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Dans une série de 168 cancers du rectum opérés entre 1996 et 1999, nous avons sélectionné une cohorte de 90 malades porteurs d’une tumeur du moyen-bas rectum classée T3-T4, M0 (critère d’inclusion : T = 7 cm de la marge anale). Tous les malades opérés pendant cette période ont eu une radio-chimiothérapie préopératoire (T3 N+ T4). Les T4 représentent 10% de la population ; 47% des tumeurs étaient antérieures, 36% postérieures et 17% circonférentielles avec trois T4 dans chaque groupe. Un élargissement de nécessité a été réalisé chez 5 malades (5,5%). Dans cette série, la survie globale à 5 ans est de 84 % et la survie actuarielle sans récidive est de 70%. Elle est liée au sexe (il n’y a eu aucune récidive chez les femmes), à la situation antérieure ou circonférentielle de la tumeur (les récidives sont dans ce groupe) et à une marge circonférentielle < 1mm (p < 0.007). C’est dans les tumeurs du moyen-bas rectum étendues que peut se poser le problème d’un élargissement de l’exérèse dont la décision est difficile chez l’homme en raison des implications de l’exérèse du bloc vésico-prostatique. Les indications d’élargissement et l’importance d’un traitement néo-adjuvant en cas de tumeur fixée sont discutées.
Reconstruction tridimensionnelle hépatique et volumétrie hépatique : contribution aux indications d’embolisations portales et de résections majeures ; évaluation prospective d’une série de 153 malades
La localisation, le volume ou le nombre (métastases) des tumeurs hépatiques peuvent imposer une résection majeure. La volumétrie hépatique est une aide à la décision opératoire et peut permettre d’indiquer une embolisation portale afin d’hypertrophier le foie " restant ". En effet, le pourcentage de parenchyme hépatique fonctionnel restant après exérèse est essentiel pour limiter " le risque " postopératoire. Cent cinquante trois malades ont eu une reconstruction tridimensionnelle hépatique avec calcul volumétrique ; 79 malades ont eu une résection hépatique dont 23 après une embolisation portale droite.
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La centralisation de la chirurgie pancréatique dans des centres référents est un sujet sensible et qui reste controversé. Le bénéfice observé en termes de morbi-mortalité et de coût a été démontré par de nombreuses publications. Il dépend autant de de la structure de soins que du chirurgien lui-même. La centralisation est souhaitable mais sa mise en application dépend de la prise de décision des instances dirigeantes après reconnaissance et désignation de centres experts.
Discussant : Jacques Baulieux (Lyon)
Cancer du pancréas place des traitements locaux (radiofréquence, électroporation…)
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Le pronostic des adénocarcinomes pancréatiques (ADKP) reste très sombre. Quarante pour cent sont localement avancés (LA) - non métastatiques au diagnostic. Le traitement habituel est la chimiothérapie, optimale si le statut clinique le permet (FOLFIRINOX) [1], suivie le plus souvent, en l’absence de progression métastatique, par une irradiation, malgré les résultats décevants de l’essai multicentrique LAP07 [2]. En effet, dans cet essai, la radio-chimiothérapie de clôture ne permet pas d’augmenter la survie globale des patients avec un cancer LA, mais elle est associée à une augmentation non significative de la survie sans progression, moins de récidive locorégionale et une durée sans traitement significativement plus longue [2]. Le taux des résections secondaires après traitement d’induction n’excède pas 30% [3, 4] et varient considérablement selon les critères de résécabilité ; pour les ADKP LA ils sont inférieurs à ceux rapportés pour les cancers « borderline » pour lesquels, là encore, la définition est variable ; trois revues systématiques ont été consacrées récemment à ce sujet et les résultats concernant la survie manquent encore de « maturité » [4-7]. On attend l’actualisation de la cohorte Française dans l’année courante [8]. L’étude de phase II PANDAS qui va évaluer chez les patients porteurs d’un adénocarcinome borderline 6 cycles de FOLFIRINOX en induction +/- une radio-chimiothérapie est ouverte aux inclusions (NCT02676349). Les techniques « ablatives » sont réservées aux ADKP LA. Elles sont en concurrence avec l’irradiation dont les modalités progressent [9, 10]. L’irradiation stéréotaxique, réalisée après mise en place ou non de fiduciels par voie percutanée ou endoscopique, est bien tolérée, antalgique, elle améliore la qualité de vie, quelques résections « secondaires » anecdotiques ont été rapportées et la survie médiane était de 24 mois (16 études publiées) [11]. Rombouts et col. ont publié dans le British Journal of Surgery une revue systématique consacrée aux traitements par « destruction locale » des ADKP LA [11] ; 38 études ont été retenues (1164 malades) à partir de 1037 titres et abstracts (PubMed, Embase et Cochrane Library) puis à partir de 81 articles ! La morbi-mortalité, la survie, l’évolution du syndrome douloureux et la qualité de vie ont été étudiés : a) la thermoablation par radiofréquence (RF) était la méthode la plus utilisée (7 études) ; 342 malades ont été traités par RF, dont près du tiers par le groupe de Vérone [12]. La mortalité était de 3% et le taux des complications post-opératoires (essentiellement hémorragiques) de 15% (extrêmes: 0–11% et 4–22% respectivement) ; la thermo-ablation sous contrôle écho-endoscopique pourrait être une voie de recherche clinique ; b) l’électroporation irréversible (IRE) avait des taux de morbi-mortalité comparables (141 malades ; extrêmes: 0–4% et 9–15% respectivement) ; elle délivre moins de chaleur que la RF et serait plus adaptée aux engainements artériels [13]. Une étude récente rapporte des médianes de survie de 25 mois chez 200 malades traités par IRE après une médiane de 6 mois de chimiothérapie (±RT) [14]. Les autres techniques (ultrasons de haute intensité, appliqués par voie percutanée (HIFU) et la cryothérapie ont été peu utilisées. Le choix de la technique dépend avant tout du centre de traitement. La RF et l’électroporation étaient réalisées par voie chirurgicale chez la majorité des malades. L’amélioration du syndrome douloureux était significative dans les études consacrées à la RF, l’électroporation et les ultrasons de haute intensité, mais il n’y avait pas de données concernant la qualité de vie. Les études concernant l’électroporation rapportaient 30% de résections « secondaires ». Les survies médianes observées après RF, électroporation et HIFU étaient respectivement de 25.6, 20.2 et 12.6 mois. Il n’y a aucune étude randomisée disponible comparant ces techniques à un traitement « standard » (chimiothérapie ou chimiothérapie suivie de radio-chimiothérapie). Les techniques de destruction locale sont faisables ; elles ont une morbidité acceptable, mais l’impact sur la survie reste à démontrer. Les médianes de survie observées pour des ADKP LA témoignent sans doute de la sélection des indications ; d’ailleurs, la majorité des études regroupaient des stades II et III (AJCC) et les critères de « non résécabilité », en particulier l’extension vasculaire, n’étaient pas précisés. Les études concernant l’électroporation rapportaient un taux très élevé de résections « secondaires » (30%), ce qui laisse penser que la technique a été utilisée comme traitement d’induction pour des tumeurs « borderline » plus que pour des tumeurs « localement avancées » [14]. Deux points méritent d’être soulignés : a) la destruction locale doit suivre une chimiothérapie d’induction en raison du « drop-out » lié à une progression métastatique précoce lorsqu’elle a été réalisée d’emblée [12] ; b) lorsque la destruction tumorale est incomplète (essentiellement en raison du soucis de protéger les structures voisines), le résidu tumoral « périphérique », partiellement altéré, stimulerait la réponse immunitaire et la libération de gènes anti-tumoraux (comme cela a pu être observé dans les cancers du rein ou des métastases périphériques régressent spontanément après thermo-ablation de la tumeur primitive) [13, 15, 16]. Une étude de faisabilité concernant la destruction par Laser est en cours dans notre centre (étude bicentrique Vérone-IPC). En conclusion, les techniques « ablatives innovantes » doivent être validées par des études prospectives contrôlées car on ne dispose pas aujourd’hui de données suffisantes sur le bénéfice à long terme [17]. Si une étude randomisée voyait le jour, on peut considérer que dans le bras de l’étude comportant le traitement par destruction locale, une chimiothérapie « première » devrait être envisagée quelle que soit la technique ablative choisie.
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Conférence : La chirurgie oncologique (hier, aujourd’hui, demain)
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De tous temps la représentation de la « tumeur » a suscité de la curiosité, de la peur, du fantasme et la question implicite au diagnostic est devenu : comment « l’éliminer » ? Rien n’est plus concret, plus radical que la résection chirurgicale, mais le chemin fut très long pour la reconnaître comme un traitement curateur, ou tout au moins prétendu tel jusqu’à la confirmation que donne l’examen anatomo-pathologique. Ce qui suit ne peut-être qu’un survol historique très incomplet, mais quelques faits marquants méritent d’être évoqués. Le premier traité de chirurgie nous vient de l’Egypte ancienne ; le Papyrus Ebers - Edwin Smith est l’un des premiers documents humains qui fait référence au cancer [1]. Les notions d’aseptie et d’anesthésie étaient déjà présentes dans les bas reliefs et les textes hiéroglyphes. En mésopotamie la première représentation du foie était d’une exactitude remarquable [2]. Les études anatomiques « fondamentales », dont celles de Léonard de Vinci (1452- 1519) et André Vésale (1514-1564) vont servir de base aux premières interventions chirurgicales [3-5]. En Europe, le marasme du moyen âge et les contraintes imposées par les croyances, l’église et l’inquisition, freinent l’élan des anciennes civilisations. Ambroise Paré publie ses œuvres complètes en 1575 ; elles occupent une place immense dans l’histoire de la chirurgie, et de la langue Française [6]. En Angleterre, les « chirurgiens-barbiers » disparaissent en 1745 avec la création du « Royal College of Surgeons ». En France, malgré les « Lettres Patentes » de Louis XIV (1699) qui mettent au clair les règlements concernant la Communauté des Chirurgiens de Saint Côme, suivies de celles éditées sous le règne de Louis XV (1754 et 1768), le XVIIIème siècle voit encore l’exercice d’une multitude de charlatans [7-10]. Je renvoie à la remarquable conférence du professeur Benoît Lengelé, publiée dans les mémoires de l’académie de Chirurgie en 2006 [8]. L’« Académie Royale de Chirurgie » créée en 1731 [10] sera dissoute à la révolution et il faudra attendre 1843 pour la voir renaître sous le nom de « Société Nationale de Chirurgie » (qui devient l’Académie de Chirurgie en 1935). Il y a fort longtemps, quelques chirurgiens eurent l’idée qu’il était possible d’enlever une tumeur lorsqu’elle était apparente, ou « mobile » : « ce qui est mobile est résécable » John Hunter (1728-1793) [11]. Les résections complexes furent imaginées et dessinées à l’encre de chine avant d’être réalisées [12]. Il est frappant de constater qu’au cours des XVII° et XVIII° siècles, les manuscripts Japonais décrivent les premières résections chirurgicales. De magnifiques parchemins sont visibles sur le site de la bibliothèque nationale du NIH [13]. Hanaoka Seishu (1760-1835) est le premier chirurgien à réaliser la résection de cancers sous anesthésie. L’antiseptie (Joseph Liste - 1827-1912) et l’anesthésie furent les deux percées technologiques qui permirent l’essor de la chirurgie. Lister publia les résultats de ses premiers essais en 1867 dans le "Lancet " sous le titre : "Le principe de l'asepsie dans la pratique de la chirurgie". En Europe, les premières résections carcinologiques sont attribuées à Christian Albert Théodore Billroth (oesophagectomie (1872), laryngectomie (1874), Gastrectomie (1894)). Ce chirurgien viennois, grand ami de Brahms et Czerny, chef invité à la direction de l’Orchestre de Zurich, est aussi celui qui en 1855 a décrit la filiation adénome – cancer colorectal et le premier à imaginer un cursus de formation pour les jeunes chirurgiens ; en 1876 il rapportait 33 résections rectales pour cancer [11]. Le cancer du sein fut le premier « modèle » de la chirurgie carcinologique « conservatrice » et « reconstructrice », et le premier modèle d’essai contrôlé concernant le traitement adjuvant [14]. Les résultats publiés par Bernard Fisher et Umberto Veronesi dans le New England Journal of Medecine, actualisés à 10 ans et 20 ans, ont marqué l’histoire de la chirurgie conservatrice du cancer du sein et celle des associations thérapeutiques [15, 16]. L’ »Evidence Based Medecine » (David Sackett -1934-2015) [17] a marqué la fin des dogmes anciens, répandus et acceptés de tous, appliqués par habitude et sans remise en question, fondés sur des « convictions » subjectives ; cependant l’impact clinique des essais randomisés constitue l’objectif principal : « What is clinically relevant is more important of just statistically significant in power analysis”. Le premier essai Français qui a changé les pratiques était consacré à la chirurgie du cancer gastrique : la gastrectomie subtotale distale était recommandée pour les cancers de l’antre et la gastrectomie totale était inutile, sauf en cas de linite gastrique [18]. Au fil du temps, l’acte opératoire est devenu une « variable », que le caractère multicentrique peut gommer. La majorité des essais concernent aujourd’hui les traitements combinés. La consultation du site « clinicaltrial.gov » montre cependant que les essais qui comportent un acte opératoire, restent les moins fréquents. La coelioscopie est venue bouleverser les pratiques (« the second French revolution »), de la grossesse extra-utérine (M.A Bruhat et H. Manhes – 1972) à la cholecystectomie (Philippe Mouret – 1987) [19] puis la résection des cancers (1ère colectomie et 1ère gastrectomie coelio-assistées pour cancer – 1991), avec une validation basée sur l’équivalence des résultats carcinologiques [20]. Un article remarquable publié en 2012 dans la revue PlosOne a montré l’évolution de l’opinion des chirurgiens colorectaux concernant la voie d’abord laparoscopique [21]. Le cancer du rectum a été, comme le cancer du sein avant lui, « un modèle d’évolution thérapeutique » de l’amputation abdomino-périnéale à la conservation sphinctérienne, la réduction de la marge sous tumorale (2 cm), la re-découverte du mesorectum et la préservation des nerfs, la laparoscopie (le robot…) et l’approche coelioscopique et transanale combinées [22, 23]. La technologie a offert une accélération prodigieuse au cours des 30 dernières années. La reconstruction tridimensionnelle des organes a fait progresser la « programmation » de l’acte opératoire. Les 3 techniques de base de l'anatomie à savoir la transparence, la rotation et la section transversale sont illustrées dans un écorché inspiré de l'homme de Vitruve de Leonard De Vinci, primé par la célébrissime revue Science en 2006 au cours du challenge de la visualisation scientifique (« professor Caryn Babaian uses art as a gateway to science ») [24, 25]. La visualisation 3D peut encore faire progresser la chirurgie mini-invasive. La robotique, malgré son coût, a inondé le « marché » chirurgical… Malgré le propos d’ Albert Einstein « J'appréhende le jour ou la technologie passera au delà de nos comportements humains. Le monde alors, ne générera plus que des idiots », nous devons soutenir l’évolution technologique en maitrisant ses conséquences. L’apprentissage par la simulation est devenu indispensable pour les jeunes chirurgiens [26, 27]. La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs publié en 2012 une recommandation : « jamais la première fois sur le patient ». La chirurgie cancérologique se doit aujourd’hui et demain d’intégrer la recherche translationnelle qui permet l’identification de marqueurs moléculaires prédictifs du pronostic ou de l’efficacité des drogues [28], et l’oncogénétique qui a pour corolaire la chirurgie prophylactique [29]. Au delà du défit technologique, à l’ère de l’innovation digitale, de l’intelligence arificielle, de la transmission ultra-rapide, du « big data », c’est le vieillissement de la population qui représentera un challenge dans les années qui viennent. Après 5000 ans de variations insignifiantes, l’espérance de vie a doublé en 200 ans pour 2 raisons : l’hygiène et la nutrition, les progrès de la médecine. Pourtant la prochaine génération pourrait être la première dont l’espérance de vie ne dépassera pas celle de ses parents (tabac, régimes alimentaires (fast-food), surpoids et stress [30] pourraient y contribuer). Aujourd’hui, le rapport incidence / mortalité par cancer prouve que le chemin est encore long [31]… La chirurgie reste le premier traitement curateur des tumeurs solides. Elle bénéficie indiscutablement des progrès technologiques comme toutes les spécialités qui l’entourent. Elle restera sans doute encore longtemps « une nécessité » [32], mais dans l’environnement pluridisciplinaire qui est devenu essentiel, l’avancée des thérapeutiques neo-adjuvantes, chimiques, immunologiques, cellulaires et/ou génétiques modifiera probablement ses modalités. Le chemin parcouru en 50 ans est immense ; au regard de l’échelle du temps c’est une évolution fulgurante. Le but ultime des progrès accomplis, et à venir, est d’améliorer la qualité et l’efficience des soins au sein d’un système de santé où la gestion des lourdes contraintes imposées aux cliniciens et la maîtrise des coûts sont devenus des impératifs.
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