Séance du mercredi 9 avril 2008

LE CHIRURGIEN ET LE DROIT : De la pratique du droit à la philosophie de la chirurgie
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Jacques HUREAU

 

 

Introduction

Résumé
La fréquentation, depuis de nombreuses années, d’une instance nationale au sein de laquelle se mélangent des personnalités de toute origine, représentant la diversité des activités humaines, fait apparaître que deux professions cultivent tout particulièrement les valeurs humanistes : les médecins et spécialement les chirurgiens, et les avocats. Sans doute est-ce dû au fait qu’à travers leur spécificité propre ils vouent leur action au même objet : l’Homme. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à trois de mes amis du Barreau et à un chirurgien, juriste et philosophe, de venir vous parler de quelques aspects des rapports entre les chirurgiens et le droit, dans une gradation qui ira du pragmatisme à la philosophie, me réservant à mi-chemin une réflexion sur la preuve scientifique appliquée à la recherche de la vérité judiciaire.

 

Le rôle de l’avocat au côté du médecin dans les procès en responsabilité médicale en France

FABRE H (Avocat au Barreau de Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (2), 065-069

Résumé
Les professionnels de santé semblent être devenus, en l'espace de ces vingt dernières années, en France, des suspects.
Ils se savent exposés, à tout moment, au dérapage judiciaire dont la perspective les hante et a sensiblement modifié leur pratique, leur relation au patient, et leur budget assurance.
L'Avocat, de préférence spécialisé en droit de la santé et de la responsabilité, fait désormais partie de l'environnement de nombreux médecins français.
Son domaine d'activité est aussi vivant qu'enrichissant car il s'inscrit dans une dimension à la fois juridique et scientifique mais également et surtout dans une dimension humaine.
C'est sous cet éclairage authentique et concret que doit être envisagé le rôle de l'avocat au côté du médecin lorsque ce dernier est happé dans le dédale du monde judiciaire.

 

Le rôle de l’avocat dans un conflit en responsabilité aux États Unis - Particularités

BLUMROSEN AB (Avocat aux Barreaux de Paris et New-York)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (2), 070-071

Résumé
Le rôle de l'avocat dans une procédure américaine en responsabilité médicale est déterminé par la nature civile de la procédure, tant il est rare que les juridictions pénales soient saisies.
Or, la procédure civile américaine présente une course aux obstacles rythmée par le dynamisme des avocats, des procédures d'obtention de preuves et d'expertise qui sont longues et coûteuses, la menace constante que l'affaire finisse devant des jurés habilités à accorder des dommages et intérêts "punitifs" pouvant se chiffrer à des dizaines de millions de dollars.
Les règles déontologiques et de responsabilité imposent aux praticiens des obligations de transparence et d'information envers leurs patients qui sont de nature à édulcorer la relation de confiance entre le médecin et son patient.
Cet exposé placera l'avocat, et surtout (1) ses modes de rémunération, (2) les procédures d'expertise et (3) les demandes de dommages et intérêts importants au centre de la crise actuelle que traverse la profession médicale américaine, qui a surtout pour effet d'augmenter les primes d'assurances et de rendre parfois inaccessible l'accès des patients aux traitements qui leur sont nécessaires.

 

La preuve scientifique appliquée à l’expertise en médecine

HUREAU J (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (2), 076-078

Résumé
Les conséquences d’un avis d’expert sur une décision en droit méritent que l’on se penche sur ce qui en est le substrat : la preuve scientifique. La preuve sert à établir qu’une chose est vraie. La science est la connaissance exacte et approfondie fondée sur des relations objectives vérifiables. L’expert, débiteur du vrai, est sollicité par le juge, débiteur du juste.
La valeur de la preuve scientifique dépend du type de raisonnement scientifique qui prétend la soutenir. Du raisonnement analogique au raisonnement inductif probabiliste, le mécanisme mental qui permet à l’Homme d’aboutir à une conclusion a évolué au cours des siècles.
La science et l’incertitude sont indissociables. La faillibilité scientifique expertale en est la conséquence. Les moyens d’y pallier doivent être mis en œuvre pour que d’une vérité scientifique découle une vérité judiciaire. De la quasi-infaillibilité, demandée par la loi et la jurisprudence, à l’incertitude scientifique, la marge est parfois étroite. L’honnêteté intellectuelle et l’humilité de l’expert doivent régler sa conduite.
« L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit » (Aristote).

 

La Convention européenne des Droits de l’Homme face au droit et au devoir de soigner

FONTBRESSIN P de (Avocat au Barreau de Paris, Maître de conf. à Paris 11)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (2), 072-075

Résumé
En vertu des principes de primauté et d’applicabilité directe, la Convention européenne des droits de l’Homme fait partie intégrante du droit français.
Le respect des droits fondamentaux et libertés qu’elle garantit s’impose à l’Etat du fait se son effet vertical et aux particuliers dans leurs relations interindividuelles, du fait de son effet horizontal.
Bien que ni le droit, ni le devoir de soigner ne figurent dans les articles de la Convention européenne des droits de l’Homme, il n’en demeure pas moins que l’interprétation jurisprudentielle de celle-ci par la Cour européenne des droits de l’Homme témoigne incontestablement de ce qu’ils ne peuvent être étrangers au champ couvert par les article 2, 3, 8 et 9 de ce texte.
Ceux-ci concernent le droit à la vie, l’interdiction des traitements dégradants et inhumains, le respect de l’intimité et de la vie privée, et le respect de la liberté de conscience et de religion.
Le présent propos aura ainsi pour objet de tenter de tirer les leçons de l’œuvre accomplie par la Cour de Strasbourg, s’agissant de la relation droits-devoirs au centre des préoccupations présentes de l’Académie de chirurgie, mais aussi de plus en plus fréquemment mise à l’ordre du jour par la Cour européenne des droits de l’Homme sous l’aspect de la théorie de l’obligation positive de l’Etat et de l’effet horizontal de la Convention.
Le thème abordé pose aussi la question de l’évolution des droits fondamentaux expressément visés par le texte de la Convention vers les droits dits de la « troisième génération ».

 

Le chirurgien, le droit…et la philosophie

HUBINOIS P (Paris) Chirurgien, Dr. en droit, Dr. en Philosophie
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (2), 079-082

Résumé
De tout temps, chirurgie, droit et philosophie ont entretenu des rapports intimes, comme la vie de Rabelais, entre autres, pourrait nous le rappeler. En ce XXIème siècle débutant, la transmission instantanée de l’image et du son à des milliers de kilomètres, la consultation en un seul clic par le non-spécialiste des traités de médecine sur le net, la rapidité exponentiellement croissante du progrès technique, jointes à la multiplication consumériste des mises en cause judiciaires, obligent le chirurgien à une transparence accrue de ses indications et de sa technique, ainsi qu’à une remise en question permanente de ses connaissances et de ses procédures. Il nous apparaît que l’une des meilleures manières pour lui de ne pas céder sur sa passion, qui sous-entend une appétence inentamée pour le progrès technique, en évitant cependant de prêter le flanc à une critique constatant la possible dangerosité de son activité, est de ne pas sacrifier la proximité clinique et éthique avec son patient à la constante évolution de la technique chirurgicale.