Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 19.
Note [19]

La première relation de cette historiette, souvent citée, se lit dans les :

Mémoires concernant divers événements remarquables arrivés sous le règne de Louis le Grand, l’état où était la France lors de la mort de Louis xiii, et celui où elle est à présent. {a}

Sa version (pages 126‑129) est mieux étayée et plus spirituelle que celle des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin :

« Le roi, après avoir ordonné ces choses, {b} pourvut encore à celles qui lui paraissaient le plus de conséquence, comme pouvaient être les gouvernements, dans quelques-uns desquels il y avait de certaines gens qui étaient entrés par la porte dorée plutôt que par leurs services ; car du temps du cardinal Mazarin, qui avait de l’argent pouvait prétendre à tout, et il n’avait garde de refuser personne, pourvu qu’il pût trouver son compte avec lui ; mais le roi, étant tout d’un<e> autre humeur, avait rendu l’argent à ceux qui en avaient donné ; et par le même moyen qu’ils étaient entrés en charge, il trouva le secret de les en faire sortir. Il y en eut un cependant qui, croyant qu’il y allait de son honneur à ne pas quitter son gouvernement, pria le roi de le lui vouloir conserver, et employa tant d’amis pour cela, qui remontraient à ce prince que sa famille, qui était assez considérable, s’en croirait déshonorée, qu’il ne voulut pas, à sa considération, le traiter si rigoureusement que les autres. Néanmoins, comme il apprenait tous les jours qu’il n’était pas capable de son emploi, il lui fit dire qu’il fallait absolument qu’il s’en défît : à quoi ce gouverneur ne pouvait consentir, croyant qu’après la parole que le roi avait donnée à ses amis, il ne voudrait pas le pousser à bout. Sur ces entrefaites, il se rendit à la cour et fit parler au roi dès le soir même qu’il fut arrivé. Le roi répondit que c’était une chose résolue, et dont il ne voulut point qu’on lui rompît la tête davantage ; mais ce gouverneur, ne se rendant pas encore pour cela, se préparait à employer tout le crédit des personnes qui pouvaient le plus auprès de ce prince ; quand le roi, pour se délivrer tout d’un coup de ses importunités, lui dit un jour une chose qui lui devait être bien sensible, mais qu’on trouva extrêmement spirituelle. Ce fut en allant à la messe, temps auquel les courtisans marchent devant et après le roi ; or, il arriva que ce gouverneur étant devant et fort près de sa personne, le bout de son épée donna dans les jambes du roi, et lui fit quelque douleur ; tellement que le roi, prenant cette occasion-là pour lui dire ce qu’il pensait, “ En vérité, lui dit-il, je suis bien malheureux, votre épée n’a jamais fait de mal qu’à moi ”. Le gouverneur, outré de ce reproche fait en si bonne compagnie, n’eut garde après cela de prétendre pouvoir conserver son gouvernement : il donna sa démission, et le roi en pourvut un autre en qui il pouvait prendre plus de confiance. » {c}


  1. Cologne, Pierre Marteau, 1684, in‑12 de 136 pages, mémoires attribués à Gatien Courtilz de Sandras (Montargis 1644-Paris 1712), mousquetaire puis prolifique écrivain.

  2. V. notes [6] et [7], lettre 683, pour la prise du pouvoir par Louis xiv, immédiatement après la mort de Mazarin.

  3. Les critiques, dont Pierre Bayle, ont vivement contesté la véracité de cette anecdote, mais aucun n’a identifié celui que L’Esprit appelait ici « V.G. ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 19.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8219&cln=19

(Consulté le 26/04/2024)

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