À Charles Spon, le 28 septembre 1655, note 3.
Note [3]

« Tout est incertain, Élie viendra qui lèvera le voile ».

Guy Patin a employé cette citation plusieurs fois pour évoquer l’inconnu (notamment en médecine). Elle vient de l’Évangile de Matthieu (17:9‑12), quand il commente la Transfiguration du Christ sur la montagne. Le passage entier permet de bien comprendre ce que voulait dire Patin en invoquant Élie : {a}

« Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit cette défense : “ Ne parlez à personne de cette vision, avant que le Fils de l’homme ne ressuscite d’entre les morts. ” Les disciples lui posèrent alors cette question : “ Que disent donc les scribes, qu’Élie doit venir d’abord ? ” Il répondit : “ Oui, Élie doit venir et tout remettre en ordre ; {b} mais je vous le dis, Élie est déjà venu, et ils ne l’on pas reconnu, mais l’ont traité à leur guise. Et le Fils de l’homme aura de même à souffrir d’eux. ” »


  1. Dans la Bible (Livre des Rois), le prophète Élie (Elias) est réputé avoir annoncé la venue du Messie à la fin des temps.

    Le nom d’Élie, annonciateur du Christ, est lié à la vaine espérance de la secte millénaire, dont l’hérésie (Trévoux) :

    « s’imagine que Jésus-Christ doit venir régner sur la terre, et qu’il comblera les fidèles pendant mille ans de toutes sortes de biens temporels. On les appelle Chiliastes, qui est le nom grec des millénaires, tiré de χιλιας, mille. Cette erreur des millénaires, qui n’a été d’abord qu’une simple opinion, est fort ancienne, et presque dès le temps des Apôtres. Elle tire son origine des paroles de l’Apocalypse prises trop à la lettre, où il est parlé du règne de Jésus-Christ sur la terre avec les Saints, qui doit durer l’espace de mille ans. {i} L’opinion de saint Papie, dit M. de Launoy, {ii} touchant le nouveau règne de J.‑C. sur la terre après la résurrection, a duré près de trois siècles avant que d’être reconnue pour erronée, comme l’histoire ecclésiastique en fait foi : elle a été suivie et approuvée par les plus saints et les plus savans hommes de la chrétienté, savoir, par saint Irénée, par saint Justin, Tertullien, etc. », {iii}

    1. L’erreur millénaire est souvent mise en relation avec la prophétie qui annoncerait la conversion des juifs au christianisme, sujet qu’Isaac de La Peyrère a développé dans son Rappel des juifs (1643, v. note [1], lettre 95).

    2. V. note [9], lettre 91, pour le théologien Jean de Launoy, grand pourfendeur des superstitions.

    3. Le millénarisme a fait partie des dévoiements du jansénisme au xviiie s.

    En invoquant Élie, Patin voulait marquer son profond scepticisme, sans oser dire tout à fait qu’il tenait les spéculations politiques pour de pures lubies. Il s’est fâcheusement servi plusieurs fois de la même expression pour dénigrer les innovations médicales de son temps.

  2. Elias quidem venturus est et restituet omnia (Vulgate), que Patin a adapté en Elias veniet qui revelabit.

V. note [27], lettre 415, pour quelques éclaircissements sur la visite du duc de Mantoue à Paris.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 28 septembre 1655, note 3.

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(Consulté le 26/04/2024)

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