L. 819.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 16 avril 1665

Monsieur, [a][1]

Il y a longtemps que je vous cherche et que je suis en peine de votre santé, c’est pourquoi je vous écris la présente. Je ne souhaite de vous autre chose que vos bonnes grâces et la continuation de votre amitié, de laquelle j’ai maintes fois ressenti de très bons et agréables effets. On ne parle ici que du grand appareil de guerre qui est en Hollande contre les Anglais. [2] M. le duc de Verneuil, [3] fils naturel de Henri iv[4] est parti pour Londres de la part du roi [5] pour tâcher de faire la paix entre ces deux partis. [1] Nous n’avons ici rien de nouveau in re litteraria[2] On fait à Lyon une nouvelle édition du Sennertus[6] à laquelle seront ajoutées Epistolæ medicinales Sennerti et Döringii[3][7]

Ce 12e d’avril. J’avais hier commencé cette lettre dans le dessein de l’achever et de vous l’envoyer dans trois jours par Leyde ; [8] mais voilà monsieur votre neveu [9] qui entre et qui me rend votre lettre et les trois livres de votre part. J’ai été tout réjoui de le voir. Je vous remercie de tous vos présents et du Calendarium Romanum[4][10] Mon fils aîné [11] mènera monsieur votre neveu chez M. Leschassier [12] et y fera vos recommandations[5] On travaille tous les jours à l’impression du livre de M. Joncquet, [13] in‑fo, qui sera intitulé Hortus regius Parisiensis. On nous promet qu’il sera achevé vers la fin du mois de juin ; et moi, je vous promets de vous en envoyer un dès qu’il sera achevé, per viam tutam[6] savoir par un marchand que j’ai en main, qui trafique à Leyde. Ce sera un bel ouvrage, fort copieux et bien étoffé. Je tâcherai d’y joindre les autres que désirez. Terret me pertinax illa tua valetudo, et nimium frequens recidiva[7] il faut à ce renouveau que vous ayez recours à la saignée [14] du bras droit et huit jours après, du bras gauche, chaque fois trois palettes, i. huit onces ; et par après, vous serez purgé [15] avec séné [16] et sirop de roses pâles, [17] quatre fois, de cinq en cinq jours. Apage pulveres illos chymicos, pilulas omnes, et omnia medicamenta ex aliis composita[8] Je vous enverrai aussi le livre de M. Leschassier [18] avec les autres : [9] avec les autres : voilà que je viens de le toucher et de le mettre à part. Après vous avoir donné tant de peine pour mes livres et mes curiosités, je vous supplie de me permettre que je vous envoie le billet ici inclus, pour quelques livres que je désire encore de recouvrer et pour le prix desquels je satisferai ex iure et æquo[10] Faites-en à votre commodité sans que cela vous incommode. Je serais d’avis que monsieur votre neveu allât prendre ses degrés en droit à Angers : [19] il en aura bon marché et de plus, j’y ai des amis qui auront soin de lui, tant de médecins que de professeurs en droit, auxquels je le recommanderai. Te, sorores omnes et tuam familiam saluto, cum D. Mart. Schoockio et aliis faventibus. Vale, vir clarissime, et me ama. Tuus ex animo[20][21]

Guido Patin.

Parisiis die Iovis 16. Aprilis 1665.

Cl. virum et amicum nostrum Mart. Schoockium ex animo saluto. Quandonam veniet libri sui de Cervisia secunda editio, adaucta et illustrata ? Vale[11][22]


a.

Brant, Epistola lxxxvii (pages 266‑268). L’Universiteit Leiden Bibliotheken conserve l’original autographe (v. note [a], lettre 680), « À Monsieur/ M. Christian Utenbogard,/ Docteur en Médecine,/ À Utrecht », avec cette annotation au bord inférieur de la feuille : Respondi 25 Julii 1665 [Ai répondu le 25 juillet 1665]. Le manuscrit ne diffère de l’imprimé que par quelques menus détails que j’ai restaurés.

1.

Louis xiv a lui-même expliqué l’hésitation dans laquelle il allait bientôt se trouver (Mémoires, tome 1, pages 103‑104, année 1666) :

« La mort du roi d’Espagne {a} et la guerre des Anglais contre les Provinces-Unies {b} étant arrivées presque en même temps, m’offraient à la fois deux importantes occasions de faire la guerre, l’une contre l’Espagne, pour la poursuite des droits qui m’étaient échus, {c} et l’autre contre l’Angleterre, pour la défense des Hollandais.

Ce n’est pas que le roi de la Grande-Bretagne ne me fournît un prétexte assez apparent pour me dégager de cette dernière querelle, disant que par le traité qui m’engageait aux Hollandais, je ne leur avais promis mon assistance qu’en cas qu’ils fussent attaqués et qu’ainsi, je ne leur devais aucun secours en cette rencontre dans laquelle ils étaient les agresseurs.

Mais quoiqu’il m’eût été fort commode de me laisser persuader à cette raison, comme je savais au vrai que l’agression venait de la part de l’Angleterre, je voulus agir de bonne foi, suivant les termes de mon traité.

Je différai pourtant, autant que je pus, à me déclarer pour tâcher à les mettre d’accord ; mais mes efforts étant inutiles, craignant qu’enfin les deux partis ne s’accordassent d’eux-mêmes à mon préjudice, je résolus de prendre celui auquel ma parole était engagée. »


  1. Le 17 septembre 1665.

  2. Déclarée le 4 mars, v. note [4], lettre 808.

  3. Sur la succession d’Espagne par le mariage de Louis xiv avec l’infante Marie-Thérèse, fille de Philippe iv.

2.

« en librairie. »

3.

Les « Lettres médicales de Sennert et Döring » allaient paraître pour la première fois dans troisième édition lyonnaise, {a} revue et augmentée, des :

Danielis Sennerti Vratislaviensis, doctoris et professoris medicinæ in Academia Vittebergensi, Operum in quinque tomos divisorum….

[Œuvres de Daniel Sennert, de Breslau, docteur et professeur public de médecine en l’Université de Wittemberg, divisées en cinq tomes…]. {b}


  1. V. notes [20], lettre 150, pour la première (1650), et [9], lettre latine 35, pour la deuxième (1654-1656).

  2. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1666, in‑fo, édition établie par Charles Spon et dédiée à Guy Patin avec la même épître qu’en 1650 (v. note [38], lettre 224).

  1. tome i (306 pages) :

    • Epitome Scientiæ Naturalis [Abrégé de science naturelle] ;

    • Hypomnemates Physica [Mémoires physiques] ;

    • Methodus discendi Medicinam [Méthode pour apprendre la médecine] ;

    • De Consensu et dissensu Chymicorum cum Galenicis [Accord et désaccord entre les chimistes et les galénistes] ;

    • De Origine Animarum in Brutis [Origine des esprits chez les bêtes].

  2. tome ii (870 pages) :

    • Institutionum Medicinæ, Libri quinque [Cinq livres des Institutions de médecine] ;

    • De Febribus, Libri quatuor [Quatre livres sur les Fièvres] ;

    • Fasciculus Medicamentorum contra Pestem [Fascicule des Médicaments contre la Peste].

  3. tome iii (622 pages) : Praticæ Libri Primus, Secundus, et Tertius [Livres premier à troisième de la Pratique].

  4. tome iv (1 098 pages) :

    • Praticæ Liber quartus, De Mulierum et Infantium affectibus præter naturam [Quatrième livre de la Pratique, sur les Maladies contre nature des femmes et des enfants] ;

    • Praticæ Liber quintus, de Partium externarum Morbis et Symptomatibus [Cinquième livre de la Pratique, sur les Maladies et les symptômes des parties externes] ;

    • De Arthritide, Tractatus [Traité sur la Goutte] ;

    • Praticæ Liber sextus, de Morbis occultarum qualitatum [Sixième livre de la Pratique, sur les Maladies des qualités occultes] ;

    • Exoterica [Exotériques]. {a}

  5. tome v (1 402 pages) :

    • Epistolarum Medicinalium, una cum Responsoriis D. Michëlis Döringii, nunc primum in lucem prodeuntium, Centuriæ duæ [Deux Centuries de Lettres médicales, avec les Réponses de Michaël Döringius, {b} publiées pour la première fois] ;

    • Epitome Institutionum Medicinæ [Abrégé des Institutions de médecine] ;

    • Epitome Librorum de Febribus [Abrégé des livres sur les Fièvres].


      1. Écrits à l’intention du public.

      2. V. notule {e}, note [11], lettre 798.

4.

V. note [3‑2], lettre latine 271, pour le « Calendier romain » de Jean Despierres (Douai, 1657).

5.

V. notes [5], lettre 871, pour Robert Leschassier, conseiller au Parlement de Paris, et [1], lettre 680, pour Jan iii van Heurne, neveu de Christiaen Utenbogard ; mais il pouvait s’agir d’un de ses frères ou cousins car Guy Patin dit plus loin dans sa lettre qu’il venait étudier le droit en France, alors que Jan iii devint médecin à Utrecht.

6.

« par une voie sûre ».

V. note [3], lettre 841, pour ce « Jardin royal de Paris » (Paris, 1665) du médecin botaniste Denis Joncquet (v. note [7], lettre 549).

7.

« Votre maladie qui s’éternise, et qui rechute très souvent, me fait très peur ».

8.

« Gardez-vous bien de ces poudres chimiques, de toutes les pilules et de tous les médicaments composés de plusieurs autres. »

9.

V. note [14], lettre 190, pour les Œuvres de l’avocat Jacques Leschassier (Paris, 1649), grand-oncle de Robert (v. supra note [5]).

10.

« justement et équitablement. » Le manuscrit de Leyde n’a pas conservé le « billet inclus » avec la liste de livres que Guy Patin désirait acquérir.

11.

« Je vous salue, vous, vos sœurs et votre famille, ainsi que Me Marten Schoock et nos autres amis. Vale, très brillant Monsieur, et aimez-moi. Vôtre de tout cœur,

Guy Patin.

À Paris, le jeudi 16e d’avril 1665

Je salue du fond du cœur Marten Schoock, notre ami et très brillant homme. Quand donc nous parviendra la seconde édition de son livre sur la Bière, {a} augmentée et améliorée ? Vale. »


  1. Groningue, 1661, v. note [1], lettre 719.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 16 avril 1665

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(Consulté le 28/04/2024)

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