L. 375.  >
À Charles Spon,
le 20 octobre 1654

Monsieur, [a][1]

Je vous ai écrit la dernière fois par un nommé M. Aubouin, [2] Saintongeois qui s’en allait prendre ses degrés à Montpellier. [3] Depuis ce temps-là, nous apprenons que le prince de Conti [4] est bien malade en Catalogne [5] et qu’on a envoyé à Montpellier y chercher des médecins pour lui. [1] Eusèbe Renaudot [6] est retombé malade pour une troisième fois. Il a une fièvre lente [7] avec une altération, un dégoût étrange et une grande douleur de tête. Ses amis qui l’assistent soupçonnent qu’il a quelque chose dans la tête, ou au moins sous le crotaphite, [2][8] et délibèrent de lui faire appliquer un cautère [9] ad illam partem, quod tamen hactenus tentare ausi non sunt[3] Il confesse que son mal lui vient de s’être servi par ci-devant, de remèdes trop forts ; qu’il reconnaît bien maintenant, mais trop tard, sa faute et son malheur ; et a lui-même fort mauvaise opinion de son mal et admodum metu mortis perculsus[4] Ne voilà pas de beaux effets du vin émétique ? [10] Il est vrai que parmi ses lamentations, il proteste que jamais il ne donnera de ce misérable vin ; et moi, Dieu aidant, je n’en donnerai ni n’en prendrai jamais. Le bonhomme M. de Montbazon, [11] un des vieux seigneurs de la cour, est mort en Touraine en sa maison de Couzières. [5][12] Le roi [13] est ici attendu dans trois jours, où l’on dit qu’il revient particulièrement à cause du Mazarin [14] qui maxima laborat suspicione calculi in vesica latentis[6] Gare la taille [15][16] à celui qui en a tant taillé d’autres.

M. Barbier [17] votre imprimeur a fait il y a quelques années un petit livret in‑4o touchant un mot de géographie qui est Bibracte[18] qui est un nom de quelque ville de l’ancienne Gaule dans César. [7][19][20] Je vous prie de me l’acheter, comme aussi ce qu’il a imprimé de pulvere febrifugo de M. Chifflet. [8][21][22]

Au reste, le présent porteur est mon bon ami et voisin nommé M. Moreau, [9][23] marchand de Paris, lequel vous rendra la présente. Je vous prie de lui faire connaître que vous êtes mon bon ami ; et si d’aventure il arrivait qu’il fût malade à Lyon, obligez-moi d’avoir du soin de lui comme si c’était moi-même. Et je serai par tant de divers témoignages d’affection obligé de continuer à me dire tout le reste de ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 20e d’octobre 1654.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 octobre 1654

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0375

(Consulté le 29/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.