Séance du mercredi 12 mars 2014

LA CHIRURGIE DE L'ESTOMAC ET DE L'OESOPHAGE
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateurs : Christophe MARIETTE (Lille) - Jean Pierre TRIBOULET (Lille)

 

 

Introduction de la séance

 

Compte rendu de la séance précédente

 

Introduction de la séance, La chirurgie de l’œsophage et de l’estomac : quelles innovations ?

MARIETTE C (Lille)

Résumé
Les pathologies de l’œsophage et de l’estomac regroupent des pathologies bénignes mais surtout les maladies cancéreuses. Les cancers de l’œsophage et de l’estomac, malgré une diminution relative de leur incidence en France, représentent respectivement en 2014 les 11ème et 6e causes de mortalité par cancer. La survie à 10 ans tout stade confondu est de 7% pour le cancer de l’œsophage et de 19% pour le cancer de l’estomac. La France est un des pays d’Europe le plus touché. Ces deux localisations cancéreuses sont des problèmes de santé publique. Même si une intense recherche a été menée cette dernière décennie afin de déterminer l’intérêt des traitements par chimiothérapie et radiothérapie, la chirurgie reste le traitement central de ces cancers. Les traitements sont le plus souvent utilisés en combinaison afin d’améliorer la survie des malades.
La chirurgie a également été l’objet de nombreux progrès que ce soit dans l’amélioration et la standardisation des techniques chirurgicales mais aussi dans une approche plus globale de la maladie. Parmi les progrès chirurgicaux les plus marquants de ces dernières années, il faut citer (i) les approches mini-invasives par coelioscopie ou guidée par des endoscopes ; réalisant une chirurgie sous caméra évitant les grandes incisions chirurgicales, (ii) la chirurgie robotisée améliorant la visibilité du chirurgien et la précision du geste, (iii) le développement de certains actes de chirurgie en ambulatoire avec sortie le jour même de l’intervention tout en offrant au patient une chirurgie de qualité et une sécurité optimale, (iv) une récupération plus rapide après l’intervention et une diminution des complications via des programmes de soins multi-modaux standardisés, (v) le développement des essais cliniques de recherche qui permettent aux patients d’avoir accès aux innovations tout en améliorant la qualité du soins et en permettant des perspectives d’avenir.
Les approches mini-invasives par coelioscopie ou guidée par des endoscopes sont en plein développement dans des centres experts mais en cours d’évaluation, n’ayant pas encore fait la preuve de leur bénéfice pour le patient, même si de nombreuses études montrent leur sécurité d’utilisation. La France fait ainsi partie des pays pionniers en la matière, avec un développement important des approches mini-invasives, tout particulièrement dans le domaine du cancer, tout en assurant via des études cliniques les bénéfices pour le patient des ces approches.
La chirurgie ambulatoire dans les pathologies bénignes de l’œsophage (diverticule de Zencker, achalasie) et de l’estomac (reflux gastro-oesophagien) a été de façon pionnière dans des centres experts, tout en faisant l’objet d’évaluations scientifiques.
L’introduction et le développement rapide de programmes de réhabilitation rapide trouvent tout leur sens dans la chirurgie de l’œsophage et de l’estomac, notamment en cancérologie, de part des aux de complications élevés après chirurgie en lien avec la lourdeur des prises en charges et la fragilité des patients. Ainsi les exercices physiques préopératoires, l’optimisation nutritionnelle, les modalités optimisées d’analgésie et d’anesthésie péri-opératoires, et la mobilisation précoce sont les éléments clés, bien que non exhaustifs du succès des interventions et des suites opératoires.
Enfin une intense recherche s’est développée en France en lien avec ces innovations des les soins chirurgicaux et oncologiques, permettant à la fois aux patients de bénéficier des innovations tout en assurant leur évaluation en termes d’efficacité et de sécurité d’utilisation. La France est ainsi devenu un des pays les plus actifs en Europe de la recherche sur ces cancers avec des protocoles qui cherchent à évaluer en particulier de nouvelles stratégies de traitement, de nouvelles molécules de chimiothérapie, des mesures visant à améliorer les soins péri-opératoires et la qualité de vie des patients, les techniques chirurgicales mini-invasives, tout en collectant des milliers de données de façon confidentielle et anonyme et après accord des patients pour mener à bien les projets de recherche de demain. Cette recherche se fait en partenariat avec de nombreux partenaires européens dans l’optique de mutualiser les efforts afin d’accélérer l’évaluation des innovations et leur diffusion auprès des patients.
Même si la chirurgie de l’œsophage et de l’estomac reste encore le plus souvent lourde, les innovations techniques et de stratégies de traitement permettent une amélioration nette des résultats, notamment dans le domaine du cancer, que ce soit en survie mais également en qualité de vie pour les patients.

 

Approches mini-invasives dans la chirurgie oeso-gastrique : quelles techniques ? quel niveau de preuve ?

ROBB W B (Bristol, RU)

Résumé
La chirurgie oeso-gastrique et tout particulièrement l'oesophagectomie est associée à un risque elevé de morbidité et mortalité postopératoire, notamment du fait de la nécessité d'un abord combiné de plusieurs compartiments (abdominal ou/et thoracique ou/et cervical). Les techniques chirurgicales mini-invasives ont pour objectif de diminuer l'agressivité du geste chirurgical et le risque de complications postopératoires, tout en facilitant la récupération postopératoire sans compromettre le résultat carcinologique. Plusieurs approches miniinvasives intéressant l'ensemble ou un seul des compartiments (voie hybride) ont été proposées sans qu'une approche ai pour l'instant démontrer de façon nette sa supériorité par rapport aux autres.
A ce jour, un seul essai randomisé de faible effectif a suggéré une diminution de la morbidité respiratoire en cas d'oesophagectomie par thoracoscopie, laparoscopie et cervicotomie par rapport à une oesophagectomie par voie ouverte mais des critiques méthodologiques ont été soulevées. Plusieurs séries rétrospectives souvent monocentriques suggèrent que l'oesophagectomie par voie miniinvasive (hybride ou non) permet une réduction des pertes sanguines, probablement moins de complications respiratoires, une récupération postopératoire plus rapide avec une durée d'hospitalisation diminuée. Sur le plan oncologique, il existait au moins une équivalence en terme de le nombre de ganglions réséqué et la survie globale.
L'évaluation de l'oesophagectomie par voie miniinvasive doit être poursuivie par des essais randomisés multicentriques. Les résultats de l'essai MIRO, essai Français comparant la laparoscopie à la laparotomie dans l'oesophagectomie par voie transthoracique avec thoracotomie sont très prochainement attendus. Un essai de phase II/III comparant l'oeosophagectomie par voie complètement miniinvasive vs. voie hybride vs. voie ouverte vient d’ouvrir en Angleterre.

 

Place de la chirurgie ambulatoire en chirurgie oeso-gastrique

PIESSEN G (Lille)

Résumé
La chirurgie ambulatoire s’est récemment développée avec l’amélioration des techniques chirurgicales et anesthésiques, et de contrôle de la douleur, la mise en place d’équipes et de structures spécialisées dans la prise en charge ambulatoire et la nécessité de réduire les listes d’attente et les coûts en matière de santé. La chirurgie œso-gastrique en ambulatoire est encore confidentielle, mais est amenée à se développer.
La chirurgie du reflux gastro-œsophagien par fundoplicature coelioscopique figure en tête de liste. Plusieurs études ont montré que cette intervention était faisable en sécurité en ambulatoire sans surmorbidité avec un taux d'échec d'environ 20 %, essentiellement pour douleurs ou nausées non contrôlées en postopératoire. Pour les patients répondant aux critères médicaux et socio-économiques de la prise en charge ambulatoire et dans le cadre d’une organisation adaptée, la cure de reflux gastro-oesophagien par laparoscopie avec une hospitalisation de moins de 12 h est faisable et peut être réalisée selon les recommandations de la SFCD (grade C).
Les travaux réalisés dans le service ont permis de démontrer à travers une étude cas témoins que les résultats fonctionnels de la fundoplicature sous coelioscopie en ambulatoire et en conventionnel était similaires. Nous avons de plus entrepris de développer en ambulatoire la prise en charge d'autres pathologies oeso-gastriques. Nos résultats suggèrent la faisabilité en sécurité de la prise en charge des diverticules de Zenker par cervicotomie. En revanche, la prise en charge des achalasies de l'oesophage par cardiomyotomie de Heller sous coelioscopie était associé à un taux de réadmission de 21% avec nécessité de réintervention dans tous les cas entre les deuxième et quatrième jours post-opératoires, suggérant que cette intervention relevait préférentiellement d'une prise en charge conventionnelle.

 

Innovation dans le soin : la réhabilitation rapide après chirurgie oeso-gastrique

DEMARTINES N (Lausanne)

Résumé
La chirurgie œsophagienne est une chirurgie lourde et les résultats sont en relation avec le volume de patients traités et l’expérience de l’équipe multidisciplinaire. Pour des centres à haut volume la mortalité hospitalière est de 2.8% en 2012, contre 8.9% pour les centres à bas volumes. De plus, , la prise en charge péri opératoire des patients opérés de l’œsophage reste basée sur des habitudes et sur des dogmes. Il est donc capital de mettre en place un itinéraire clinique standardisé, et d’utiliser à fond l’aspect multidisciplinaire.
L’application systématique d’un programme de réhabilitation améliorée après chirurgie permet de diminuer significativement les complications, d’améliorer la qualité de vie de vie et le confort des patients, et de diminuer les durées de séjours. Les éléments clés d’un tel programme sont la nutrition péri opératoire pour tout les patients, une anesthésie avec péridurale thoracique et une mobilisation intensive très précoce. En posant les péridurales avec un contrôle radiologique, le taux de succès du fonctionnement de la péridurale peut être augmenté à 98%, permettant d’extuber 99,5% des patients à l’issue de l’intervention et de mobiliser 86% des patients le jour même de l’opération. Le but est de les faire marcher quelques pas et de les asseoir au fauteuil pour 2-4 heures.
L’application de ces mesures peu onéreuses et faciles à mettre en œuvre à un impact favorable sur le patient et sur les résultats de la chirurgie. Les prochaines étapes à franchir sont de poursuivre la validation et le contrôle de ces mesures et d’évaluer leur effet potentiel sur le long terme. Les premiers résultats suggèrent un effet bénéfique.

 

La recherche clinique dans les cancers de l’oesophage et de l’estomac où en est-on en 2014 ?

MARIETTE C (Lille)

Résumé
Alors que les cancers de l’œsophage et de l’estomac gardent un pronostic sombre, les programmes de recherche sont relativement moins développés dans ces localisations tumorales comparativement à d’autres cancers comme le côlon. Il existe notamment peu d’investissement des partenaires industriels sur ces thématiques. Accompagné par les plans Cancer 2 et maintenant 3, la France a structuré une recherche active, visible et multidisciplinaire autour de ces cancers, s’appuyant sur des centres d’excellence et fédérant de nombreux acteurs du pays mais également à l’échelle européenne.
Différentes actions ont ainsi été menées ces dernières années, avec la création et l’obtention de financements les projets :
1. Essais institutionnels randomisés nationaux évaluant des nouvelles molécules ou des stratégies de soins innovantes
2. Etudes de recherches cliniques institutionnelles nationales ou régionales évaluant les déterminants des délais d’accès aux soins et explorant plus largement les sciences humaines et sociales
3. Essais randomisés industriels à dimension européenne évaluant des molécules innovantes ou la place du soutien nutritionnel tout au long du parcours de soin
4. Participation à des essais institutionnels européens, notamment avec les groupes coopérateurs suisse (SAKK) et irlandais (ICORG)
5. Fédération des différents acteurs des CHU et des CLCC autour de la création d’une base clinico-biologique nationale dédiée à ces cancers permettant de réaliser des collections prospectives de données cliniques, biologiques, tumorales, de qualité de vie et de sciences humaines et sociales, visant à inclure entre 15 000 et 30 000 patients.
6. Structuration d’un réseau national de recherche clinique dédié, le réseau FREGAT (French EsoGastric Tumour working group).
7. Structuration Européenne d’un réseau d’évaluation des pratiques et d’échanges internationaux (EURECCA)
Ces efforts ont déjà permis la publication de nombreux travaux scientifiques dans des revues internationales de haut rang et devraient permettre dans les années à venir d’améliorer la qualité de la prise en charge et la survie de ces cancers, en favorisant notamment une personnalisation des soins.

 

Nouveautés technologiques en chirurgie oeso-gastrique (hors coelioscopie)

GAYET B (Paris)

Résumé
La videochirurgie a été pour la chirurgie digestive une innovation porteuse de grands espoirs qui n’ont pas tous été confirmés. Certes son caractère miniinvasif est indéniable mais aucune étude ne prouve que la diminution de la morbi-mortalité et l’amélioration de la survie des œsophagectomies par exemple soient liées à la cœlioscopie ou à la thoracoscopie. La robotique actuelle, des télémanipulateurs, n’a pas modifié ce constat.
Cependant l’arrivée de la vision stéréoscopique (3D) pourrait améliorer la qualité de la chirurgie comme cela est montré lors des tests de performance en donnant une habileté associée à une macrovision que la chirurgie ouverte ne permet pas. D’autres technologies font appel à une amplification de la réalité. Il peut s’agir de systèmes de guidage, de fluorescence en vision infrarouge permettant l’analyse en temps réel de la vascularisation des plasties, de la recherche de ganglions sentinelles…
C’est surtout l’apport de l’endoscopie interventionnelle chirurgicale qui semble en voie de révolutionner certaines approches qu’il s’agisse de procédures par les orifices naturels, endogastrique ou mixte aussi bien pour la chirurgie gastrique qu’œsophagienne.
La prochaine génération sera celle d’endoscopes robotisés avec capteurs de pressions retransmettant le feedback de la palpation distale des instruments que l’on pourra associer à des outils à commandes neurologique ou musculaire directes. On montrera avec quelques vidéos des exemples du matériel actuellement en test ou en développement dans les laboratoires.
La France est actuellement en pointe dans ce domaine. La question est de savoir qui va réaliser et évaluer les procédures que permettent ces nouveaux outils et on présentera la position actuelle d’une commission mixte des CNU de chirurgie digestive et d’Hépato-Gastro-Entérologie.