Séance du mercredi 30 octobre 2013

SEANCE COMMUNE ANM/ANC : CHIRURGIE FONCTIONNELLE
14h30-17h00 - 16 Rue Bonaparte
Sous la Présidence d’honneur de Messieurs François Richard (ANC) et François-Bernard Michel (ANM)

 

 

Conférence sur L'exosquelette

MOREL G (Paris)

 

Chirurgie fonctionnelle intracochléaire, de l’implantation cochléaire à la régénération sensorielle

STERKERS O, NGUYEN Y, KAZMITCHEFF G, FERRARY E (UMR-S 867 Inserm / Université Denis Diderot « chirurgie otologique mini-invasive robotisée » Service d’ORL de la Pitié Salpêtrière, unité d’otologie, implantologie et chirurgie de la base du crâne, AP-HP, Paris) - Membre ANC

Résumé
L’implantation cochléaire qui permet d’acquérir ou de restaurer l’audition a été une révolution médicale dont la portée est toujours sous-estimée. A partir de la découverte de Djourno et Eyries (1957) de restaurer des sensations auditives par un courant électrique appliqué à la cochlée , quatre groupes de pionniers, Burian et Hochmair (Vienne), Chouard (Paris), Clark (Melbourne) et Michelson et Merzenich (San Francisco) ont dans les années 70 mis au point des implants cochléaires qui quarante ans plus tard sont devenus des dispositifs fiables et performants. Plus de 50000 patients dans le monde sont implantés chaque année utilisant les 4 types de dispositifs développés à partir de ces travaux : Advanced Bionics (USA), Cochlear (Australie), MED-EL (Autriche), et Neurelec (France).

La première étape a été de réduire le traumatisme chirurgical intracochléaire et de préserver l’audition résiduelle par la diminution du diamètre et de la rigidité des portes électrodes. Le geste chirurgical peut encore progresser avec le contrôle des forces d’insertion dans la cochlée grâce à des robots conçus pour l’implantation cochléaire. La deuxième étape est de traiter les maladies de l’oreille interne in situ en mettant au point des vecteurs en fonction des cibles à atteindre : des gels placés au contact de la fenêtre ronde, des nanoparticules magnétiques introduites dans la cochlée et des électrodes, chargés de médicaments. Le futur est d’appliquer ces techniques pour régénérer l’organe sensoriel par différenciation in situ de progéniteurs ou greffes de cellules souches afin de remplacer des cellules déficientes.

 

Robotique en ORL

LACCOURREYE O, CHOUARD C

 

Essor de la neurochirurgie fonctionnelle : le connectome cérébrale revisité
Advances in Functional Neurosurgery: the Brain Connectome Revisited

DUFFAU H (Montpellier) membre ANC
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2014, vol. 13 (1), 057-061

Résumé
Pendant longtemps, une vision localisationniste et statique du fonctionnement cérébral a prévalu. Ce concept était source de limitation pour la chirurgie cérébrale, puisque l'ablation d'une lésion dans une zone a priori "cruciale" génèrerait selon ce dogme des séquelles inéluctables. Les développements actuels ont permis d'évoluer vers une organisation dynamique du cerveau, i.e. en réseaux complexes, interconnectés et capables de se compenser lors de traumatisme cérébral. Il est effectivement possible de réaliser des cartographies fonctionnelles individuelles, grâce à la neuroimagerie fonctionnelle, mais aussi en pratiquant les interventions cérébrales sous anesthésie locale: l'éveil per-opératoire du patient permet d'identifier et de préserver les structures corticales et sous-corticales "éloquentes". Cette découverte du connectome cérébral a également ouvert la porte vers la neuroplasticité, changeant radicalement la conception de la neurochirurgie. Ainsi, dans les tumeurs, il est désormais envisageable d'opérer dans des zones classiquement considérées comme intouchables avec un risque minime d'engendrer une aggravation, tout en augmentant l'étendue de la résection et donc de la survie: le principe de "neurochirurgie oncologique fonctionnelle" est né. Ces concepts sont aussi appliqués dans la chirurgie de l'épilepsie, dont l'essence même est d'optimiser la qualité de vie. La meilleure compréhension des réseaux cérébraux a également débouché sur leur modulation, via des stimulations électriques chroniques ayant déjà démontré leur efficacité dans les mouvements anormaux (comme le tremblement dans la maladie de Parkinson), et de plus en plus utilisées dans le traitement des douleurs rebelles ou en psychiatrie (dépressions réfractaires, troubles obsessionnels compulsifs,...). La neurochirurgie mute vers une philosophie "connexionniste", basée sur une connaissance grandissante de la dynamique des circuits cérébraux, et ouvrant des perspectives thérapeutiques dans le domaine de la "chirurgie des réseaux neuraux".

Intervenant ANM : BIOULAC B (Bordeaux)

 

Boucles cortico-sous-cortico-corticales, réseaux, stimulation à haute fréquence : de l’expérimentation à la clinique
Cortico-Subcortico-Cortical Loops, Networks, High Frequency Stimulation: from Experimental Studies to Clinical Practice

BIOULAC B, GARCIA L, MICHELET T, AOUIZERATE B, GUEHL D, GROSS C, BENAZZOUZ A (Bordeaux) membre ANM
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2014, vol. 13 (3), 012-023

Résumé
Une meilleure compréhension de l’organisation anatomique et fonctionnelle des boucles cortico-sous-cortico-corticales a ouvert de nouvelles perspectives dans l’approche de certaines pathologies neurologiques ou psychiatriques. C’est le cas pour la boucle motrice et la maladie de Parkinson (MP) et la boucle limbique et le trouble obsessionnel compulsif (TOC). Dans le cas de la MP la réalisation d’un modèle parkinsonien chez le singe, grâce à une neurotoxine des neurones dopaminergiques, le MPTP, a montré le rôle majeur joué par le noyau sous thalamique (NST) dans le réseau des ganglions de la base (GB). Ainsi, la déplétion dopaminergique entraîne une hyperactivité anormale des neurones glutamatergiqes du NST. Celle-ci est faite de bouffées irrégulières dont la fréquence interne s’inscrit essentiellement dans la bande du rythme antikinétique b et parfois de celle du rythme q synchrone au tremblement. Ces rythmes pathologiques, surtout les oscillations b envahissent le réseau des GB et contrarient l’édification de messages moteurs cohérents. Cette réalité est concomitante à l’état d’inhibition gabaergique qui résulte de la suractivation des noyaux de sortie des GB : le pallidum interne (GPi) et la substance noire pars reticulata (SNr). La conséquence ultime est la dépression du thalamus moteur et de la voie thalamo-corticale.
L’application de la stimulation cérébrale profonde (stimulation cérébrale profonde, SCP ou stimulation à haute fréquence, SHF) sur le NST modifie considérablement l’état du réseau. La SHF a des effets duals sur les neurones du NST. Elle supprime les activités pathologiques b et q et créé une néoactivité de type prokinétique g. Les oscillations g ainsi générées au niveau du NST induisent une nouvelle dynamique dans le réseau NST –GPi/SNr-thalamus-cortex (aire motrice supplémentaire, AMS et aire 4). Celles-ci en contrecarrant les rythmes antikinétiques, autorisent à nouveau l’édification de messages corticaux à compétence motrice et partant des mouvements normaux brisant le carcan de l’akinésie et de l’hypertonie.
Dans le cas de la boucle limbique et du TOC, là encore les approches expérimentales chez le singe ont ouvert des perspectives physiopathologiques. En effet, l’analyse de l’activité neuronale du cortex cingulaire antérieur (CCA) au cours d’un test de type Stroop (TTS) qui favorise la survenue d’échecs dans l’exécution d’une tâche, a révélé l’existence de neurones qui « codent » pour la détection des erreurs. Mieux encore, certains de ces neurones dits « bimodaux » ont un profil d’activité qui indique qu’ils gèrent « le conflit » suscité par l’erreur et en « tirent profit » pour éviter un nouvel échec.
Le cortex cingulaire fait partie de la boucle limbique. Dans le TOC, l’IRMf révèle qu’il est le siège d’une hyperactivation dans les phases de ritualisation. Par ailleurs, dans ces phases le sujet a le sentiment que son geste aboutit inexorablement à une erreur. Ceci l’amène à persévérer dans la correction mais en vain ! Dès lors, il poursuit dans son rituel pathologique. L’hypothèse est que, dans le TOC, existe un emballement anormal des assemblées neuronales qui codent pour l’erreur et la gestion des conflits et que cet emballement envahit la boucle limbique. Cette perspective nous a conduits à tenter de contrecarrer cette hyperactivité par l’application, dans les TOC graves et résistants, de la stimulation à haute fréquence sur le striatum ventral (noyau accumbens), nœud majeur de la boucle limbique. Lors de l’implantation des électrodes, l’enregistrement de neurones striataux a révélé qu’ils exprimaient une augmentation d’activité anormale dont la fréquence s’inscrit dans la bande antikinétique b. Normalement ces neurones sont silencieux, ce sont là des corrélats de l’hyperfonctionnement pathologique de la boucle limbique. Dans deux cas de TOC, particulièrement sévères, les résultats obtenus avec la stimulation à haute fréquence du striatum ventral sont très encourageants et prometteurs.
Dans ces deux « pathologies de réseaux », la SHF tend à inhiber des rythmes antikinétiques b ou q et d’y substituer une activité oscillatoire de type g prokinétique et autoriser une planification de l’action proche de la normale.

Abstract
A better understanding of the functional organization of the cortico-subcortico-(basal ganglia, BG)-cortical loops has furnished new insights about the pathophysiology of certain neurological and psychiatric diseases. It is the case for the motor loop and Parkinson’s disease (PD) and the limbic loop and obsessive compulsive disorder (OCD). For PD, the realization of a parkinsonian model in non-human primate, by using a dopaminergic neurotoxin, the MPTP, revealed the major role exerted by the subthalamic nucleus (STN), “a glutamatergic driving force”, in the network of BG. Thus, the dopamine (DA) depletion provokes an abnormal oscillatory hyperactivity of the subthalamic neurones. This oscillatory activity is mainly in the 15-30 Hz b range and less frequently in the 3-10 Hz q range. The elevated b activity is considered to be related to antikinetic motor activity. The oscillations in the low frequency q range are often in synchrony with the tremor. In Parkinsonism, these pathological rhythms invade the BG network and impede the build-up of coherent cortical motor messages. This situation is concomitant with a gabaergic inhibitory state in the GPi/SNr-thalamus-cortical pathways.
The high frequency stimulation (HFS, DBS) of STN exerts a dual effect: (1) it suppresses the deleterious rythmes b and q and (2) it induces a new activity. The latter consists of bursts of 60-80 Hz spikes. Therefore it appears that the pathological disrupted activity, recorded in the STN, is totally replaced by an intermittent activity in the 60-80 Hz g range. Widespread to BG network the g oscillations are considered to be prokinetic and capable to thwart akinetic and hypertonic processes.
Experimental approaches in non-human primates have also provided major clues concerning the relationship between the limbic loop, anterior cingulate cortex and OCD. Using a Stroop-like visuo-motor task in monkeys, we have studied unitary neuronal activity of the anterior cingulate cortex (ACC, CMAr: 24c) during error detection and conflict monitoring. Neuronal changes in discharge rates are always much more pronounced for an erroneous response than for a successful movement that induces reward delivery. Moreover, some neurons (so called “bimodal”) respond more markedly to the warning stimulus when a previous trial failed. In this case, the probability increases for a subsequent correct response. An abnormal hyperactivity of these neurons, which would take advantage from past errors, could contribute to the genesis of obsessive compulsive disorders (OCD). In OCD victime, functional magnetic resonance imagery (fMRI) demonstrates excessive activity in the ACC and in the limbic loop in which it is embedded. We proposed to counteract this hyperactivity by applying, in severe and resistant OCD, high frequency stimulation of the ventral striatum (nucleus accumbens), a major node of the limbic loop. Recordings of striatal neurons during electrodes implantation revealed an abnormal oscillatory activity in the 15-30 Hz b range. It can be assumed that this deleterious and antikinetic rhythm, occupying the limbic loop, is replaced by a prokinetic activity generated by HFS. This is supported by the fact that in two severe cases, OCD symptoms were markedly reduced by deep brain stimulation.
These two examples argue for the concept of “network pathologies” where disrupted oscillatory activity can be thwarted by HFS of the appropriate target and replaced by a prokinetic rhythm.

 

Réhabilitation fonctionnelle des paralysies musculaires par les différents moyens chirurgicaux, notamment les transpositions musculaires et autres techniques éventuelles

NORMANDIE de P (Paris)

Résumé
La chirurgie fonctionnelle des complications neuro-orthopédiques des membres chez les patients qui présentent des déficits neurologiques a pour objectif d’améliorer leur autonomie. Les tableaux cliniques sont très variés en fonction du type de paralysie périphérique ou centrale. Le déséquilibre musculaire engendré par la composante déficitaire associée à une éventuelle hypertonie et des troubles de la commande provoquent des déformations pouvant évoluer vers des rétractions et des raideurs ou laxité articulaire. Ces déformations peuvent toucher toutes les articulations. L’évaluation de leurs retentissements et de leurs causes sont essentielles car elle permet de définir le contrat qui sera passé avec le patient. Des innovations importantes ont été réalisées tant dans l’organisation avec les consultations pluridisciplinaires que l’accès à des examens comme l’analyse quantifiée de la marche, les blocs moteurs sélectifs. Les possibilités thérapeutiques sont médicales avec notamment l’utilisation de la toxine botulique et ou chirurgicales qui associent la correction des rétractions par allongements tendineux, le renforcement des antagonistes par des transferts qui fonctionnent très différemment en fonction du type de paralysie, enfin la correction de la composante articulaire. Le choix thérapeutique dépend des objectifs et du contexte en particulier l’âge. Il est souvent mixte et hiérarchisé dans le temps. Il doit dans tous les cas assurer un gain précis évaluable et utilisable dans la vie quotidienne. Seul le résultat fonctionnel compte il est dépendant également des troubles associés fréquents dans les paralysies centrales et nécessite donc une prise en charge pluridisciplinaire tant pour l’évaluation que le traitement et le suivi de ces patients.

 

Prise en charge de l’incontinence urinaire chez la femme, Place et résultat de la chirurgie fonctionnelle avec un recul supérieur à 10 ans

RICHARD F (Paris) ANC

Résumé
L’incontinence d’urine, qui est définie par la perte involontaire des urines à travers l’urethre, est une perturbation fonctionnelle de l’appareil vésico-sphinctérien qui entraîne souvent une altération notable de la qualité de vie des personnes atteintes

A l’âge adulte, l’incontinence survient de façon prédominante chez la femme en raison des facteurs prédisposants indéniables que sont d’une part les spécificités anatomiques du périnée féminin et d’autre part la survenue de maternités et la ménopause.

Si environ 50% de fuites très occasionnelles sont retrouvées dans les enquêtes auprès d’étudiantes ou de femmes nullipares, on considère en fait que 10 à 20% des femmes sont atteintes d’incontinence invalidante source de handicap physique mais aussi psychologique et social.

Les causes de l’incontinence urinaire féminine sont multifactorielles, les traitements doivent donc être adaptés à chaque femme en fonction des mécanismes précisés au terme de l’examen clinique et des explorations complémentaires, enfin un certain nombre de traitements , notamment chirurgicaux peuvent guérir l’incontinence mais au prix de troubles mictionnels secondaires qu’il faut savoir prévenir ou corriger. La prise en charge optimale de ce handicap nécessite la maîtrise par le thérapeute de l’ensemble de ces éléments de décision .Ils seront explicités à partir des courbes urodynamiques normales et pathologiques en distinguant les mécanismes de l’incontinence d’effort, de l’incontinence par trouble vésical et des associations.


En pratique :

L’interrogatoire de la patiente permet de distinguer l’incontinence d’effort pure de l’incontinence par impériosité, mais cela ne précise pas les mécanismes en cause et bien souvent l’incontinence est mixte. L’examen clinique est indispensable pour rechercher un prolapsus associé (autre conséquence du même phénomène d’altération tissulaire) , pour contrôler la réalité et les conditions de survenue de la fuite, pour vérifier l’efficacité ou non des manœuvres de correction des déficits pelviens qui orienteront un geste chirurgical éventuel. A l’issue de ce bilan l’incontinence urinaire typique et pure d’intensité faible ou modérée peut faire l’objet d’un traitement par rééducation périnéale, dans les autres cas un examen urodynamique est recommandé pour expertiser les différents mécanismes possibles et faire le bilan des forces de retenue et d’expulsion et préciser les indications des différents traitements:

Les incontinences avec instabilité vésicale bénéficient en première intention des traitements pharmacologiques per os (parasympathicolytiques) Dans les formes résistantes de nouvelles drogues sont testées soit en instillations endo-vésicales ( substances vanilloïdes) soit en injection intra-détrusorienne ( toxine botulique) , les urologues utilisent également la stimulation électrique de la racine nerveuse S3 qui en cas de test positif peut aboutir à la mise en place de stimulateur définitif sous cutané).En cas de troubles de compliance majeurs des interventions d’agrandissement vésical peuvent être nécessaires.

Les incontinences d’effort importantes, de même que celles qui résistent à la rééducation sont du ressort d’une chirurgie à visée fonctionnelle comme nous allons le voir.

Puisque l’incontinence urinaire résulte de la perte de l’équilibre physiologique entre les forces d’expulsion qui ne restent plus inférieures aux forces de retenue, le but des différents traitements sera de restaurer cet équilibre en faveur des forces de retenue.

On comprend donc la nécessité de bien rechercher pour chaque patiente le ou les facteurs responsables de la perte de cet équilibre car , par exemple, il ne sert à rien d’utiliser un traitement médicamenteux s’il n’y a pas d’anomalie de la contraction vésicale, inversement si on trouve chez une patiente deux anomalies en cause la correction d’une seule de ces anomalies peut parfois suffire à restaurer un équilibre permettant la continence ( une amélioration du mécanisme passif de fermeture de l’urèthre peut être efficace même si la contraction du sphincter reste trop faible).

Par ailleurs l’incontinence urinaire féminine est une pathologie de la fonction vésico-sphinctérienne qui le plus souvent ( à l’exception des causes neurologiques) ne met pas en cause la vie des femmes qui en souffrent mais entraîne souvent une altération importante de la qualité de vie, ceci impose donc à la fois de bien apprécier le retentissement de ce handicap et, en cas de plusieurs possibilités de traitements, de commencer par le traitement le moins agressif .



Quand proposer un traitement chirurgical à visée fonctionnelle ?

Il n’y a jamais d’urgence à proposer une intervention chirurgicale pour incontinence mais inversement lorsque d’autres traitements ont échoué et que l’indication de la chirurgie est pertinente il n’y a aucune raison de récuser la chirurgie chez des femmes jeunes en raison de leur âge .Dans tous les cas une information sur le type et le but de l’opération chirurgicale, sur son taux réel de succès mais aussi sur les troubles mictionnels secondaires qu’elle peut entraîner est indispensable ; c’est la connaissance des avantages mais aussi des inconvénients possibles de l’intervention proposée qui permettra à la patiente de prendre sa décision en fonction de ces données et de la gêne de son handicap.

Y a-t-il un seul type de traitement chirurgical qui guérit toutes les femmes incontinentes ?

La réponse est clairement non car aucune intervention chirurgicale ne corrige tous les facteurs possibles à l’origine de l’incontinence.

- Certaines interventions corrigent le défaut de soutien du col vésical et/ou de l'urèthre responsable de l’absence d’occlusion passive de ceux-ci lors de l’effort. Leur mode d’action explique la survenue dans 10 à 30% des cas de troubles mictionnels induits ( difficulté d’évacuation vésicale, envie fréquente ou impérieuse d’uriner) en cas de compression de l’urethre.

Il s’agissait des colpo-suspensions (Burch), des bandelettes ou frondes (aponévrotiques ou synthétiques) sous cervicales ( Gobbel-Stoeckel et ses nombreuses variantes) réalisées par voie abdominale, vaginale ou mixte ,remplacées actuellement par des bandelettes ( le plus souvent synthétiques) sous uréthrales (TVT rétropubienne ou TOT trans obturatrice et leurs variantes) par voie mini-invasive vaginale ou abdominale avec ou sans un contrôle endoscopique. Ces interventions n’ont aucune efficacité sur la pression de l’urèthre en cas d’insuffisance sphinctérienne ou sur les anomalies de contraction vésicale.



D’autres interventions visent à compenser l’insuffisance sphinctérienne en créant un certain degré d’obstacle cervical ( avec parfois dysurie ou résidu): il s’agit des méthodes d’injections endo ou peri-urèthrales , sous contrôle endoscopique, de différentes substances ( téflon, graisse, collagène, silicone …) ou surtout de ballons periuréthraux ajustables et gonflables .



Une intervention corrige l’insuffisance sphinctérienne en reproduisant le fonctionnement physiologique au moyen d’une manchette gonflable en silicone qui comprime l’urèthre pendant le remplissage vésical et le libère pendant la miction, elle corrige également le défaut de soutien uréthro-cervical mais est contre-indiquée en cas d’hyperactivité vésicale : il s’agit du sphincter urinaire artificiel, dont un nouveau modèle « intelligent » sera présenté.



- Enfin certaines interventions ont pour but de corriger le défaut d’élasticité (compliance) vésicale ou les hyperactivités vésicales résistantes aux traitements médicamenteux : il s’agit des plasties d’agrandissement vésicales à basses pressions utilisant des segments intestinaux détubulés ( pour neutraliser le péristaltisme du segment d’intestin suturé à la vessie)



A quelles patientes proposer un traitement chirurgical ?

- Essentiellement à celles qui souffrent d’une incontinence urinaire d’effort pure

Si le mécanisme essentiel est le défaut de soutien du hamac avec hypermobilité urèthrale corrigée par les manœuvres cliniques de soutien cervical (Bonney) et urèthral distal , les interventions de colpo-suspension, de bandelettes sous-cervicales ou surtout sous-urèthrales sont indiquées avec des taux de succès comparables de 80 à 90% à moyen terme, les colpo-suspensions se dégradant plus à long terme. Actuellement les bandelettes sous-urèthrales (type TVT, TOT et variantes) sont les plus utilisées dans cette indication en raison de la brièveté de l’hospitalisation et du faible taux de douleur post opératoire.

Si une insuffisance sphinctérienne est associée les taux de succès diminuent de 20% environ

- Les incontinences aux efforts minimes voire à la marche ou les incontinences récidivantes malgré les interventions de colpo-suspensions ou de bandelettes, même sous-urèthrales, sont le plus souvent dues à une insuffisance sphinctérienne importante. Les interventions classiques sont peu efficaces. En cas d’incontinence de volume ou de fréquence faible les injections urèthrales sont de moins en moins utilisées (30 à 40% de succès à court terme), et remplacées par les ballons ajustables (70% de succès) dans les autres cas le sphincter artificiel est le meilleur traitement (80 à 90% de succès à long terme)

- En cas d’incontinence mixte avec instabilité ou hyperactivité vésicale associée, la chirurgie n’est pas indiquée d’emblée même s’il existe un défaut de soutien ; par contre si après correction médicamenteuse de l’instabilité vésicale, il persiste une incontinence à l’effort gênante la chirurgie retrouve ses droits.

 

Médecin, Médecine Physique et de Réadaptation Fonctionnelle : Unité Neuro-Urologie et Andrologie

DENYS P (Garches)

Résumé
Au cours des 20 dernières années les solutions thérapeutiques de l’incontinence urinaire se sont beaucoup modifiées, les connaissances physiopathologiques ont permis de développement de traitements plus simples, plus efficaces et à morbidité plus faible au bénéfice de la population générale. Durant la même période l’arsenal thérapeutique de l’incontinence urinaire neurologique s’est considérablement enrichie. Les études physiopathologiques ont mis en évidence le rôle majeur de la neuroplasticité induite par la lésion neurologique modifiant les propriétés des afférences vésicales et detrusoriennes. Le rôle clé de l’urothélium a pu ainsi être mis en évidence et de nouvelles voies pharmacologiques sont en développement. L’exemple de la toxine botulique utilisée, étudiée et validée initialement pour le traitement de l’hyperactivité detrusorienne neurologique, actuellement en cours de demande d’enregistrement pour l’hyperactivité vésicale idiopathique illustre ces capacités de transferts d’une population à l’autre. Par ailleurs dans la pathologie médullaire l’impact des troubles urinaires n’est pas seulement une cause majeure d’altération de la qualité de vie mais aussi de mortalité et de ré-hospitalisation. De plus de multiples déficiences peuvent s’associer rendant plus complexe les évaluations, les choix et les traitements à mettre en œuvre nécessitant une collaboration multidisciplinaire.