Séance du mercredi 21 mai 2008

L’APPAREIL LOCOMOTEUR
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Michel Merle

 

 

Éloge de Frantz LANGLAIS

DUPARC J

 

Notre expérience de la couverture des grandes pertes de substance de la jambe

VAIENTI L (Milan) présenté par M. MERLE
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (3), 029-033

Résumé
Les traumatismes complexes de la jambe associant pertes de substance cutanée et osseuse impliquent la mise en œuvre précoce d’une stratégie thérapeutique cohérente afin de restaurer au mieux l’anatomie et de mettre le blessé à l’abri d’une ostéite ou d’une ostéoarthrite. La nature du traumatisme détermine la gravité lésionnelle. Un traumatisme direct facilite l’identification des tissus lésés, en revanche un traumatisme tangentiel à haute vélocité crée un déshabillage du membre avec une dévascularisation étendue rendant le parage plus difficile. Le risque est d’enfermer une nécrose sous un lambeau de couverture et d’induire une ostéite au pronostic redoutable.
Notre stratégie de couverture est fonction de la taille et de la localisation de la perte de substance mais également de la contamination de la plaie, de la disponibilité des axes vasculaires et des procédés d’ostéosynthèses utilisés.
Les transferts microchirurgicaux de lambeaux libres cutanés, musculaires ou composites ostéo-cutanés ont été privilégiés pendant deux décennies pour traiter les pertes de substances complexes.
Une étude critique de nos résultats nous a conduit à privilégier les lambeaux pédiculés en îlot ainsi que les lambeaux de voisinage dits « perforants ».
Notre série de 82 cas comprend 16 lésions du pilon tibial, 15 cas de fractures du plateau tibial, 51 cas de fractures du tibia avec ou sans lésion associée du péroné.
L’age des patients varie de 16 à 82 ans, 71 sont de sexe masculin et 11 de sexe féminin.
Les pertes de substance ont été traitées par 32 lambeaux libres (9 gracilis, 16 grand dorsal,4 lambeaux ante-brachiaux radial et 3 grand dentelé). Il y a eu 3 échecs. Les lambeaux en îlots ou pédiculés comportaient 27 lambeaux sural, 7 lambeaux de jumeau interne, 4 supra-malléolaire, 3 pédieux, 2 lambeaux adipofascial postérieur, et enfin 9 lambeaux perforants locaux. 4 lambeaux de cette série ont nécrosé.
Cette série nous permet de hiérarchiser avec plus de précision les indications chirurgicales selon le niveau lésionnel et la nature de la perte de substance.

 

Reconstruction des pertes de substances osseuses diaphysaires

MASQUELET AC (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (3), 034-038

Résumé
Les procédés les plus communément utilisés pour reconstruire les pertes osseuses segmentaires sont l’auto greffe de fibula vascularisée et le transfert osseux selon la technique d’Ilizarov. L’autogreffe isolée est déconseillée lorsque la perte de substance excède 4-5 cm en raison du phénomène de résorption. Depuis 1986, nous utilisons une technique originale qui nous a permis d’élaborer le concept de « membrane induite » et de reconstruire des pertes de substance étendues.
Méthode : Le principe de la technique est une opération en deux temps :
- le premier temps opératoire comprend un débridement et un parage radicaux et la mise en place d’une entretoise en ciment dans le defect. Un lambeau de réparation des parties molles est associé en cas de nécessité.
- Le deuxième temps opératoire, réalisé six à huit semaines plus tard, consiste à retirer l’entretoise et à remplir la cavité par de l’autogreffe spongieuse mélangée à un substitut d’os, le cas échéant.
L’étude de la membrane induite par le ciment a révélé plusieurs propriétés :
- la membrane prévient la résorption de la greffe spongieuse et contribue à sa revascularisation
- la membrane sécrète des facteurs de croissance (VGEF, TGF, BMP-2…) qui participent à la consolidation.
Séries cliniques et résultats :
1. Une première série clinique a été réalisée de 1986 à 1999 au cours de laquelle 35 patients ont été opérés pour des pertes de substance diaphysaires segmentaires variant de 5 à 25 cm. Les résultats ont fait apparaître une consolidation « radiologique » en 4 mois ; la reprise de l’appui total, sans protection, pour les reconstructions du membre inférieur ont été effectives à 8,5 mois en moyenne.
2. Un seconde série, prospective, a été réalisée à partir de 2001 en associant une BMP de synthèse à l’autogreffe spongieuse. Les résultats n’ont pas révélé de différence notable avec ceux de la première série ; l’étude des radiographies a même montré des aspects évoquant des plages de résorption au sein des segments reconstruits dont la BMP pourrait être tenue pour responsable, par des phénomènes de concentration et de compétition.
Discussion :
- La membrane induite a prouvé son efficacité en se comportant comme une véritable « chambre biologique » active.
- Le problème actuel est de déterminer quel pourrait être le meilleur matériau de comblement susceptible d’aboutir à une reconstruction solide dans les plus brefs délais. L’association d’un support ostéo-conducteur (substitut d’os) et d’un agent ostéo-inducteur (cellules mésenchymateuses) apparaît comme la voie de recherche la plus prometteuse.
Conclusion : La membrane induite peut être considérée comme un modèle destiné à tester des associations multiples dans le cadre de protocoles expérimentaux

 

Perspectives pour l’allotransplantation de tissus composites en chirurgie de la main.

SCHOOFS M (Lille)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (3), 039-048

Résumé
L’allotransplantation microchirurgicale de tissus composites (ATC) est une activité émergeante de la chirurgie reconstructrice. Une révolution conceptuelle s’est imposée avec les premières allotransplantations de mains et du visage. Les recherches sur l’induction d’une tolérance immunologique et les progrès des traitements immunosuppresseurs laissent envisager des reconstructions sur mesure, sans séquelles de prélèvements, avec l’espoir d’une suspension à terme des traitements immunosuppresseurs dont les effets secondaires restent importants.
Pour la reconstruction de la main, nous envisageons les indications potentielles des procédures chirurgicales d’ATC :
• L’amputation d’une seule main : les greffés d’une ou deux mains sont en bon état général. Le » principe de précaution » empêche, en France, la réalisation de la transplantation d’une seule main.
• L’amputation de tous les doigts : la reconstruction par lambeau inguinal tubulé, associé à des transferts d’orteils multiples, donne des résultats fonctionnels pauvres et peu esthétiques, avec des séquelles de prélèvement. Une ATC du complexe pouce-thénar-tendons fléchisseurs et extenseurs sur le pédicule radial, peut être combiné à l’ATC de doigts-tendons fléchisseurs et extenseurs-pédicules artérioveineux et nerfs sur l’arcade vasculaire terminant le pédicule cubital.
• L’amputation de la colonne du pouce en amont de la métacarpo-phalangienne : en l’absence d’éminence thénar, les reconstructions par pollicisation ou transfert d’orteil sont décevantes. L’unité thénar-pouce est susceptible d’être reconstruite par une ATC sur mesure, comprenant les muscles thénariens et leur nerf moteur, le pédicule vasculaire radial, les nerfs sensitifs, les tendons fléchisseurs et extenseurs.
• L’amputation transmétacarpienne : la reconstruction fait appel à des lambeaux composites ou des lambeaux associés à des transferts d’orteils avec les séquelles inhérentes. L’ATC d’une partie transmétacarpienne de main sur l’arcade radio-palmaire, avec les anastomoses nerveuses correspondantes est envisageable.
• Le délabrement de l’interphalangienne proximale avec perte de substance ostéotendineuse de l’extenseur : l’alternative à l’amputation est le transfert d’orteil sur mesure chez le sujet jeune, avec une séquelle d’amputation de l’orteil donneur. Il existe toujours une incongruence des pièces anatomiques. L’ATC sur mesure emportant les pédicules collatéraux, l’articulation, l’appareil extenseur et le réseau veineux dorsal, avec ou sans revêtement cutané, peut être envisagée.
• La destruction de l’appareil fléchisseur et de ses annexes : la greffe non vascularisée est contre-indiquée. Les transplants vascularisés du pied sont très difficiles et peu fiables. L’alternative à l’amputation est la transposition du complexe fléchisseurs-gaine-poulies-plaques palmaires, sur le pédicule cubital. L’ATC de tendons vascularisés avec arrêt, à terme, du traitement immunosuppresseur a déjà été réalisé.
• Les indications potentielles dans l’agénésie et la reconstruction du complexe unguéal sont volontairement éludées, mais méritent réflexion.
En conclusion, il est temps d’inventer de nouvelles opérations pour répondre aux futures demandes d’ATC dans la reconstruction de la main. Il reste à résoudre le problème de la conservation des membres donneurs dans une banque accessible.

 

Le syndrome de la traversée cervico-thoraco brachiale : une lourde hérédité anatomique.

CARLIER A (Liège) présenté par M. MERLE
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2008, vol. 7 (3), 049-055

Résumé
La région cervico-thoraco-brachiale (SCTB) est une région anatomique complexe incluant notamment l’ouverture supérieure du thorax et celle du membre supérieur.
Cette région présente un cadre osseux élaboré, des fourreaux musculaires et plusieurs aponévroses, où glissent différentes structures vasculaires et nerveuses essentielles.
Ces dernières peuvent être victimes de phénomènes compressifs dont les manifestations cliniques sont nombreuses. Poitevin (2005) a bien établi qu’il y avait potentiellement six espaces rétrécis au niveau de cette région où ces structures nobles vasculaires et nerveuses peuvent être altérées.
Les anévrysmes de l’artère sous-clavière, les thromboses de la veine sous-clavière (syndrome de Paget Schroetter), des compressions nerveuses somatiques vraies (syndrome de Gilliat-Sumner) sont classiquement reconnues comme issus de ces phénomènes compressifs. D’autres manifestations cliniques font moins l’unanimité étiopathologique à ce niveau.
Au sein du SCTB, il existe de nombreuses variations anatomiques dont la plus connue, déjà classée par Gruber en 1869, comprend les différentes formes des côtes cervicales. Il existe cependant d’autres anomalies impliquant les tissus mous de cet espace confiné. Ainsi, Sebileau (1892) décrit les différents ligaments suspenseurs du dôme pleural et Testut (1909) décrit également des muscles pleuro-transversaires ou des scalènes surnuméraires. Il est par ailleurs connu qu’il existe des plexus brachiaux pré ou post-fixés, et des anomalies de passage des vaisseaux sous-claviers.
La question se pose donc de savoir pourquoi il y a en un si petit espace de passage, autant de variations ou d’anomalies anatomiques.
L’ontogenèse, la phylogenèse, et la paléontologie d’une part, l’embryogenèse d’autre part peuvent nous aider à comprendre, par l’anatomie comparée, certaines de ses manifestations. A ces processus évolutifs, il convient d’ajouter des implications de la brachiation, et de l’adaptation à la position plantigrade.
L’auteur essayera ainsi, sur base de dissections et en comparaison avec des études semblables d’expliquer certaines anomalies ou variations incluant :
- la présence de deux tubercules au niveau des vertèbres cervicales, ce qui constitue un résidu de côte associé à la vertèbre ;
- la présence de côte cervicale (1 % de la population selon Merle) ou même de côte lombaire ;
- le développement de la clavicule, et du ligament costo-coracoïdien ;
- la présence de différentes formes de ligaments suspenseurs du dôme pleural ;
- la nature même des scalènes qui sont, in fine, des muscles intercostaux ;
- la présence d’autres anomalies telles que le scalène anticus ou le muscle de Langer.
La connaissance de ces anomalies ou variations anatomiques peut nous aider à traiter les pathologies rencontrées au niveau du STCB.
De l’étude de ces éléments d’anatomie comparative, peuvent par ailleurs découler des signes radiologiques qui doivent être interprétés en fonction des associations d’anomalies osseuses et des tissus mous adjacents.
Notre « hérédité anatomique » au niveau du STCB nous prédispose à des pathologies connues mais aussi pourrait expliquer certaines pathologies non élucidées, avec des implications probables dans l’algo-neuro-dystrophie par exemple.

 

16h Élection de membres titulaires