Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 60.
Note [60]

Cicéron a donné un avis sur le respect des lois qui régissaient la musique et le chant chez les anciens Grecs (Des Lois, livre ii, chapitre xv) :

Quamobrem ille quidam sapientissimus Græciæ vir longeque doctissimus valde hanc labem veretur. Negat enim mutari posse musicas leges sine mutatione legum publicarum. Ego nec tam valde id timendum, nec plane contemnendum puto. Illa quidem, quæ solebant quondam compleri severitate iucunda Livianis et Nævianis modis, nunc, ut eadem exsultent, cervices oculosque pariter cum modorum flexionibus torqueant. Graviter olim ista vindicabat vetus illa Græcia, longe providens quam sensim pernicies, illapsa civium animos, malis studiis malisque doctrinis repente totas civitates everteret : si quidem illa severa Lacedæmon nervos iussit, quos plures quam septem haberet, in Timothei fidibus incidi.

[Voilà pourquoi l’homme le plus sage et de beaucoup le plus savant de la Grèce redoute fort ce poison. Il nie en effet qu’on puisse changer les règles de la musique sans que les lois de l’État soient modifiées. {a} Sans partager cette crainte excessive, je ne la crois pas tout à fait futile. Les vers de Livius et de Nævius {b} se chantaient jadis sur un ton sérieux, mais non dénué de charme ; aujourd’hui, pour les faire applaudir, les chanteurs croient devoir déformer les mélodies, et y joindre des contorsions du cou et des roulements d’yeux. L’ancienne Grèce proscrivait sévèrement ces manières, prévoyant que le vice, se glissant insensiblement dans le cœur des citoyens, y ferait germer des appétits et des idées malsaines, jusqu’à provoquer le brusque effondrement de cités entières. Ainsi l’austère Sparte {c} ordonna-t-elle de supprimer les cordes que Timothée avait ajoutées aux sept que comptait traditionnellement la lyre].


  1. J’ai mis en exergue le passage cité et traduit par L’Esprit de Guy Patin.

    Cicéron se souvenait des paroles de l’Athénien à Clinias, dans le dialogue Des Lois de Platon, livre vii, chapitre vii (traduction de Victor Cousin, 1831) :

    « Qu’il soit donc admis, dirons-nous, si étrange que cela paraisse, que les chants sont autant de lois. Nous voyons que les Anciens ont donné ce nom de lois aux airs qu’on joue sur la cithare : peut-être n’étaient-ils pas très éloignés de penser, comme nous le faisons à présent, et peut-être l’un d’eux, soit en songe, soit en état de veille, entrevit-il, par une sorte de divination, la vérité de ce que nous disons. Posons donc à ce sujet la règle que voici : dans les chants prescrits par l’État, dans les cérémonies religieuses et dans tout ce qui regarde les chœurs, il sera interdit de rien changer au chant et à la danse, tout autant que de violer toute autre de nos lois. Celui qui nous obéira n’aura aucune punition à craindre ; mais si quelqu’un ne nous écoute pas, il sera, comme nous l’avons dit tout à l’heure, puni par les gardiens des lois, les prêtresses et les prêtres. »

  2. V. supra note [34] pour Nævius. Son contemporain Livius Andonicus, acteur et auteur de théâtre, fut l’un des introducteurs de la tragédie grecque à Rome au iiie s. av. J.‑C.

  3. La cité des Lacédémoniens aux mœurs sévères, v. note [25] du Borboniana 3 manuscrit.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 60.

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(Consulté le 26/04/2024)

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