L. 657.  >
À Charles Spon,
le 15 décembre 1660

Monsieur, [a][1]

Je n’ai point voulu laisser partir de Paris cet honnête homme, présent porteur, nommé M. Thomas de Heeb, [2] Hollandais qui s’en va promener en Italie en passant auparavant par Montpellier, sans lui donner un petit mot de ma main qui lui servirait d’adresse pour avoir l’honneur de vous saluer et de vous connaître. Vous le trouverez fort sage et modeste. M. Dinckel [3] est parti d’ici depuis jours, [1] pour s’en retourner en sa ville de Strasbourg sur un cheval qu’on lui avait envoyé, et a pris son chemin par Nancy. [4] La rivière [5] avait jusqu’ici été trop basse ; elle a grossi moyennant quelques pluies, mais elle est devenue si grosse et est tellement enflée que rien ne peut venir. Cela est cause que les deux paquets de livres que j’attends de Hollande ne peuvent venir. Il y a là-dedans, entre autres, une histoire ecclésiastique ab Adamo ad Christum ; [6] Disputationum theologicarum et Theseωn Gisberti Voetii Pars 3[7] in‑4o, j’ai céans les deux autres ; Eruditorum virorum Epistolæ, on dit qu’elles sont de Vossius, [8] Heinsius, [9] Barlæus [10] et autres savants de ce genre. J’ai bien envie de voir cela, il y a quelques années que l’on voulut imprimer celles de Barlæus à part, mais le magistrat ne le voulut permettre propter dissidium quod pepererat controversia Arminianorum. Vive, vale cum tua suavissima et carissimo Falconeto[2][11] Le cardinal Mazarin [12] est mieux de sa goutte. [13] On dit qu’il a l’usage de la main, et qu’il s’en sert et signe des dépêches. Il se plaint fort de ses médecins, savoir de Vallot, [14] Esprit [15] et Guénault, [16] et s’est laissé persuader par un chirurgien de prendre du lait de vache [17] qui ne lui vaut rien et qui ne fera que de l’ordure dans son corps, in quo viscera iam satis superque sordescunt. Vive et vale.

Tuus ex animo, Guido Patin[3]

De Paris, ce 15e de décembre 1660.


a.

Ms BnF no 9358, fo 188, « À Monsieur,/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine, Conseiller/ et médecin ordinaire du roi,/ À Lyon [remplaçant Rouen, barré]. » À côté de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1660./ Paris, 15 décemb./ Lyon, adi xi janv./ 1661./ Par M. Thomas de Heeb/ Risp. 15 février. Item./ adi 25 dudit, amplement. »

1.

Guy Patin sous-entendait probablement « quelques jours ».

2.

« à cause de la division que la controverse des arminiens {a} avait engendrée. Vive et vale, avec votre très douce et le très cher Falconet. »

Les ouvrages précédemment cités par Guy Patin étaient :

3.

« où les viscères se dégradent tant et plus. Vive et vale. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 15 décembre 1660

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(Consulté le 05/05/2024)

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