Séance du mercredi 16 octobre 2013

LE FUTUR D'UNE CHIRURGIE A LA VITESSE DES ULTRASONS
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Alexandre Carpentier (Paris)

 

 

Introduction de la séance

 

Introduction de la Séance

CARPENTIER A

Résumé
Même si les potentiels thérapeutiques des ultrasons sont connus depuis plusieurs années, les problématiques technologiques de fiabilité, de miniaturisation, de puissance et de compatibilité IRM commencent maintenant à être levées, permettant d’envisager des applications médicales efficaces avec sécurité. Dans ce tissu scientifique au croisement de la physique et de la médecine, la France tient une place privilégiée parmi les leaders mondiaux des ultrasons, grâce à l’excellence scientifique de laboratoires phares (Institut LANGEVIN, LabTAU INSERM), à une filière industrielle reconnue (Vermon, Imasonic) et à la création de dispositifs médicaux innovants par des jeune entreprises universitaires (Edap, Theraclion, EyeTechCare, Supersonic Imagine, CarThéra, ……). Le gouvernement vient d’apporter en 2013 une aide à cette chaîne de valeur via le Fond Unique Interministériel afin de conforter le développement de cette excellence française à l’échelle internationale.

 

Les ultrasons thérapeutiques : bases physiques et potentiels médicaux
Therapeutic Ultrasound: Physical basis and medical potential

CHAPELON JY (Lyon) - Invité d’honneur, directeur du LabTAU, INSERM U1032, Université de Lyon

Résumé
L'utilisation des ultrasons est aujourd’hui largement répandue en médecine que ce soit en diagnostic (échographie) ou en thérapie pour laquelle de nouvelles applications apparaissent régulièrement. La propagation des ultrasons dans les tissus biologiques donne lieu à des perturbations locales (déplacement de cellules, génération de microflux extracellulaire, variation de pression) produisant des effets thermiques et non thermiques. Aux faibles intensités, les mécanismes non thermiques tels ceux engendrés par la force de radiation, sont susceptibles d'expliquer certains des effets biologiques observés, mais à des niveaux supérieurs, la cavitation et les effets thermiques vont prédominer. Les effets biologiques qui en résultent sur les cellules sont fonction des niveaux d'exposition utilisés (doses). A de faibles doses, des effets cellulaires réversibles peuvent être ainsi produits, alors qu’à des intensités élevées une mort cellulaire immédiate est recherchée (nécrose ou lyse cellulaire). A part la lithotripsie, l’utilisation la plus courante des ultrasons de « forte puissance » en médecine est probablement celle des « ultrasons focalisés de haute intensité » (HIFU) dont les applications au traitement du cancer de la prostate et du fibrome utérin ont été approuvées dans plusieurs pays. Parallèlement aux HIFU, des progrès significatifs ont été réalisés dans le développement de systèmes d'administration de médicaments qui combinent ultrasons et micro-bulles, pour des applications telles que la thrombolyse, l’ouverture réversible de la barrière hémato-encéphalique, et la thérapie génique. Plusieurs de ces systèmes exploitent la cavitation acoustique qui est initiée par la variation de pression acoustique en présence de microbulles administrées par voie intraveineuse. Les résultats de la thérapie par ultrasons sont parfois surprenants compte tenu des bénéfices thérapeutiques obtenus ; comme par exemple ceux obtenus pour le traitement de certains troubles du cerveau. Les études cliniques en cours sont très prometteuses même si parfois les mécanismes physiques impliqués ne sont pas toujours bien compris.

Abstract
The use of ultrasound is now widely spread in medicine both for diagnosis (ultrasound) and therapy for which new applications are appearing regularly. Ultrasound propagation in biological tissue leads to local disturbances (moving cells, extracellular acoustic streaming, time variable pressure) that induce both thermal and non-thermal effects. At low intensity, non-thermal mechanisms such as those induced by the radiation force, may explain some of the biological effects observed, but at higher levels, both heating and cavitation will predominate. Therapeutic effects are based on exposure levels used (doses). At low doses, reversible cellular effects must be significant, whereas at high intensities immediate cell death is sought (necrosis or cell lysis). Beside lithotripsy, the most common use of "high power" ultrasound in medicine is probably now “high intensity focused ultrasound” (HIFU) for applications such as the treatment of prostate cancer and uterine fibroids approved in several countries. Along with HIFU, significant progress has been made in the development of drug delivery systems that combine ultrasound with microbubbles, for applications such as thrombolysis, reversible opening of the blood-brain barrier, and gene therapy. Many of these systems use acoustic cavitation that is initiated by time variable acoustic pressure in the presence of intravenously administered microbubbles. The outcomes of ultrasound therapy are sometimes surprising considering the therapeutic benefits obtained; such as for example those for the treatment of some brain disorders. Ongoing clinical studies show promising results, though the physical mechanism involved is not always well understood.

 

Ultrasons Focalises de haute Intensité dans le cancer de la prostate (HIFU) : du traitement total au traitement focal

GELET A , CROUZET S, CHAPELON JY (Lyon) - Service d’Urologie, Hopital Edouard Herriot, CHU Lyon

Résumé
Sous l’influence des sociétés savantes (AFU, EAU, AUA) le cancer de la prostate fait l’objet d’un dépistage (dosage du PSA) .Les cancers sont détectés au stade local reçoivent traitement radical dans la majorité des cas .Le traitement radical par Chirurgie ou Radiothérapie est considéré comme un sur-traitement dans 20 à 50% des cas. La surveillance active est une alternative non invasive, mais elle aboutit un traitement radical dans 40% des cas. Le traitement par HIFU a été développé par une collaboration entre l’INSERM, la société EDAP-TMS et plusieurs services d’urologie en France et en Allemagne. Trois appareillages ont été mises sur le marché (2000, 2005,2013). Les résultats à 10 ans des traitements complets de la prostate démontrent l’efficacité carcinologique de ce traitement non chirurgical. Le traitement par HIFU permet de réaliser des traitements « focaux », limités à la zone tumorale , ce qui permet d’obtenir un contrôle local du cancer sans les effets secondaires urinaires et sexuels observés après les traitement radicaux .Le traitement focal est donc une alternative à la fois à la surveillance active et aux traitement radical pour les cancers à risques faibles ou intermédiaires .Le dernier appareil (Focal.One) a été conçu pour permettre la réalisation de traitement focaux guidés par une fusion d’image élastique obtenue entre l’ IRM multiparamétrique et l’échographie per –opératoire. Un contrôle per opératoire des zones de nécroses de coagulation est possible autorisant une complétion de traitement si la nécrose de la cible est jugée insuffisante par l’opérateur.
Intervenant/discutant : DUBERNARD JM , RICHARD F

 

Traitement de l'hyperparathyroïdie primaire par ultrasons focalisés à haute énergie (HIFU) : étude des modifications histologiques des parathyroïdes - Intérêt clinique
Is High-Intensity Focused Ultrasound an Alternative to the Surgical Approach in Primary Hyperparathyroidism? Our Preliminary Experience

LI SUN FUI S, BONNICHON P, TISSIER F, NORDLINGER D, BARRIL C, DELBOT T, PION GRAFF J, DEMORGNY L, AUDEBOURQ, FONTAINE M 1. Institut français de chirurgie endocrinienne - Hôpital Privé des Peupliers – 8, place de l'Abbé Hénocque - 75013 Paris. 2. Service d'anatomie pathologique - Hôpital Pitié-Salpêtrière - 47-83, boulevard de l'Hôpital - 75013 Paris - Université Pierre et Marie Curie – Paris - Service d’anatomie pathologique - Hôpital Cochin – 27, rue du Faubourg St-Jacques - 75014 Paris – Université Paris Descartes - Paris. 3. Service de radiologie - Institut Arthur Vernes – 105, rue d'Assas - 75005 Paris. 4. Service de médecine nucléaire - Hôpital Cochin – 27, rue du Faubourg St-Jacques - 75014 Paris. 5. Département d'anesthésie - Hôpital Privé des Peupliers – 8, place de l'Abbé Hénocque - 75013 Paris.
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 001-004

Résumé
L'HIFU (High Intensity Focused Ultrasound) est une méthode non invasive entraînant des lésions d'origine thermique dans les tissus vivants. Les effets biologiques dépendent du type de tissus traversés et de l'énergie délivrée. Les effets biologiques varient de la simple hyperthermie à la destruction tissulaire par la chaleur. De nombreuses applications de l'HIFU ont été rapportées pour traiter les cancers de la prostate, les fibromes utérins, certains glaucomes, des nodules thyroïdiens. Il était donc naturel de proposer cette méthode pour traiter les adénomes parathyroïdiens entrant dans le cadre d'une hyperparathyroïdie. Les résultats rapportés semblent soulever un certain enthousiasme qui a justifié que plusieurs équipes européennes s'y intéressent. Nous rapportons ici notre expérience de quatre expériences réalisés dans le but de d'étudier les modifications histologiques des adénomes parathyroïdiens après ultrasons à haute énergie (HIFU). Nos résultats histologiques des parathyroïdes traitées montrent que l'HIFU entraîne une nécrose partielle des glandes traitées, cependant la destruction des adénomes parathyroïdiens nous semble prématurée car aux les conditions de réalisation technique difficile s'associe une morbidité récurrentielle. Enfin, en tenant compte de facteurs d'inclusion et d'exclusion stricts le nombre de candidats susceptibles d'y avoir recours est faible. Cette technique ne peut donc pas aujourd'hui rivaliser avec les autres méthodes non invasives comme les adénomectomies sous anesthésie locale réalisées en chirurgie ambulatoire, par une courte incision presque toujours invisible après six mois, grevée d'une morbidité inférieure à 1 %, réalisable avec succès dans plus de 95 % des cas, et qui permet une analyse histologique précise de la glande.

Abstract
HIFU is a method for non-invasively inducing thermal lesions in living tissue. Depending on the type of tissue and the energy, the biological effect may be low temperature hyperthermia, tissue (collagen) shrinkage, coagulation or lethal overheating. Many applications have been reported for HIFU treatment of cancers of the prostate, uterine fibroids, some glaucoma, thyroid nodules. It was therefore natural to propose this method to treat parathyroid adenomas of hyperparathyroidism. The results reported appear to raise some enthusiasm that justified a number of European teams are interested. We report our experience of four experiments carried out in order to study the histological changes in parathyroid adenomas after high-energy ultrasound (HIFU). Our histological results showed that parathyroid treated HIFU causes partial necrosis of treated glands, but the destruction of parathyroid adenomas seems premature because difficult technical conditions achievement joins a recurrent palsy. Finally, taking into account the inclusion and exclusion factors the number of candidates that may be used is low. Actually, this technique cannot now compete with other non-invasive methods such as adenomectomies performed under local anesthesia on an outpatient basis, with a short incision almost always invisible after six months, burdened with a lower morbidity than 1%, achieved with successful in over 95% of cases, which allows an histological analysis of the gland.

 

Les ultrasons focalisés externes pour le cerveau

BOCH AL (Paris)

Résumé
L’utilisation des ultrasons thérapeutiques dans le domaine des pathologies cérébrales est séduisante mais implique de régler un problème de taille : la barrière crânienne. En effet, l’os induit une atténuation et des distorsions du faisceau ultrasonore. Pour focaliser les ultrasons à travers le crâne, un réseau de multiéléments est nécessaire, couplé à des techniques de focalisation adaptive. Une deuxième difficulté est l’impératif de contrôler le traitement en temps réel : localisation et dimension de la tache focale, élévation de la température. En intracrânien, le guidage par ultrasons ne permet pas d’obtenir ces informations. Pour planifier et contrôler le traitement, il faut donc recourir à un autre moyen, en l’occurrence l’IRM.

Deux appareils de thérapie ultrasonore transcrânienne IRM-compatibles sont actuellement disponibles sur le marché, permettant à court terme de développer ces traitements. Les indications possibles sont multiples : 1) Ablation thermique : destruction de tumeurs cérébrales bien limitées (notamment métastases), et de cibles en neurochirurgie fonctionnelle (douleur, mouvements anormaux, épilepsie lésionnelle…) ; l’efficacité de cette approche a déjà été démontrée chez des patients affectés de douleurs neuropathiques et de tremblement essentiel. 2) Hémostase et occlusion vasculaire. 3) Thrombolyse. 4) Distribution ciblée de médicaments ou de gènes. 5) Ouverture de la barrière hémato-encéphalique. 6) Neuromodulation : stimulation ou suppression temporaire d’une fonction cérébrale.

Ainsi les ultrasons focalisés sont une technique prometteuse en neurochirurgie et en neuroscience. Beaucoup de travaux sont encore nécessaires avant le passage en clinique de routine. Du côté de la biologie, ils doivent permettre une meilleure connaissance des effets des ultrasons sur le cerveau normal et les différentes tumeurs. Du côté de la technologie, il faut améliorer le ciblage, la puissance et la fiabilité du matériel. Pourront alors commencer des études comparatives avec les traitements conventionnels, études qui devront apporter la preuve du bénéfice rendu par ces techniques.

Intervenant/discutant : Jacques PHILIPPON

 

Les ultrasons interstitiels : de la biopsie à la délivrance médicamenteuse

CARPENTIER AC (Paris) - Service de Neurochirurgie GHU Pitié Salpêtrière, Equipe de Recherche CarThéra Ipeps ICM

Résumé
La prise en charge des tumeurs cérébrales nécessite de prime abord un traitement chirurgical. Lorsque celui-ci est jugé trop lourd (tumeur profonde, patient fragile), une simple biopsie diagnostique est réalisée. Le but de nos travaux a été de mettre en place une sonde qui puisse remplir la triple fonction de biopsie-traitement-exérèse. Cette sonde porteuse de multiples émetteurs ultrasonores miniaturisés grâce à la technologie MEMS c-MUT est insérée sous anesthésie locale au centre de la tumeur par stéréotaxie. Une biopsie première est réalisée, suivie immédiatement d’un traitement thermique contrôlé en temps réel par IRM. La procédure de 30 minutes se termine par une aspiration du tissu pathologique liquéfié par les ultrasons. Les expérimentations in silico, in vitro et in vivo sur animaux confirment la faisabilité et l’efficacité de cette nouvelle approche thérapeutique peu invasive.

Lorsque les patients nécessitent une chimiothérapie complémentaire, celle-ci est freinée dans sa biodisponibilité intracérébrale par la barrière hémato encéphalique. Nos travaux ont porté sur la mise au point d’un émetteur ultrasonore intra osseux activable lors des cures de chimiothérapie intraveineuses. Le train d’ondes ultrasonores pulsées de faible énergie, en interagissant avec des microbulles intra vasculaires de per-fluoro-carbone, va permettre d’ouvrir pendant 6 heures la barrière hémato encéphalique de façon non traumatique, optimisant ainsi d’un facteur 4 la délivrance de la chimiothérapie cérébrale. L’essai clinique pilote devrait débuter dès 2014, avec un espoir thérapeutique énorme aussi bien sur les tumeurs que pour certaines maladies neuro dégénératives.

Intervenant/discutant : Jacques PHILIPPON