À Hugues II de Salins, le 13 mai 1664, note 5.
Note [5]

« quelques jours après le roi Louis xiii. »

Jean de Sponde {a} était frère de Henri, évêque de Pamiers. {b} Ce que Guy Patin disait ici de la mort scélérate de Sponde (survenue à Bordeaux le 18 mars 1595) semble pure médisance, dans le ton de celles que sa conversion au catholicisme fit naître en 1593. Florimond de Raemond {c} a réfuté ces calomnies dans sa préface Au lecteur à la Réponse du feu sieur de Sponde, Conseiller et Maître des requêtes du roi, au Traité des marques de l’Église, fait par Th. de Bèze (Bordeaux, S. Millanges, 1595, in‑8o de 819 pages) :

« Comme jour et nuit, il travaille avec une ardeur merveilleuse, et plus que sa santé ne lui pouvait permettre (car il avait un corps faible et débile, mais un esprit fort et robuste), la longueur de ses veilles, l’assiduité sur les livres parmi les rigueurs et âpretés inaccoutumées de l’hiver passé, lui altérèrent sa santé, sans que pour cela pourtant il quittât son entreprise. Et comme ses amis lui remontraient le préjudice qu’il se faisait d’être ainsi cloué incessamment sur ses livres, et dans un étude froid et catarrheux, {d} ne donnant aucune relâche au corps non plus qu’à l’esprit, “ Il faut que je me hâte (disait-il) car je prévois que le soir s’approche, qu’il faut meshui {e} que je quitte ma garnison. Si je meurs, ce sera honorablement les armes à la main, comme un brave champion chrétien doit faire. ” Enfin, son mal et son indisposition redoublant avec son travail, il fut saisi d’une pleurésie, laquelle eut bientôt atterré ce corps maigre et exténué. Durant sa maladie, qui ne fut que de neuf jours, ceux qui l’ont assisté peuvent porter témoignage de sa constance admirable en la foi, de son zèle ardent envers l’Église catholique, de laquelle il embrassa religieusement toutes les constitutions et saintes cérémonies. Rien en sa bouche que les louanges de Dieu et les actions de grâces, de la grande grâce que sa divine bonté lui faisait de le tirer de ce monde, après l’avoir retiré de son erreur. En sa maladie, il reçut son Sauveur avec toute la dévotion dont une âme chrétienne peut être éprise. Comme il se sentit près de sa fin, il demanda l’extrême-onction : et ne pouvant entendre les sacrés mots de celui qui la lui administrait, ayant perdu la parole et presque l’ouïe, il fit signe qu’il haussât la voix ; alors, montrant par signes l’aise qu’il avait, les mains jointes, les yeux levés en haut et l’âme ravie au ciel, il soupira doucement sa vie, sans effort ni peine quelconque, maintenant toujours un visage équable {f} et uniforme aux aigreurs mêmes de la mort, qui est signe d’une âme consolée de l’assistance de Dieu. Sa fin tant heureuse et paisible n’a pu éviter la dent de ceux qui, portant impatiemment {g} sa conversion, ont osé publier qu’il était décédé misérable et désespéré, et que la mort qui a suivi sa conversion est l’arrêt de sa condamnation et un jugement de Dieu sur lui. C’est entrer bien avant dans les secrets du cabinet de Dieu. Ainsi Calvin publia un livret pour montrer que c’était un grand miracle pour la confirmation de sa doctrine de ce qu’un Italien de la ville de Padoue, nommé Spera, tomba en griève {h} maladie après avoir abjuré la confession de Genève. C’est à la vérité un jugement de Dieu, non sur de Sponde, mais sur nous. Car c’est un grand signe du courroux du Ciel lorsqu’il retire de cette lumière ceux qui nous sont utiles et nécessaires, et qui peuvent servir au bien et profit du public. Et peut-être a-ce été un trait de la Providence céleste de le rappeler d’ici-bas avant qu’il se vît enveloppé dans ces torrents d’injures qu’on amoncelait de toutes parts pour verser sur lui. Car pour bien qu’on se trempe d’assurance, la calomnie bien souvent fait sa faussée ; {i} et l’innocence même trémousse aux approches de ce monstre qu’Apelle représenta si naïvement à la honte du calomniateur Antiphile. {j} Pendant qu’il a vécu catholique, il a tenu à mépris toutes ces médisances ; à présent qu’il est hôte des cieux, il a pitié et compassion de ceux qui en sont les auteurs. Il me souvient que, comme un jour quelqu’un lui fit voir à dessein des lettres diffamatoires qu’on écrivait contre lui, “ Vraiment, dit-il en souriant, son auteur n’en dit pas assez selon sa coutume, mais bien trop selon ma sincérité. Son naturel est de médire avec animosité, et le mien de le porter {k} avec patience. Il m’attaquera en huguenot avec injures, et je me défendrai en catholique avec modestie. ” »


  1. V. note [4], lettre 677, pour Jean de Sponde, calviniste converti au catholicisme en 1593, mort en 1595, et ses œuvres sur Horace.

  2. V. note [21], lettre 408, pour Henri de Sponde, mort le 18 mai 1643, et sa continuation des Annales de Baronius.

  3. Magistrat catholique bordelais et anticalviniste acharné, v. note [46] du Naudæana 4.

  4. Un cabinet froid et humide.

  5. Désormais.

  6. Égal.

  7. Supportant mal.

  8. Grave.

  9. Trouve le défaut de la cuirasse.

  10. V. note [14], lettre 140, pour le peintre antique Apelle de Cos, dont Lucien de Samosate dit qui intitula La Calomnie un tableau qu’il fit contre Antiphile, son rival acharné.

  11. Supporter.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Hugues II de Salins, le 13 mai 1664, note 5.

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(Consulté le 28/04/2024)

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