À André Falconet, le 10 mars 1661, note 2.
Note [2]

Chiourme : « les galériens ou forçats qui font mouvoir une galère à force de rames » (Furetière).

V. notes [14][16] du Borboniana 6 manuscrit pour Synesius de Cyrène, dont Denis Petau a traduit en latin les Opera quæ extant omnia [Œuvres complètes] (Paris, 1612). Dans sa lettre 4 (réédition de 1633, pages 161‑169), envoyée du port d’Azaïre en mai 397, Synesius raconte à son frère, Euoptius, son naufrage lors d’une traversée d’Alexandrie à Cyrène (extraits traduits en français par H. Druon, 1878).

« Le pilote {a} en avait assez de la vie, attendu qu’il était criblé de dettes. Les matelots, au nombre de douze (le pilote faisant le treizième), étaient, ainsi que lui, juifs pour la plupart, engeance traîtresse et qui croit volontiers faire œuvre pie en envoyant le plus possible de Grecs dans l’autre monde ; le reste, paysans ramassés au hasard, qui jamais, un an auparavant, n’avaient touché une rame ; mais tous, les uns et les autres, avec quelque difformité. » La galère s’étant éloignée des côtes à la suite d’une erreur de manœuvre, un vent violent survint et la mer devint houleuse : « C’était le jour de la préparation, ainsi que l’appellent les juifs ; et comme pour eux la journée va d’un soir à l’autre soir, nous arrivions au sabbat, jour où les œuvres manuelles leur sont interdites, et qu’ils sanctifient en s’abstenant de tout travail. Notre pilote, dès qu’il estime que le soleil est couché, abandonne le gouvernail et se jetant à terre, permet aux matelots de le fouler aux pieds. Nous, qui ne savons pas d’abord pourquoi il se couche de la sorte, nous nous figurons que c’est par désespoir ; nous accourons vers Amarante, nous le conjurons de ne pas laisser se perdre ainsi nos dernières chances de salut car des flots terribles nous menaçaient, la mer se déchaînait follement contre elle-même. […] Dans une pareille tourmente, notre vie, comme on dit, ne tenait plus qu’à un fil. Si nous avons pour pilote un docteur de la Loi, à quoi ne devons-nous pas nous attendre ? Comprenant enfin pourquoi il a quitté la barre, nous le supplions de nous sauver du péril ; mais point, il lisait la Bible. Désespérant de le persuader, nous voulons le contraindre par force. Un brave soldat (nous avions à bord plusieurs cavaliers arabes) dégaine et menace notre homme de lui couper la tête s’il ne reprend le gouvernail. Mais bah ! c’était un vrai Maccabée, rigide observateur de la Loi. À minuit, de lui-même, il revient à son poste. “ Maintenant, dit-il, cela est permis, puisque nous sommes en danger de mort. ” »


  1. Nommé Amarante.

Il était trop tard pourtant, le bateau, ayant subi de graves avaries, était devenu ingouvernable et après quelques autres péripéties, le voyage s’acheva par un échouage sur une plage déserte. Contrairement à ce que disait Guy Patin, Synesius a terminé sa lettre sans maudire les juifs, mais en exhortant son frère à la prudence :

« Toi, ne te fie jamais à la mer ; et si à toute force tu dois t’embarquer, au moins que ce ne soit pas à l’époque où finit la Lune. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 10 mars 1661, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0681&cln=2

(Consulté le 26/04/2024)

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