Séance du mercredi 13 mai 2015

ACTUALITÉS SUR LA CHIRURGIE DES TUMEURS DE L’ŒSOPHAGE ET DE LA JONCTION OESO-GASTRIQUE
14h30-17h00, Les Cordeliers
Modérateur : Denis COLLET (Bordeaux)

 

 

Introduction de la séance

 

Évolution des résultats de la chirurgie pour le traitement des cancers de l’oesophage au cours des 30 dernières années. Résultats comparés de deux études de l’AFC

COLLET D, MARIETTE C, MEUNIER B

Résumé
En 1986 et 2013, l’Association Française de Chirurgie a publié un rapport sur le cancer de l’œsophage. Traditionnellement, ces rapports s’appuient sur une revue de la littérature et sur une enquête multicentrique rétrospective réalisée auprès des membres de l’AFC. La comparaison des deux enquêtes réalisées à 27 ans d’intervalle est l’occasion de mesurer les progrès accomplis dans la prise en charge de cette pathologie grave.
L’enquête de 1986 regroupait 3110 patients opérés dont 2104 résections, et celle de 2013 2944 résections. On note la disparition complète de la chirurgie palliative en 2013, du fait de la performance des endoprothèses auto expansibles mises au point récemment.
Histologie : Le taux des cancers épidermoïdes est passé de 88 à 46 %, et celui des adénocarcinomes de 7 à 51 %. Corrélativement, le site des tumeurs s’est déplacé vers le bas avec 29% de tumeur du 1/3 inférieur en 1986 et 38 % en 2013, si on ne tient pas compte des cancers de la jonction oeso-gastrique qui étaient inclus en 2013. Le stade tumoral préthérapeutique était par ailleurs comparable entre les deux études.
Intervention : l’intervention de Lewis Santy reste l’intervention de référence, elle était réalisée dans 64% des résections en 1986 et 44% en 2013. L’oeso-gastrectomie polaire supérieure par thoraco-phréno-laparotomie gauche qui était réalisée dans 14% des cas n’est plus réalisée en 2013, les interventions par 3 voies, type Mac Kéon ou Akiyama étaient réalisées respectivement dans 16 et 12% des cas. En 2013, l’abord abdominal était réalisé par laparoscopie dans 15% des cas.
La mortalité des résections est passée de 17% en 1986 à 7,4 % en 2013. La comparaison des chiffres de morbidité n’est pas possible puisqu’elle était comptabilisée de façon différente, systématisée selon la classification de Dindo Clavien en 2013.
Le taux de fréquence des fistules n’a pratiquement pas varié, en revanche la mortalité des fistules est passée de 38 à 15 %, de même la mortalité des complications respiratoires est passée de 5,7 à 2,4 %
La survie globale à 5 ans toutes classes confondues est passée de 18,8 à 40 %. Cette amélioration de la survie s’observe sur tous les stades tumoraux, et particulièrement sur les tumeurs débutantes.
Quelques commentaires peuvent être faits à partir de cette étude rétrospective multicentrique réalisée au sein d’une même population chirurgicale :
Le profil épidémiologique des cancers de l’œsophage a radicalement changé au cours des 30 dernières années, avec une majorité actuelle d’adénocarcinomes. Les corollaires sont le changement du type de patients avec une très nette diminution de l’intoxication alcoolo-tabagique et des co-morbidités associées, et également la situation de la tumeur plus distale dans une région plus « chirurgicale » à distance de l’axe trachéo-bronchique
La chute importante de la mortalité postopératoire est la conséquence d’une meilleure sélection des patients, et surtout de l’amélioration de la prise en charge péri-opératoire.

 

Impact des soins péri-opératoires sur les suites des résections œsophagiennes

FLEUREAU C, DEWITTE A, JOANNES-BOYAU O, CARLES P, CHASTEL B, OUATTARA A (Bordeaux)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (3), 080-083

Résumé
La chirurgie de l’œsophage est associée à une morbidité post-opératoire élevée avec, principalement, des complications respiratoires. Durant ces dernières années les progrès des techniques chirurgicales ont permis de réduire la morbidité chirurgicale. La prise en charge des facteurs de risque de complications respiratoires favorise une meilleure sélection des patients, avec des critères objectifs pouvant peser sur l’indication chirurgicale. Ces patients bénéficient désormais d’une estimation de l’état nutritionnel avec une immunonutrition débutée dès la période pré-opératoire. Les progrès en matière de ventilation uni-pulmonaire et la ventilation protectrice per-opératoire sont le résultat des avancées de la dernière décade sur la physiologie respiratoire permettant de limiter l’agression de la ventilation mécanique sur l’alvéole pulmonaire. L’optimisation du remplissage vasculaire en cours de chirurgie grâce à un monitorage hémodynamique invasif et adapté contribue à la diminution de la réaction inflammatoire post-opératoire. L’analgésie multimodale avec anesthésie péridurale systématique, et la ventilation non invasive font partie intégrante des techniques de réhabilitation précoce en post-opératoire, autorisant la mobilisation et la mise rapide au fauteuil, éléments majeurs dans la prévention des complications respiratoires. Ceci ne peut se faire sans la forte implication des kinésithérapeutes qui, dans notre service, sont largement sollicités dans les protocoles de prise en charge des résections de l’œsophage.

Commentateur : Christophe MARIETTE

 

Traitements endoscopiques des tumeurs superficielles de l’œsophage

CHABRUN E (Bordeaux)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (3), 077-079

Résumé
Le traitement endoscopique des lésions cancéreuses œsophagiennes est indiqué pour les tumeurs superficielles non métastatiques, T1a voir T1b sm1 dans certaines conditions.
Les deux modalités de traitement endoscopique sont la résection et la destruction.
Afin que l’analyse histologique soit précise, la tumeur doit être réséquée en monobloc. Aussi, le moyen de résection dépend de l’extension en surface de la lésion. Pour les lésions ne dépassant pas 15mm, le moyen utilisé est la mucosectomie standard. Pour les lésions de plus de 15mm, la technique proposée doit être la dissection sous-muqueuse endoscopique (ESD). L’ESD est exigeante, quasi chirurgicale et demande une longue formation en pas-sant par l’animal. De nombreuses équipes européennes ont montrés que, dans des mains entrainées, il s’agit d’une technique efficace et sûre permet-tant de réduire les récidives locales tout en prenant des risques faibles de complications.
La technique de destruction privilégiée est la radiofréquence œsophagienne (RF). C’est une nécrose de coagulation du tissu sur 0.5 à 1mm d’épaisseur. Elle est indiquée pour le traitement curatif de l’œsophage de Barrett (OB) diffus ou multifocal, avec une dysplasie de haut grade ou un carcinome in situ sans nodule accessible à une résection endoscopique. Toute lésion nodulaire au sein d’un OB doit être réséquée par mucosectomie ou dissection sous-muqueuse. Si la résection est complète et la lésion intra-muqueuse, l’OB restant devra être détruit par RF dans un deuxième temps (technique combinée). Les résultats dans le carcinome épidermoïde sont médiocres, il faut rester prudent et privilégier, dans cette indication, les techniques de résection.

 

L'intervention de Merendino et autres innovations techniques

MEUNIER B (Rennes)

Résumé
Inventée par ALVIS MERENDINO, cette intervention consistait à réaliser une anse intermédiaire de jéjunum, visant à remplacer la jonction oesogastrique, réséquée pour des raisons physiologiques ou anatomiques. Les indications initiales portaient sur toutes les anomalies de la relaxation sphinctérienne ou de la jonction œsocardiale, cardiospasme. Ces indications ont cédé la place aux volumineux léiomyomes et GIST de la jonction, aux rares traumatismes et aux petits cancers superficiel de la jonction oesogastrique.
L’avantage étant l’absence de temps thoracique, et la protection contre le reflux gastro-oesophagien du fait d’un mécanisme anti reflux.
Dans les années 2003-2005, cette intervention est remise à l’ordre du jour par Siewert qui publie de bons résultats tant sur le plan fonctionnel que carcinologique pour les tumeurs superficielles T1a voir T1b du bas œsophage.
Depuis, Hulscher, pour des raisons carcinologiques n’a réservé cette intervention qu’aux échecs des traitements locaux d’adénocarcinomes T1A sur Barrett voir aussi les dysplasies de haut grade multifocale, restriction d’indications d’autant plus justifiée, devant les résultats fonctionnels peu convaincants de la série prospective de Zapletal, comparant le Levis Santy au Médenrino.
En ce qui concerne les innovations techniques, on ne qu’être attentif devant :
-les premiers résultats des protocoles ERAS dans la chirurgie œsophagienne
-le bénéfice à effectuer une cœlioscopie abdominale pour le Levis
-la possibilité d’effectuer une énucléation pour les GIST de moins de 65 mn
-l’augmentation du taux de réponse à la radio chimiothérapie en fonction du délai de la chirurgie
-l’obligation de ne pas stenter les patient devant bénéficier d’une chirurgie d’exérèse.

Commentateur : Georges MANTION

 

Etat actuel des abords mini invasifs en chirurgie oeso-gastrique

CARRERE N (Toulouse)

Résumé
L’abord mini-invasif par laparoscopie est la règle en chirurgie de l’obésité. En chirurgie oeso-gastrique oncologique, les abords mini-invasifs avec ou sans assistance robotique, ont également été développés dans le but de diminuer la morbi-mortalité.
Les oesophagectomies mini-invasives correspondent à diverses interventions totalement mini-invasives (laparoscopie et thoracoscopie) ou bien mini-invasives hybrides (laparoscopie et thoracotomie, ou laparotomie et thoracoscopie). Les études évaluant ces différentes techniques sont hétérogènes, souvent rétrospectives et unicentriques. Si la faisabilité est démontrée, l’intérêt de ces différentes procédures reste discuté. Une diminution de la morbidité, notamment respiratoire, est suggérée sans affecter les résultats oncologiques. En particulier, la technique hybride associant laparoscopie et thoracotomie a été évaluée dans l’étude randomisée multicentrique française MIRO. Les résultats sont clairement en faveur de l’abord mini-invasif comparé à la technique classique de Lewis-Santy, avec une diminution de la morbidité postopératoire majeure dans le groupe laparoscopie. L’intérêt de la thoracoscopie reste en revanche insuffisamment documenté pour émettre des recommandations.
Les gastrectomies pour cancer semblent réalisables dans de bonnes conditions par les équipes entrainées. L’analyse de grandes séries asiatiques permet de justifier l’abord laparoscopique pour des gastrectomies distales en cas de tumeurs superficielles ou de stade I, avec un bénéfice en terme de suites opératoires. Il persiste toutefois des doutes quant à la qualité du curage ganglionnaire et aux résultats oncologiques à long terme. Les données publiées ne permettent pas pour le moment de recommander l’abord laparoscopique pour des tumeurs infiltrantes proximales, ou de stade II ou III après chimiothérapie, qui correspondent aux principales indications de gastrectomie en occident.

Commentateur : Philippe MARRE

 

Etat de la recherche sur les cancers de l’œsophage et de l’estomac en France : la base clinico-biologique FREGAT

MARIETTE C (Lille)

Résumé
Alors que l’incidence des cancers oesogastriques est particulièrement élevée en France, leur pronostic reste sombre et la recherche avance lentement comparativement à d’autres cancers.
Il y a donc urgence à intensifier la recherche sur ces cancers et à mettre en place un outil large et ambitieux qui puisse répondre aux questions scientifiques d’aujourd’hui et de demain. Cette recherche doit passer par une approche personnalisée afin d’identifier les déterminants cliniques, biologiques, tumoraux liés à la résistance aux traitements anti-tumoraux, tout en cherchant à expliquer les caractéristiques épidémiologiques, sociales et comportementales. La création d’une base de données prospective nationale dédiée aux patients porteurs d’un carcinome oeso-gastrique, incluant des données épidémiologiques, cliniques médicales et chirurgicales, tumorales, de suivi, de sciences humaines et sociales et s’appuyant sur une collection de tumeur et de sang, est donc un enjeu majeur et indispensable en France. La base clinicobiologique prospective FREGAT, financée et labellisée par l’INCa en 2012, fédère la très grande majorité des équipes cliniques des CHU et des CLCC du pays qui prennent en charge la majorité de ces cancers. Elle s’appuie sur de nombreux réseaux existants, la plupart labellisés par l’INCa associés à des contrôles de qualité effectifs (réseaux tumorothèques et Centres de Ressources Biologiques, réseaux des Registres de Cancers et Centres de Traitement de Données (CTD), et plates-formes reconnues (CTD Cancéropôle Nord-Ouest labellisé par l’INCA, Sciences humaines et sociales, Épidémiologie, Méthodologie et Biostatistiques, Plateforme de qualité de vie) qui assurent sa réalisation, son efficience et sa qualité. A côté du dynamisme des inclusions ouvertes en Janvier 2015, la création d’un contrat public-multipartenaires industriels et l’agrégation de projets scientifiques nationaux et européens, en font un outil incontournable de la recherche sur ces cancers.

Commentateur : Denis COLLET