Séance du mercredi 8 avril 2009

CHIRURGIE CARDIOVASCULAIRE : LES TECHNIQUES HYBRIDES INNOVANTES
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Daniel LOISANCE

 

 

Introduction

LOISANCE D
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2010, vol. 9 (2), 006-010

Résumé
L’avènement des stents semble aujourd’hui bouleverser les indications et la pratique dans le traitement des pathologies aortiques et ce à tous les étages et des pathologies cardiaques.
Tout est parti de Hans Wallsten, fondateur de Medinvent qui au début des années 80 a imaginé les « coils » qui vite deviendront les stents pour renforcer la paroi des vaisseaux fragiles ou éviter la resténose après dilatation endovasculaire. Les travaux expérimentaux conduits au Centre de Recherche Chirurgical au CHU Henri Mondor et les premières implantations réalisées après dissection aigue de l’aorte descendante avaient cependant montré les nombreux problèmes possibles aussi bien à court terme qu’à long terme. L’enthousiasme de l’industrie a changé la donne.
Aujourd’hui toutes la plupart des lésions sont accessibles : les lésions coronaires, les lésons valvulaires aortiques et pulmonaires, bientôt les lésions mitrales, de nombreuses malformations cardiaques congénitales et pratiquement quelque soit leur localisation et leur présentation clinique, les lésions aortiques.
Une évaluation rigoureuse des résultats apparaît cependant nécessaire tant à court terme que à long terme, et leur comparaison aux traitements actuels tant médicaux que chirurgicaux traditionnels pourrait ramener les chirurgiens « hybrides » à une approche plus raisonnée. Il n’en resta pas moins vrai que le progrès technologique est continu et que ces techniques ont une place dans un arsenal thérapeutique aujourd’hui très élargi.
Les implications dans la formation des jeunes chirurgiens et l’organisation des blocs opératoires sont considérables.

 

L’aorte ascendante et la crosse

KIRSCH M (Paris)

Résumé
La pathologie chirurgicale de la crosse de l’aorte est dominée par les dissections et les anévrysmes. Le remplacement chirurgical d’une portion ou de la totalité de la crosse aortique est une procédure délicate en raison 1) de son orientation oblique dans le médiastin supérieur compliquant l’abord chirurgical et 2) de la naissance des artères à destinée cérébrale exposant le patient à des complications neurologiques peri-opératoires.
Les lésions de la crosse aortique s’étendant sur l’aorte thoracique descendante sont le plus souvent traitées en deux temps par la technique dite de la « trompe d’éléphant » proposée par C. Borst en 1983. Toutefois, la mortalité globale de cette stratégie reste conséquente car elle combine la mortalité de deux opérations successives et celle de la rupture anévrysmale pendant l’intervalle.
Contrairement à l’aorte thoracique descendante ou abdominale, la complexité anatomique de la crosse interdit pour l’instant une solution endo-vasculaire pure. Toutefois, différentes approches hybrides, combinant un geste de chirurgie conventionnelle et un geste endo-vasculaire, ont été proposé ces dernières années. Les premiers résultats obtenus sont encourageants et promettent un enrichissement important de la palette thérapeutique dont disposera le clinicien pour traiter ces lésions complexes.

 

Les endoprothèses pour le traitement de la pathologie de l’aorte descendante

BECQUEMIN JP (Paris)

Résumé
Les techniques endovasculaires représentent un progrès majeur dans le traitement de la pathologie de l’aorte thoracique descendante. La chirurgie classique requiert une voie d’abord thoracique ou thoraco-abdominale source de séquelles fonctionnelles parfois invalidantes, un remplacement de l’aorte pathologique avec ses risques cardiaque, pulmonaire, rénal et médullaire. L’industrie a mis au point une grande variété d’endoprothèses qui permet de répondre à la majorité des situations cliniques. La mise en place peut être faite sous anesthésie locale et par voie percutanée diminuant d’autant l’agression chirurgicale. L’analyse des travaux publiés entre 1995 et 2005 par l’HAS a montré que les endoprothèses pour les anévrysmes, dissections et les ruptures de l’isthme présentaient un bénéfice en terme de mortalité opératoire et de morbidité sévère. L’incidence de paraplégie était de 2.1% (0%-7%) pour les endoprothèses contre vs 5% (3%-15%) pour la chirurgie. Les endoprothèses fenêtrées et branchées permettent maintenant le traitement des anévrysmes thoraco-abdominaux. Ces techniques considérées comme expérimentales il y a quelques années font actuellement partie des traitements de première intention. Un suivi régulier des patients traités est nécessaire pour valider les résultats à long terme.

 

L’orifice mitral

PERIER P (Allemagne)

Résumé
Si les premières expériences de reconstruction mitrale ont débuté en 1960 sous l’impulsion de Dwight McGoon , c’est Alain Carpentier qui va, à partir de 1968 développer la conceptualisation et assurer le développement de la chirurgie mitrale reconstructrice.
Le concept de l’approche fonctionnelle, internationalement reconnue comme la « correction française » est à la base de toute une série de techniques chirurgicales visant à reconstruire la surface de coaptation entre les deux feuillets valvulaires. Ce sera l’annuloplastie de remodelage, la résection quadrangulaire, les raccourcissements de l’appareil sous valvulaire, les transpositions de cordages, la plastie de glissement qui seront développés étape par étape pour répondre à de nouveaux besoins. L’utilisation de cordages artificiels, a ouvert de nouvelles possibilités, et l’annuloplastie restrictive a répondu à la spécificité de l’insuffisance mitrale fonctionnelle.
Trente années de pratique ont montré que les résultats de la reconstruction mitrale étaient stables et reproductibles autorisant à opérer des malades à un stade précoce, et ainsi d’obtenir une survie à long terme équivalente à celle d’une population de référence normale. Les sociétés scientifiques ont adapté en conséquence les recommandations en matière d’indications opératoires.
L’apparition de l’échographie transœsophagienne et l’utilisation du Doppler couleur dans le milieu des années 80, ont transformé la pratique de la chirurgie mitrale reconstructive permettant une analyse préopératoire précise et offrant un outil de contrôle des résultats améliorant la sécurité de ces opérations.
Depuis une dizaine d’année, le recours à des techniques de chirurgie moins invasive a permis de réduire le traumatisme chirurgical, les douleurs postopératoires, la durée de la convalescence. La dissémination de ces techniques est lente, mais certaine.
Une autre voie s’ouvre déjà, le recours à une approche percutanée, que ce soit pour réaliser des annuloplasties ou pour réaliser des gestes sur les valves. Des protocoles d’investigation sont en court.
Le domaine de la réparation mitrale, actuellement dans sa maturité, est en mutation constante. Le développement d’explorations non invasives permet de mieux comprendre, de raffiner des techniques chirurgicales déjà éprouvées. La multiplication de centres d’excellence, des efforts pédagogiques constants permettront une meilleure diffusion de la technologie de façon à faire bénéficier à encore plus de malades des avantages indéniables de la reconstruction mitrale.

 

Les artères coronaires

JEGADEN O (Lyon)

Résumé
L’apport de la technique robotique en chirurgie de coronaire constitue un pas en avant important puisqu’elle permet enfin la réalisation totalement endoscopique d’anastomoses coronaires du fait de la vision en trois dimensions et d’instruments adaptés à la microchirurgie. Le télémanipulateur robotique doit être considéré avant tout comme un outil dont l’utilisation est soumise à un minimum de pré requis dont une expérience en vidéo chirurgie et en chirurgie coronaire sans CEC. Notre expérience actuelle dans ce domaine porte sur 150 cas et nous avons travaillé dans deux directions : la réalisation des anastomoses de façon endoscopique (technique TECAB) ou la réalisation des anastomoses par mini-thoracotomie en vision directe (technique MIDCAB). Nous avons analysé les résultats de la revascularisation isolée de l’IVA dans l’intention de traiter ; si le choix de la technique n’a pas d’incidence sur la survie, la technique TECAB s’accompagne d’un tau d’échec primaire avec revascularisation itérative précoce de 4 %. L’amélioration de la technique (shunt coronaire, Uclips) nous a permis d’optimiser ces résultats précoces ; néanmoins la réalisation manuelle en vision directe de l’anastomose coronaire reste la technique de référence qu’il convient de réaliser dés que les conditions sont défavorables pour un geste complètement endoscopique. La revascularisation coronaire hybride associant TECAB et Stenting par cardiologie interventionnelle est actuellement le concept le moins invasif permettant une revascularisation coronaire complète avec des résultats optimaux.

 

La valve aortique transcatheter

BESSOU JP, LITZLER PY, ELTCHANINOFF H, TRON C, CRIBIER A (Rouen)

Résumé
Le rétrécissement aortique calcifié est la cardiopathie valvulaire de l'adulte la plus répandue, elle s'observe le plus souvent au delà de 60 ans et le pronostic spontané d'évolution de cette valvulopathie lorsque les symptômes sont apparus, est extrêmement péjoratif avec un taux de survie à 2 ans inférieur à 30 %. Le traitement de cette valvulopathie est le traitement chirurgical et consiste en un remplacement valvulaire aortique par une prothèse qui peut être mécanique ou biologique sous CEC et arrêt cardioplégique de l'activité cardiaque. Malgré le caractère agressif de cette chirurgie, les résultats cliniques sont excellents avec d'une part une mortalité opératoire faible, même chez des gens de plus de 80 ans, environ 8 %, et ne cessent de s'améliorer. Le pronostic fonctionnel à moyen et long terme est lui aussi excellent avec généralement une disparition rapide des symptômes d'insuffisance cardiaque et une reprise d'activité physique très proche de la normale. Un certain nombre d'études épidémiologiques ont cependant montré que malgré ces excellents résultats, environ 30 à 40 % des patients ne sont jamais adressés au chirurgien pour des raisons variables, parmi lesquelles on retiendra principalement le grand âge, la présence de comorbidités importantes faisant craindre une issue défavorable du traitement chirurgical et/ou une altération de la fonction systolique du ventricule gauche avec diminution de la fraction d'éjection. Le traitement médical conventionnel étant peu efficace sur ce type de cardiopathie, il n'existait pas jusqu'à récemment d'alternative au traitement chirurgical, les patients ne relevant pas du traitement chirurgical étant laissés sous traitement médical avec un pronostic catastrophique.
Il revient à l'équipe de Cardiologie d'Alain Cribier (Hôpital Charles Nicolle CHU de Rouen) d'avoir proposé en 1998 la première alternative à la chirurgie grâce à une dilatation par ballonnet de l'orifice aortique mais la fréquence et la gravité des resténoses observée rapidement après ce type de manœuvre (80% à un an) ont abouti à l'abandon de cette thérapeutique par la plupart des équipes. Les autres la réservant à des patients totalement inopérables dans un but compassionnel.
Depuis 1999 et après plusieurs années d'expérimentation animale et sur cadavre, l'équipe d'Alain Cribier a proposé l'utilisation d'une valve biologique insérée au sein d'un stent expandable par ballonnet inséré au sein des calcifications des valves aortiques susceptibles d'être implantées par voie de cathétérisme. La première implantation de ce type de valve a été réalisée à Rouen par A. Cribier le 16 Avril 2002. Le concept de valve aortique implantée par cathétérisme était né.
Actuellement, 2 modèles de valve sont expérimentés, l'un développé par la Société Edwards Life Science en collaboration avec le Pr Cribier, valve de Cribier Edwards puis Edwards Sapien et la valve auto expansible Corevalve développée par la Société Corevalve Revolving System dont la première implantation a été réalisée en 2004. Plus de 2500 patients ont actuellement été implantés avec ces 2 valves dans le cadre de différentes études de faisabilité chez des patients à haut risque chirurgical, le marquage CE de ces dispositifs a été obtenu en 2007 permettant leur commercialisation en Europe et en France.
Deux principales voies d'abord ont été proposées pour ces dispositifs, la voie transfémorale rétrograde permettant d'implanter la valve au niveau de l'orifice aortique par un cathétérisme rétrograde de l'aorte à partir d'une des artères fémorales mais rapidement chez des patients de ces âges, est apparue la nécessité d'éviter le passage de la valve par l'axe aorto-iliaque souvent tortueux et rétréci par des lésions d'artérite et une 2ème voie d'abord par mini thoracotomie en abordant directement la pointe du cœur a été employée chez les patients pour lesquels l'usage de la voie rétrograde transfémorale n'était pas possible.
Actuellement les 2 systèmes Corevalve et valve Edwards Sapien sont en évaluation et les implantations par voie fémorale et par voie trans apicale sont en cours d'évaluation. La plus longue implantation réalisée chez l'homme est celle d'une valve de Cribier Edwards actuellement à 5 ans de son implantation et qui fonctionne de façon satisfaisante. De multiples études et registres sont actuellement en place en France et dans les pays d'Europe ainsi qu'aux Etats Unis pour évaluer à court moyen et bientôt à long terme l'efficacité et la durabilité de ces dispositifs. Il est encore trop tôt pour pouvoir évaluer le champ réel d'application de ces nouvelles techniques dans la chirurgie de l'orifice aortique.

 

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