L. latine 93.  >
À Melchior Sebizius,
le 2 novembre 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 65 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Melchior Sebizius, docteur en médecine et éminent professeur à Strasbourg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Comme je serais content si je connaissais votre visage, tant m’est souvent parvenue aux oreilles la bonne réputation de votre nom et de votre érudition en médecine, qui s’est répandue par presque toute la terre ; mais plus encore, s’il m’était permis de converser avec vous et m’y abreuver comme à la source la plus féconde de la doctrine, car j’y affermirais mon esprit et étancherais pleinement ma soif de savoir ! Assurément, chaque fois que l’occasion m’a été donnée de feuilleter un de vos livres que je possède, rangés parmi ceux des premiers auteurs pour leur érudition, j’ai repu mon esprit de leur agréable lecture ; à tel point qu’un désir de plus en plus ardent me pousse à lire ceux qui me manquent (et ce bien plus encore depuis que, l’autre jour, j’en ai reçu la liste par le très honnête Moller, jeune médecin de Lindau), [1][2] et à être autant aimé de vous que je vous aime ; au point de vous admirer et vénérer, vous qui luisez aux côtés ces très brillantes lumières de votre Allemagne que sont Crato, Gesner, Éraste, Reusner, Scherbius, Sennert, Hofmann, qui fut jadis mon ami, et d’autres encore. [3][4][5][6][7][8][9] J’ose à peine vous les nommer et si je me le permets, c’est pour me gagner votre pleine confiance. Vous pourrez en tout cas en déduire que je ne souhaiterais rien tant que me procurer dès que je pourrai ceux de vos livres dont cette liste m’a appris qu’ils me font défaut. Je suis certain que cela se fera aisément sur votre commandement et autorité si, comme je vous en prie par Apollon, [10] vous ordonnez à votre libraire de me les envoyer tous par l’intermédiaire de M. Dinckel ; [11] je lui écrirai sur-le-champ et paierai comptant le montant intégral de cette transaction. Par ce bienfait, vous me rendrez à la fois plus savant et plus dévoué à votre personne. [2] Vale, très distingué Monsieur.

De tout cœur votre Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur et médecine de Paris et professeur royal.

De Paris, ce vendredi 2d de novembre 1657.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Melchior Sebizius, ms BIU Santé no 2007, fo 65 ro. Le ton, timide et guindé, est celui d’une première lettre d’introduction, de flatterie et de sollicitation (pour acquérir des livres).

1.
Lindau est une ville du sud de la Bavière, au bord de l’Obersee. Le jeune Moller, qui y exerçait la médecine, n’a pas laissé de trace dans les biographies.

V. note [3], lettre latine 95, pour une liste des principaux livres qu’avait alors publiés Melchior Sebizius, éminent zélateur de la doctrine galénique.

2.

Ainsi débutait la correspondance avec Melchior Sebizius, vaillant promoteur de Galien en Allemagne. Il nous en reste cinq brouillons de lettres que Guy Patin lui a écrites en 15 mois. Sa requête fut suivie d’effet : au début de février 1658 (lettre latine 100), il reçut de Sebizius tous ses ouvrages imprimés ; mais Patin avait été si impatient de les acquérir qu’il les avait commandés un mois plus tôt à un libraire de Strasbourg, en concluant le marché par l’intermédiaire de Johann Jakob Seubert (lettre latine 95). Cela fit qu’il eut la collection en double et put en faire profiter ses fils Robert et Charles.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 65 ro.

Clar. viro D. Melch. Sebizio, Medicinæ Doctori et Prof. Eximio, Argentinam.

Vir Cl.

Quàm bene mecum agetur si tam mihi esses de facie notus,
quàm sæpe et tui nominis, et tuæ summæ in arte medica eruditionis fama Orbem prope
universum pervagata, ad meas pervenit aures : quàm v. multò melius si coram tecum loqui
liceat, et ab ore tuo nitidissimo velut ab uberrimo doctrinæ fonte petere unde
meum rigem ingenium meámq. sitim penitus expleam. Equidem quoties mihi
per tempus datum est legere nonnullas è tuis libris quos habeo repositos inter
authores eruditione principes, ita jucunda eorum lectione meum pavi animum, ut
interim cæterorum quib. carebam legendorum desiderio magis ac magis arserim ;
túmq. maximè ubi aliás à modestissimo juvene Mollero, Lindaviensi Medico,
eorum Indicem accepi, simúlq. me à Te quem amarem, redamari. Quanti
ego Te faciam, quàm Te cum clariss. illis Germaniæ tuæ luminib. Cratone,
Gesnero, Erasto, Reusnero, Scherbio, Sennerto, Hofmanno
, olim meo, et alijs fulgentem
suspiciam ac venerer, vix est ut ausim apud Te prædicare : et si prædicem, integram
mihi fidem habeas. Ex eo tamen poteris utcumq. intelligere, quod tam nihil in votis habeam,
quàm ut illos è tuis libris quos ex tuo Indice deficere me comperi, mihi quamprimum
potero comparem. Id tuo jussu tuáq. authoritate facilè ut confido fiet, si
quod ego Te per Apollinem rogo, jubeas tuum Bibliopolam eos omnes ad me mittere
per D. Dynckel, cui impensam isti rei pecuniam omnem statim rescribam ac re-
præsentabo. Hoc tuo me beneficio Tibi addictiorem ac simul doctiorem efficies. Vale Vir cl.

Tuus ex animo Guido Patin, Bell. Doctor Med. Paris. et Prof. regius.

Parisijs, die Ven. 2. Nov.
1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Melchior Sebizius, le 2 novembre 1657

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(Consulté le 28/04/2024)

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