternative to cadaveric
ones. These are not sufficient to save enough patients registered on
the waiting lists from death due to the lack of available transplants.
However the road will be long to reverse the common practise, even
to complete it, especially because legal problems come from the
donor’s side. Aware of the difficulties inherent to this new surgical
process, legal authorities wonder what to do. Lawyers have to answer
two types of questions: on the one hand, the general question
concerns essentially whether to take the organs from dead bodies or
from living ones theoretically. This is about “the rights on the human
body”. Who is the owner of the human body whether alive or
dead? Who is able to dispose of it and what are the limits of such
authorisations? On the other hand, the specific and practical question
concerns only the removal from living bodies. It is about “the
duties which concern the donors”. Who belongs to the potential
donors’ community? What kind of protection is there for the donor
after organ removal?